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I.ER SERMON

POUR

LE II. DIMANCHE DE CARÊME.

Obligation de croire à la parole de Jésus-Christ, malgré son obscurité. Comment il faut former nos jugemens sur sa doctrine. Soumission due à ses préceptes, quoique difficiles. Vertu de ses exemples pour nous engager à lui obéir. Combien peu écoutent le Sauveur : qui sont ceux qui l'écoutent fidèlement. Motifs puissans pour nous porter à espérer fermement dans ses promesses, prodigieuse insensibilité des hommes.

Hic est Filius meus dilectus, in quo mihi bene complacui: ipsum audite.

Celui-ci est mon Fils bien-aimé, dans lequel je me suis plu: écoutez-le. Matt. xvii. 5.

C'EST

Est une doctrine fondamentale de l'Evangile de Jésus-Christ, que les chrétien véritable ne se conduit point par le sens ni par la raison naturelle; mais qu'il règle tous ses sentimens par l'autorité de la foi, suivant ce que dit le divin Apôtre : Justus autem meus ex fide vivit(1): « Le juste vit par la foi ». C'est pourquoi, entre tous les sens que la nature nous a donnés, il a plu à Dieu de choisir l'ouïe pour

(1) Hebr. x. 38. Hab. 11. 4.

la consacrer à son service. « Un peuple, dit-il, s'est » donné à moi, il s'est soumis par la seule ouïe » : In auditu auris obedivit mihi (1). Et le Sauveur nous prêche dans son Evangile, que « ses brebis écoutent » sa voix, et qu'elles le suivent » aussitôt qu'il parle : Oves meæ vocem mcam audiunt,... et sequuntur me (2); afin, mes Frères, que nous entendions que dans l'école du Fils de Dieu il ne faut point consulter les sens, ni faire discourir la raison humaine, mais seulement écouter et croire.

Je ne m'étonne donc pas aujourd'hui si Dieu fait retentir, ainsi qu'un tonnerre, aux oreilles des saints apôtres, cette parole que j'ai rapportée : <«< C'est ici mon Fils bien-aimé dans lequel je me >> suis plu, écoutez-le » : Ipsum audite; c'est-à-dire qu'après Jésus-Christ il n'y a plus de recherche à faire: Nobis curiositate opus non est post Christum Jesum, nec inquisitione post Evangelium, dit le grave Tertullien (3). Ce divin Maître nous ayant parlé, toute la curiosité de l'esprit humain doit être à jamais arrêtée; et il ne faut plus songer qu'à l'obéissance: Ipsum audite: « Ecoutez-le ». Mais afin que vous sachiez mieux ce que signifie cet oracle, et pourquoi le Père céleste a voulu nous le prononcer dans la glorieuse transfiguration de notre Seigneur Jésus-Christ, remarquez, s'il vous plaît, avant toutes choses, qu'il nous a envoyé son Fils pour nous apporter trois paroles qu'il est nécessaire que nous écoutions la parole de sa doctrine qui nous enseigne ce qu'il faut croire; la parole de ses

:

(1) Ps. xvII. 48.- (2) Joan. x. 27. — (3) De Præscr. adv. Hæret.

préceptes qui nous montre comme il faut agir; la parole de ses promesses qui nous apprend ce qu'il faut attendre.

:

Le vieil homme a cinq sens; l'homme renouvelé n'a plus que l'ouïe il ne juge point par la vue; Dieu lui a en quelque sorte arraché les yeux: Non contemplantibus nobis quæ videntur (1): « Nous ne » considérons point les choses visibles » : ni le toucher, ni le goût ne le règlent; il lui est seulement permis d'écouter, et cette liberté est restreinte à écouter Jésus-Christ tout seul; et encore doit-il l'écouter, non pour examiner sa doctrine, mais pour le croire simplement sur son témoignage. Car comme l'esprit humain s'égaroit dans ses jugemens par son ignorance, dans ses mœurs par ses désirs déréglés, dans la recherche de son bonheur pas ses espérances mal fondées; pour donner remède à de si grands maux, il falloit que ce divin Maître entreprît de former notre jugement par la certitude de sa doctrine, de diriger nos mœurs dépravées par l'équité de ses préceptes, de régler nos prétentions par la fidélité de ses promesses. C'est ce qu'il a fait, chrétiens; et il y a travaillé principalement dans sa glarieuse transfiguration. De quelle sorte et par quels moyens; c'est ce qu'il faut vous proposer en peu

mots.

de

Sachez donc et pesez attentivement que l'effet de ces trois paroles que le Fils de Dieu nous annonce, est traversé par trois grands obstacles. Vous nous enseignez, ô Maître céleste, et rien n'est plus assuré que votre doctrine; mais elle est obscure et (1) II. Cor. IV. 18.

impénétrable, et l'esprit a peine à s'y soumettre. Divin Législateur, vous nous commandez, et tous vos préceptes sont justes; mais cette voie est rude et contraire aux sens, et il est malaisé de s'y ranger. Enfin vous nous promettez des biens éternels, et il

a rien de plus ferme que vos promesses; mais que l'exécution en est éloignée! vous nous remettez à la vie future, et notre ame est fatiguée par cette attente. Voilà, mes Frères, trois grands obstacles qui nous empêchent d'écouter le sauveur Jésus, et de nous soumettre à sa parole: sa doctrine est certaine, mais elle est obscure; ses préceptes sont justes, mais difficiles; ses promesses infaillibles, mais fort éloignées. Chrétiens, allons au Thabor pour y voir Jésus-Christ transfiguré; considérons qui l'y accompagne, de quoi il y parle, comme il y paroît. Moïse et Elie sont à ses côtés; c'est-à-dire, si nous l'entendons, que la loi et les prophètes lui rendent hommage. Un maître en qui il paroît tant d'autorité, quoique sa doctrine soit obscure, mérite bien qu'on l'en croie sur sa parole: Ipsum audite. Mais de quoi s'entretient ce divin Sauveur avec ces deux hommes que Dieu lui envoie? « De sa mort, dit » l'Evangéliste, et du supplice cruel qu'il devoit » souffrir en Jérusalem » Dicebant excessum ejus, quem completurus erat in Jerusalem (1). Chrétiens, ne parlons plus des difficultés des choses qu'il nous a commandées, après que nous voyons les travaux pénibles de celles qu'il a lui-même accomplies. Enfin il paroît, nous dit l'Ecriture, plein de gloire et de majesté, et il nous donne comme un avant-goût de

(1) Luc. 1x. 31.

la félicité qu'il nous prépare. Par conséquent ne nous plaignons pas que la gloire qu'il nous promet soit si éloignée, puisqu'il nous la rend déjà en quelque sorte présente. Que reste-t-il donc maintenant? sinon que nous entendions le Père éternel qui nous avertit d'écouter son Fils: Ipsum audite. Ecoutons humblement ce divin Maître; écoutons sa doctrine céleste, sans que l'obscurité nous arrête; écoutons ses commandemens, sans que leur difficulté nous étonne; enfin écoutons ses promesses, sans que leur éloignement nous impatiente. C'est ce que je me de vous faire entendre avec le secours de

propose la grâce.

PREMIER POINT.

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La première chose, mes Frères, que le Père éternel exige de nous, lorsqu'il nous ordonne d'écouter son Fils, c'est que nous soyons convaincus que, sur toutes les vérités qu'il est nécessaire que nous connoissions, il s'en faut rapporter à ce qu'il en dit, et l'en croire sur sa parole sans examiner davantage. C'est ce qu'il nous faut établir comme le fondement immuable de toute la vie chrétienne; et pour cela supposons, Messieurs, une chose connue de tous, qui nous donnera de grandes lumières, si nous en savons comprendre les suites; que les hommes peuvent parvenir à la vérité en deux manières différentes; ou bien par leurs lumières, lorsqu'ils la connoissent eux-mêmes; ou par la conduite des autres, lorsqu'ils en croient un rapport fidèle. C'est une chose connue, et qui n'a pas besoin d'explica tion; mais les suites en sont admirables, et je vous prie de les bien entendre.

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