Images de page
PDF
ePub

monte encore les remèdes mêmes. Si donc, selon sa parole, les difficultés s'augmentent toujours, si en effet par un juste jugement de Dieu la pénitence est plus difficile que le baptême, et que par la même règle la pénitence souvent violée, à mesure qu'on la méprise, augmente les difficultés de la conversion et y ajoute de nouveaux obstacles; où en sommesnous, ô Dieu vivant! et quel effroyable chaos avonsnous mis entre Dieu et nous par nos continuelles rechutes!

[blocks in formation]

Trois préceptes de Jésus-Christ pour établir la concorde parmi les hommes. Ordre que Dieu a établi dans l'union des hommes. Quel est le fondement de l'amour du prochain. Pourquoi si peu d'amitié solide dans le monde. Combien un ami fidèle nous est utile. Dangers des flatteurs. Devoirs de la charité envers le prochain.

Ubi sunt duo vel tres congregati in nomine

in medio eorum.

meo, ibi sum

Où il y a deux ou trois personnes assemblées en mon nom, je serai là au milieu d'elles. Matt. XVIII. 20.

CE que dit saint Augustin est très-véritable, qu'il n'y a rien de si paisible ni de si farouche que l'homme; rien de plus sociable par sa nature, ni rien de plus discordant et de plus contredisant par son vice: Nihil est enim quàm hoc genus tam discordiosum vitio, tam sociale naturd (1). L'homme étoit

(1) De Civ. Dei, lib. x11, c. xxvii, tom. VII, col. 325.

fait pour la paix et il ne respire que la guerre. Il s'est mêlé dans le genre humain un esprit de dissention et d'hostilité qui bannit pour toujours le repos du monde. Ni les lois, ni la raison, ni l'autorité ne sont pas capables d'empêcher que l'on ne voie toujours parmi nous la confiance tremblante et les amitiés incertaines, pendant que les soupçons sont extrêmes, les jalousies furieuses, les médisances cruelles, les flatteries malignes, les inimitiés implacables.

Jésus-Christ s'oppose dans notre Evangile au cours et au débordement de tant de maux, et il y établit la concorde et la société entre les hommes par trois préceptes admirables, qui comprennent les devoirs les plus essentiels de notre mutuelle correspondance. Premièrement il ordonne que l'on s'unisse en son nom, et se déclare le protecteur d'une telle société Ubi fuerint duo vel tres congregati in nomine meo, ibi sum in medio eorum. « Où seront >> deux ou trois personnes assemblées en mon nom, » là je serai au milieu d'elles ». En second lieu il nous enseigne de nous corriger mutuellement par des avis charitables: Corripe eum inter te et ipsum solum (1); « Reprenez, dit-il, votre frère entre vous » et lui ». Enfin il commande expressément de pardonner les injures, et il ne donne aucunes bornes à cette indulgence. « Pardonnez, dit-il, les offenses,

>>

je ne dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à sep» tante fois sept fois », c'est-à-dire, jusqu'à l'infini et sans aucunes limites; usque septuagies septies (2). Je trouve dans ces trois préceptes tout ce qu'il y a de

[blocks in formation]

plus important dans la charité fraternelle car trois choses étant nécessaires, d'en établir le principe, d'en ordonner l'exercice, d'en surmonter les obstacles, Jésus-Christ établit le principe de l'amitié chrétienne dans l'autorité de son nom in nomine meo. Il en prescrit le plus noble et le plus utile exercice dans les avertissemens mutuels: Corripe eum. Enfin il en surmonte le plus grand obstacle par le pardon des injures: Non dico tibi usque septies, sed usque septuagies septies. C'est le sujet de ce discours. Entrons d'abord en matière, et montrons avant toutes choses dans le premier point, que Dieu seul est le fondement de toute amitié véritable.

PREMIER POINT.

QUOIQUE l'esprit de division se soit mêlé bien avant dans le genre humain, il ne laisse pas de se conserver au fond de nos cœurs un principe de correspondance et de société mutuelle qui nous rend ordinairement assez tendres, je ne dis pas seulement à la première sensibilité de la compassion, mais encore aux premières impressions de l'amitié. De là naît ce plaisir si doux de la conversation, qui nous fait entrer comme pas à pas dans l'ame les uns des autres. Le cœur s'échauffe, se dilate; on dit souvent plus qu'on ne veut, si l'on ne se retient avec soin; et c'est peut-être pour cette raison que le Sage dit quelque part, si je ne me trompe, que la conversation enivre, parce qu'elle pousse au dehors le secret de l'ame par une certaine chaleur et presque sans qu'on y pense. Par-là nous pouvons comprendre que cette puissance divine, qui a comme partagé la na

ture humaine entre tant de particuliers, ne nous a pas tellement détachés les uns des autres, qu'il ne reste toujours dans nos cœurs un lien secret et un certain esprit de retour pour nous rejoindre. C'est pourquoi nous avons presque tous cela de commun, que non-seulement la douleur, qui étant foible et impuissante demande naturellement du soutien, mais la joie, qui abondante en ses propres biens semble se contenter d'elle-même, cherche le sein d'un ami pour s'y répandre, sans quoi elle est imparfaite et assez souvent insipide: tant il est vrai, dit saint Augustin, que rien n'est plaisant à l'homme s'il ne le goûte avec quelqu'autre homme dont la société lui plaise: Nihil est homini amicum sine homine amico (1).

Mais comme ce désir naturel de société n'a pas assez d'étendue, puisqu'il se restreint ordinairement à ceux qui nous plaisent par quelque conformité de leur humeur avec la nôtre; ni assez de cordialité, puisqu'il est le plus souvent cimenté par quelque intérêt, foible et ruineux fondement de l'amitié mutuelle; ni enfin assez de force, puisque nos humeurs et nos intérêts sont des choses trop changeantes pour être l'appui principal d'une concorde solide Dieu a voulu, chrétiens, que notre société et notre mutuelle confédération dépendît d'une origine plus haute; et voici l'ordre qu'il a établi. Il ordonne que l'amour et la charité s'attachent premièrement à lui comme au principe de toutes choses, que de là elle se répande par un épanchement général sur tous les hommes qui sont nos semblables, (1) Ad Prob. Epist. cxxx, n. 4, tom. 11, col. 384.

« PrécédentContinuer »