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devant Dieu ses égaremens : dites-lui avec le Psalmiste: «< O Seigneur, mon cœur m'a abandonné » : Cor meum dereliquit me (1). Tâchez toujours de le rappeler, cherchez cet égaré, dit saint Augustin (2); et quand vous l'aurez trouvé avec David, offrez-le tout entier à Dieu, et adorez en esprit celui qui est esprit et vie Spiritus est Deus: et eos qui adorant eum, in spiritu et veritate oportet adorare (3).

Mais pour arrêter notre esprit et contenir nos pensées, il faut nécessairement échauffer ce cœur. C'est le naturel de l'esprit de rouler toujours en lui-même par un mouvement éternel, tellement qu'il seroit toujours dissipé par sa propre agitation, si Dieu n'avoit mis dans la volonté une certaine vertu qui le fixe et qui l'arrête. Mais, mes Frères, une volonté languissante n'aura jamais cette force, jamais ne produira un si bel effet; il faut qu'elle ait de la ferveur, autrement l'esprit lui échappe, et elle s'échappe à elle-même : « L'attention de l'esprit » se fait à elle-même une solitude»: Gignit sibi mentis intentio solitudinem (4). Dieu aussi s'éloigne de nous quand nous ne lui apportons que des désirs foibles. Car, mes Frères, il nous faut entendre cette belle doctrine de l'apôtre, que cet esprit toutpuissant que nous adorons est le même qui excite en nous les fervens désirs par lesquels nous sommes pressés de l'adorer. Il n'est pas seulement l'objet, mais le principe de notre culte; je veux dire qu'il

(1) Ps. XXXIX. 17. (2) In Ps. LXXxv, n. 7, tom. IV, col. 905. (3) Joan. IV. 24. — (4) S. Aug. de quæst. ad Simpl. lib. 11, tom. VI,

col. 118.

>>

nous attire au dehors, et que lui-même nous pousse au dedans. Ecoutez comme parle l'apôtre saint Paul: « Dieu a envoyé en nos cœurs l'esprit de son Fils >> qui crie en nous; ô Dieu, vous êtes notre Père (1) » : et ailleurs; « L'esprit aide notre infirmité » : et encore; « L'esprit prie en nous avec des gémissemens inexplicables (2) ». Cela veut dire, mes Frères, que cet Esprit qui procède du Père et du Fils, et que nous adorons en unité avec le Père et le Fils, est le saint et divin auteur de nos adorations et de nos prières. Mais considérez avec attention qu'il ne nous pousse pas mollement; il veut crier et gémir, nous dit le saint apôtre, avec des gémissemens inexplicables. Il faut donc que nous répondions par notre ferveur à cette sainte violence; autrement nous ne prions pas, nous n'adorons pas en esprit. Le Saint-Esprit veut crier en nous; ainsi nous l'affoiblissons, si nous ne lui prêtons qu'une foible voix. Cet esprit veut gémir en nous; nous dégénérons de sa force, si nous ne lui offrons qu'un cœur languissant. Enfin le Saint-Esprit veut nous échauffer; et nous laissons éteindre l'esprit, contre le précepte de l'apôtre (3), si nous ne répondons à son ardeur, en approchant de Dieu de notre part avec cet esprit fervent qui fait la perfection de notre culte : Spiritu ferventes, dit le même apôtre saint Paul (4).

Mais, nous dit-on, je veux être dévot, je ne puis; Vult et non vult piger, anima autem operantium impinguabitur (5): « Le paresseux veut et ne veut

6.

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(1) Gal. IV.
(2) Rom. VIII. 26.-(3) I. Thess. v. 19. -
(5) Prov. x. 4.

XII. II.

Rom.

» point, mais l'ame de ceux qui sont laborieux » s'engraissera ». [Ses désirs sont] des désirs qui tuent, qui consument toute la force de la foi qui s'évapore toute en ces vains soupirs. Desideria occidunt pigrum : noluerunt enim quidquam manus ejus operari: totâ die concupiscit et desiderat : qui autem justus est, tribuet et non cessabit (1). « Les désirs >> tuent les paresseux; car ses mains ne veulent rien » faire : il passe toute la journée à faire des souhaits; >> mais celui qui est juste donne, et ne cesse point » d'agir ». Par où commencer? vous dites : Dégoûtez-vous du monde et vous apprendrez à goûter Dieu; et moi je vous dis : Faites-moi goûter Dieu, et je me dégoûterai du monde : par où commencer? Ainsi votre salut sera impossible. Je vous donnerai une ouverture, je vous ouvrirai une porte. Votre foi est endormie, mais non pas éteinte, excitez ce peu qui vous en reste. Commencez à supporter les premiers dégoûts, à dévorer les premiers ennuis; vous verrez une étincelle céleste s'allumer au milieu de votre raison. Mais qu'avant que d'avoir tenté vous disiez tout impossible; qu'au premier ennui qui vous prend, vous quittiez et la lecture et la prière, et que vous désespériez non de vous-même seulement, mais de Dieu et de sa grâce; c'est une lâcheté insupportable. Que ne vous éveillez-vous donc, et que n'entreprenez-vous votre salut? Et ne l'entreprenez pas d'une manière molle et relâchée; «< car celui qui est mou et lâche dans ses entreprises ressemble à celui qui détruit et qui ra(1) Prov. XXI. 25, 26,

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» vage » : Qui mollis et dissolutus est in opere suo, frater est sua opera dissipantis (1). Commencez donc quelque chose dans cette sainte assemblée, maintenant que vous êtes sous les yeux de Dieu, à la table de sa céleste vérité, sous l'autorité de sa divine parole; commencez et vous trouverez à la fin la paix de la conscience, et le repos qui ne sera qu'un avant-goût de celui que je vous souhaite dans l'éternité, avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

(1) Prov. XVIII. 9.

SERMON

POUR LE SAMEDI

DE LA III. SEMAINE DE CARÊME.

SUR LES JUGEMENS HUMAINS.

Conduite toute extraordinaire de Jésus à l'égard de la femme adultère : leçons qu'il nous y donne. Insolence de l'entreprise de nos jugemens. Quelles sont les actions que nous devons condamner, et celles sur lesquelles nous devons suspendre notre jugement. Dans quel esprit et avec quelle retenue nous sommes obligés de juger nos frères. Combien la bonté est plus propre que la justice à nous pénétrer vivement de nos fautes. Grandeur de celle de Jésus pour nous: sentimens qu'elle doit produire dans nos cœurs.

Nemo te condemnavit? Quæ dixit: Nemo, Domine. Dixit autem Jesus: Nec ego te condemnabo; vade, et jam amplius noli peccare.

Personne ne t'a condamnée, dit Jésus à la femme adultère? Laquelle lui répondit: Personne, Seigneur. Et Jésus lui dit: Je ne te condamnerai pas aussi; va, dorénavant ne péche plus. Joan. vIII. 10, II.

et

QUEL est, Messieurs, ce nouveau spectacle? Le juste prend le parti des coupables, le censeur des mœurs dépravées désarme les zélateurs de la loi, élude leur témoignage, arrête toutes leurs pour

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