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douze votants, ne pas s'opposer à la promulgation (Moniteur, 27 mars).

D'après ce que l'on a vu déjà (V. ci-dessus), un autre projet international, tendant à ouvrir au ministre des finances un crédit spécial de 522,019 fr. 83 centimes pour le payement du semestre échu le 1er mars 1858 des intérêts et de l'amortissement de la portion afférente à la garantie de la France dans l'emprunt grec, ne devait pas non plus rencontrer d'opposition. L'ensemble du projet fut adopté (19 mars) à l'unanimité de 216 votants. Il serait superflu de rappeler que le chiffre annuel du contingent de l'armée est une sorte d'impôt et le plus important de tous. C'est à ce titre que nous plaçons ici le projet de loi ayant pour objet l'appel de cent mille hommes à faire en 1859 sur la classe de 1858. Le préambule du projet à cet égard rappelait les paroles prononcées par l'Empereur à l'ouverture de la session du Corps législatif en 1857 (V. Ann.) sur la fixation du contingent annuel, qui devrait désormais et pendant la durée de la paix, si heureusement rétablie, servir de base « à la formation d'une force militaire digne de la grandeur de la France et capable, au besoin, de faire face à toutes les éventualités. » Déjà et depuis longues années, il avait été reconnu par les plus illustres organisateurs militaires que cette force, en y comprenant l'armée active et la réserve, ne pouvait descendre au-dessous de 600,000 hommes.

Quel devait être le chiffre du contingent annuel nécessaire pour l'assurer?-Selon le projet, il fallait cent mille hommes, chiffre de 1857. Après un mûr examen de toutes les causes d'affaiblissement du contingent annuel, il avait été reconnu qu'un contingent de cent mille hommes ne donnant guère que soixantedouze mille au drapeau était indispensable pour réaliser, en faisant appel à la réserve, une force active de 600,000 hommes susceptible d'être mise rapidement sur le pied de rassemblement ou sur le pied de guerre.

Ainsi raisonnait le Gouvernement.

Observations et amendements de la Commission présentés et communiqués par M. Reille, rapporteur. Il convient de rappeler que le contingent de cent mille hommes était exactement celui

qui avait été voté dans la dernière session. Ce chiffre, introduit depuis le rétablissement de la paix, permettait une répartition plus équitable sur les sept classes qui fournissent l'effectif militaire disponible, et on parvenait à éviter ces appels imprévus que le précédent rapport qualifiait de contingents de circonstance. La Commission actuelle avait tenu à justifier aux yeux du pays une mesure qui pouvait aggraver ses charges. Des explications fournies, il résultait que la nécessité d'entretenir un effectif de 600,000 hommes au moins, en temps de guerre, étant admise, le contingent annuel et normal devait être fixé à cent mille hommes; un appel d'autant de soldats ne donnant pas au drapeau, par suite de déductions à divers titres, plus de soixantedouze mille hommes. Donc un total de cinq cent mille pour les sept classes, à eux ajoutés, les engagés et rengagés volontaires. Le Gouvernement conservait, du reste, la faculté de n'appeler au service actif qu'une partie de la classe; comme cela avait eu lieu en 1857 (quarante-deux mille hommes seulement).

Questions adressées au Gouvernement par la Commission : 1° Avait-on adopté un système de réserve suivant les indications du budget de 1858 et de la loi d'appel; 2o quelle était l'influence du nombre des exonérations sur l'augmentation du contingent, et par suite, quel était l'intérêt de la caisse de la dotation à cette augmentation?

Réponse: Quant à la réserve, nul nouveau système; la question restait à l'étude, et quant à la caisse de la dotation, on avait pensé qu'une augmentation du contingent produirait une augmentation correspondante dans le nombre des exonérations. Erreur. Mais cela fût-il, que la caisse devant, par des rengagements ou des engagements avec primes, combler les vides produits dans les rangs de l'armée par les exonérations, ne bénéficierait que de l'écart entre la prime et le prix de l'exonération, écart au moyen duquel elle devait encore pourvoir aux hautes payes et aux pensions de retraite. Donc peu de profit pour elle à l'accroissement du nombre des exonérés.

En résumé, au sens de la Commission, d'accord ici avec le Gouvernement, le chiffre du contingent devait rester fixé à cent mille hommes, indépendamment de tout système de ré

serve ou d'exonération si l'on ne voulait pas, dès l'ouverture des hostilités, recourir à des moyens extrêmes.

Corps législatif (séance du 20 février). Nulle discussion sur le projet ainsi préparé et approfondi par le Gouvernement et la Commission, et adoption par deux cent vingt-six suffrages sur deux cent vingt-huit.

Le même jour, sanction par la Chambre élective d'un projet de loi ayant pour objet de limiter entre frères, beaux-frères et parents jusqu'au sixième degré, la substitution de numéros (en) matière de recrutement), autorisée par les lois des 21 mars 1832 et 26 avril 1855.

En créant la Caisse de la dotation de l'armée et l'exonération, la loi du 26 avril 1855 (V. Ann.) avait voulu surtout mettre un terme au trafic du remplacement et aux désordres qu'il entraînait. De là cette disposition fondamentale :

Le mode de remplacement établi par la loi du 21 mars 1832 est supprimé, si ce n'est entre frères, beaux-frères et parents jusqu'au quatrième degré.

La substitution de numéros autorisée par cette loi est maintenue.

Mais toute loi recèle des abus possibles au moment même où elle tend à en supprimer d'autres. La substitution ainsi maintenue et limitée dégénéra en un remplacement déguisé, et l'on put s'apercevoir que les compagnies dont c'était le trafic étaient revenues sous cette forme aux manœuvres que la loi de 1855 était destinée à proscrire. Il résultait des rapports des autorités civiles et militaires que les substitutions de numéros avaient été effectuées en presque totalité par les agents de remplacement. << On les a vus parcourant les campagnes, assiégeant les portes des salles du Conseil de révision, recrutant les jeunes gens libérés et s'emparant d'eux pour les vendre comme substituants.»> Un pareil état de choses devait porter atteinte, en même temps, aux intérêts de la caisse de la dotation, à ceux des militaires et à ceux des familles. Une loi nouvelle devenait donc urgente. Le Gouvernement pensa que la substitution devait être restreinte dans les mêmes limites et soumise aux mêmes règles que celles qui étaient assignées au remplacement par la loi du

26 avril 1855 (art. 10, § 1or). (Déjà un Avis dans ce sens, et destiné à prémunir les familles contre les menées des agents recruteurs, avait paru dans le Journal officiel.)

Etude du projet par la Commission. En principe, on était d'accord là-dessus avec le Conseil d'État. L'abus était flagrant et constaté. Cinquante-trois préfets l'avaient signalé, et les autorités militaires avaient confirmé leurs rapports. Cependant il s'agissait de rendre le moins onéreux possible aux familles l'effet du projet de loi, et d'en adoucir la rigueur salutaire et nécessaire. En conséquence, proposition de la rédaction suivante :

L'article 10 de la loi du 26 avril 1855 est modifié ainsi qu'il suit: Le mode de remplacement établi par la loi du 21 mars 1832 est supprimé, si ce n'est entre frères, beaux-frères et parents jusqu'au sixième degré.

La substitution de numéros autorisée par ladite loi ne pourra également avoir lieu qu'entre frères, beaux-frères et parents jusqu'au SIXIÈME degré, concourant au tirage de la même classe, et dans le même canton.

Ainsi, extension du quatrième au sixième degré de parenté de la faculté de remplacement, et adoption de cet amendement par le Conseil d'Etat. C'était une satisfaction donnée à l'intérêt des familles et à la morale publique.

La discussion en séance publique ne devait pas faire modifier, mais uniquement éclairer les termes de la question. Un honorable membre, M. Corne, ne combattit point le projet, il eût seulement voulu un nouveau système d'exonération le versement à forfait avant les opérations du tirage d'une somme de 7 à 800 fr., le chiffre actuel lui paraissant, non sans raison, trop élevé.

M. Guyard-Delalain rappela qu'il avait proposé de permettre la substitution entre non parents, dans la même commune, et entre jeunes gens inscrits sur la liste du contingent. Mais ne serait-ce pas fournir une prise nouvelle aux trafiquants de recrutement? C'est ce que l'on pouvait demander à l'honorable orateur.

Le général Allard, commissaire du Gouvernement, saisit cette occasion pour justifier l'institution de la Caisse de la dotation.

Il établit, ce que d'aucuns auraient pu supposer, que la restriction apportée par le projet de loi à la substitution de numéros n'était nullement une mesure fiscale destinée à grossir les recettes de la Caisse de la dotation; que le chiffre des rengagements était supérieur à celui des exonérations; que l'Etat était obligé de modérer les premiers. Enfin, de la situation même de la Caisse de la dotation au 1er janvier de cette année, l'orateur induisait que cette institution devait être acceptée comme un bienfait par les populations et par l'armée.

A la suite de ces explications et de quelques observations secondaires échangées encore entre quelques honorables membres, adoption du projet de loi, à la majorité de 226 suffrages sur 235.

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