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Sans doute on eût souhaité un autre mot; mais on n'avait pas trouvé d'équivalent.

La majorité de la Commission avait pensé comme M. Conseil; mais tel n'avait pas été le sentiment du Conseil d'Etat. L'impérilie avait donc été maintenue. Qu'est-ce, en effet, que l'impéritie du commandant? c'est, à un moment donné, l'ignorance de ce qu'il doit savoir.

Ces explications de M. Rigaud ne tranchaient cependant pas la question de savoir si cette ignorance devenait un délit ou un crime punissable, et si elle ne remontait pas à l'autorité qui avait nommé le commandant inhabile.

M. de La Tour eût désiré aussi la suppression de l'impéritie. M. Duvergier pensait que le commandant prévenu pour ce motif se défendrait, et que les juges apprécieraient.

M. de Parieu demandait, lui aussi, le maintien de l'expression. Adoption de l'article et de l'expression, sauf une observation du général Parchappe, sur l'article 272, point de discussion sur les trois articles suivants à partir de 268. L'honorable général considérait comme un complément nécessaire de l'article 271, l'amendement proposé par la Commission au sujet du fait d'avoir amené le pavillon. Il s'agissait de substituer les travaux forcés à la peine de la détention, et de prononcer la condamnation à mort, dans le cas où, par suite du cri proféré, le pavillon aurait été, en effet, amené.

Le Conseil d'Etat avait préféré l'application de la peine la plus militaire. Et quant à la question de savoir, si le pavillon avait été amené par suite du cri proféré, il ne serait guère possible de le constater.

A la suite de cette réponse de l'organe du Gouvernement (le général Allard) et de quelques observations de M. Millet, adoption de l'article discuté.

Le 275° donna lieu à une réclamation rétrospective de M. Conseil, au sujet de l'impéritie dont il avait été question dans la séance précédente.

On avait dit que le corps entier de la marine réclamait l'introduction de ce mot dans le Code. L'orateur persistait à soutenir qu'en protestant contre cette introduction, il avait ex

primé les sentiments d'un grand nombre d'officiers de marine. L'article suivant (276) donna lieu à M. Millet de faire observer qu'en édictant la peine capitale contre le commandant qui n'aurait pas maintenu son bâtiment au poste de combat, on avait omis qu'il serait passible de la dégradation militaire. A quoi le Commissaire du Gouvernement répondit que l'on ne pouvait pas taxer d'infamie, pour le seul fait de l'abandon du poste, le commandant qui pouvait l'avoir quitté pour un poste plus périlleux. Mais alors pourquoi serait-il condamné à la peine de mort?

Vote des articles suivants jusqu'à 299 inclusivement.

Articles 300-355 : Adoption sans débats.

Article 356 M. Paul Dupont regrettait à propos de cet article que le Conseil d'Etat n'eût pas admis un amendement ayant pour objet de faire appliquer l'article 176 du Code pénal ordinaire aux administrateurs de la marine, qui feraient le commerce de grains.

Réponse du Commissaire du Gouvernement: une pénalité de ce genre ne pouvait être appliquée qu'à des fonctionnaires exerçant une autorité territoriale. Les peines disciplinaires suffiraient dans le cas qui donnait lieu à l'observation du préopinant.

Adoption des articles jusqu'au 376° et dernier inclusivement. Scrutin sur l'ensemble du projet du Code, et adoption par 250 suffrages sur 253 (22 avril).

La marine avait, enfin,son Code aussi bien que l'armée de terre. L'égalité civile devait-elle avoir le sien? Il y avait longtemps que cette question était posée entre l'incurable vanité de certains hommes et leurs concitoyens appelés comme eux, et dans la même proportion, à contribuer aux charges publiques. Le Gouvernement songea, enfin, dans quel esprit, c'est ce que l'opinion chercha à apprécier, il songea à mettre un terme aux usurpations de titres honorifiques ou nobiliaires. Mais, y avait-il bien encore, sous l'empire des principes de 89, une usurpation possible en ce genre, alors qu'il n'y avait plus de noblesse ? C'est ce que l'on se demanda même et surtout après la présentation du projet élaboré par le Conseil d'Etat, et ayant pour but la modification de l'article 259 du Code pénal. Cet article ainsi conçu: Toute

personne qui aura publiquement porté un costume, un uniforme ou une décoration qui ne lui appartiendra pas, sera punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans. L'exposé des motifs destiné à modifier cette disposition, débutait précisément en affirmant ce qui était en question : « Le rétablissement, dans le Code pénal, des dispositions qui punissaient l'usurpation des titres de noblesse, est une mesure dont la sagesse et l'utilité ne peuvent être contestées. Il n'est ni politique ni moral d'abandonner aux empiétements de la vanité, ou aux entreprises de la fraude une institution (la noblesse en était donc une?) à laquelle se rattachent les grands souvenirs de l'ancienne monarchie, que les gloires de l'Empire ont entourée d'un nouvel éclat, et qui s'appuie tout à la fois sur le respect que commande l'ancienneté des traditions, et sur l'obéissance qui est due aux actes les plus solennels de la législation contemporaine. »

En conséquence, proposition de rendre à l'article 259 du Code pénal, sinon la forme, du moins le sens qu'il avait en 1810 et en 1816, et qu'une modification improvisée lui avait ôté en

1832.

Poussant ensuite plus avant dans le point de vue qui motivait la présentation du projet, le Conseil d'Etat ajoutait, que l'application raisonnable du principe de l'égalité devait faire disparaître les injustes exemptions dans la répartition des impôts, les priviléges dans l'ordre des juridictions, et les distinctions dans l'aptitude des différentes classes aux emplois publics. Mais le principe de l'égalité n'exigeait point le sacrifice des titres purement honorifiques, signes et récompenses du talent, du courage et des services rendus à l'Etat. Individuellement non, sans doute; mais cela devait-il être héréditaire? L'affirmative était sous-entendue dans cet exposé.

Suivait un historique des lois régissant la matière : le décrct du 19 juin 1790, abolitif de la noblesse; la Constitution de l'an 8, dans laquelle le premier consul, « qui prévoyait l'Empire, » déposa le germe de cette institution (la noblesse) maintenue par tous les gouvernements, « respectée par toutes les révolutions; » la loi du 29 floréal, an 10, institutive de la Légion d'honneur; les actes de 1806 et 1808, qui donnèrent aux titres

de noblesse, une existence légale. « Ils ne peuvent être accordés, y est-il dit, que pour récompenser de grands services; pour exciter une utile émulation; pour concourir à l'éclat du trône... L'objet de l'institution est non-seulement d'entourer le trône de la splendeur qui convient à sa dignité, mais encore de nourrir « au cœur des sujets, une louable émulation en perpétuant d'illustres souvenirs, et en conservant aux âges futurs, l'image toujours présente des récompenses qui, sous un gouvernement juste, suivent les grands services rendus; » puis, le code pénal de la même année 1810, assimilatif de l'usurpation des titres impériaux à l'usurpation des décorations; la charte de 1814, qui déclarait que l'ancienne noblesse reprenait ses titres, et que la nouvelle gardait les siens; l'ordonnance de 1816 (que l'on ne s'attendait pas à voir figurer ici à titre d'argument) et qui permettait la substitution, dans l'édition des codes, des dénominations royales aux dénominations impériales; le code pénal révisé de 1832, dans lequel un amendement fit retrancher de l'article 259, la disposition infligative aux usurpations de titres, de la peine prononcée contre le port illégal d'un costume, d'un uniforme, d'une décoration. Or, c'était précisément la disposition attaquée; enfin, le décret de 1848, abolitif des anciens titres de noblesse et interdictif des qualifications qui s'y rattachaient, et reproduit dans la constitution de la mème année.

1852, abrogation du décret de 1848.

« La France s'est trouvée ainsi replacée sous l'empire des idées que, pendant près d'un demi-siècle, tous les pouvoirs réguliers ont adoptées et maintenues. (Exposé des motifs.)

Le Gouvernement ne se dissimulant pas que la modification insérée au Code pénal de 1832 avait singulièrement altéré la valeur des titres qu'il avait trouvé convenable de rétablir. Il y avait à opter entre deux systèmes : laisser périr l'institution ou la défendre contre les agressions, par la menace d'une pénalité.

C'est à ce dernier parti que s'arrêta le Gouvernement. De là, le projet actuel portant, ARTICLE UNIQUE: L'article 259 du Code pénal est modifié ainsi qu'il suit: Toute personne qui aura publiquement porté un costume, un uniforme ou une

décoration qui ne lui appartiendrait pas, ou qui se sera attribué sans droit un titre de noblesse, sera punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans, et d'une amende de 500 fr. à 5,000 fr.

Le tribunal pourra ordonner l'insertion intégrale ou par extrait du jugement dans les journaux qu'il désignera, aux frais du condamné.

Projet de la Commission du Corps législatif. Tout d'abord, elle se demanda si elle devait adopter le principe même de la loi. Etait-il bon, était-il utile de punir l'usurpation des titres nobiliaires, ou était-il préférable de maintenir l'impunité dont elle jouissait? C'est dans le sens de cette dernière solution que se prononçait un amendement de M. Lélut. On faisait valoir, à l'appui, que la noblesse héréditaire était contraire aux mœurs démocratiques de la nation et à ses institutions politiques; que les principes de 1789, inscrits au frontispice de la Constitution, lui étaient un invincible obstacle; que son rétablissement serait une violation inopportune et dangereuse du dogme de l'égalité civile et politique; qu'il serait moins une force qu'un péril pour le gouvernement de Napoléon III; qu'enfin, de nos jours, c'était le mérite qui faisait l'illustration.

A ce point de vue, quel inconvénient pouvait-il y avoir à maintenir une situation (l'impunité de l'usurpation) qui, depuis qu'elle existait, n'avait pas suscité de plaintes?

A quoi l'on répondait que quelle que fùt la valeur ou la nature actuelle des titres, ils constituaient un droit pour les propriétaires légitimes, et (avec assez de raison) que l'usurpation ne devait jamais en être permise; qu'elle était à la fois un désordre et un scandale; mais ce qui était moins concluant, que les principes de 1789 n'excluaient pas les titres héréditaires. Puis on invoquait l'exemple de l'Angleterre, du Piémont, de la Belgique.

Ainsi raisonnait-on de part et d'autre. La Commission fit la part des deux opinions en tournant la difficulté principale. Inutile de mentionner la noblesse et l'usurpation qui en serait faite. La noblesse n'est pas à créer; elle existe, elle est vivante. Nous la voyons partout: autour du trône, dans l'armée, dans l'administration, mêlée à tous les pouvoirs publics. Qui a eu, jusqu'à

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