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Enfin, dans les Côtes-du-Nord, l'attention de l'administration dut se porter sur M. Le Cornu, qui le premier avait fait servir le sable coquillier à l'amendement des terrres, qui s'était appliqué au défrichement des landes incultes, et dont l'exploitation de dix hectares à l'origine en couvrait actuellement six fois autant.

Depuis le concours général de 1856, tenu aux Champs-Elysées, les exhibitions avaient été en progressant: en 1857, 446 animaux de l'espèce bovine, 347 animaux de l'espèce ovine, 339 de l'espèce porcine; 2,256 instruments et machines, 3,236 échantillons de produits divers. Les exhibitions agricoles de cette année dans diverses localités: Niort, Saint-Brieuc, Mâcon, Avignon, Chaumont, Alençon, Blois, Cahors, enfin Mont-de-Marsan, témoignèrent de cette même marche ascendante, et livrèrent à l'appréciation des jurés 1,593 taureaux et vaches, 1,960 béliers et brebis, 490 verrats et truies, et 2,107 instruments et machines; enfin, 2,098 lots de produits.

Au jugement (20 septembre) du ministre de l'agriculture, M. Rouher, ce mouvement progressif s'était surtout manifesté dans la culture et l'exploitation depuis l'institution des primes d'honneur due à l'Empereur (5,000 fr. et une coupe de 3,000 fr.) à décerner à l'agriculteur dont l'exploitation réunirait au plus haut degré toutes les conditions d'une bonne culture. Ainsi ce que les plus pressantes adhortations n'auraient point produit, peut-être la perspective de 5,000 fr. et d'une coupe de 3,000 fr. à gagner l'opéreraient. C'est aussi ce que le ministre faisait remarquer. « Cette institution qui ne remonte pas à plus de deux ans, et que des applaudissements unanimes ont accueillie et acclamée, a suscité de toutes parts une émulation qui se traduit par d'utiles et importants travaux, et détourne puissamment l'attention des propriétaires vers l'amélioration de leurs domaines. >>

Ces expositions régionales si nombreuses et si importantes avaient cependant présenté une lacune regrettable: l'absence de beaux échantillons de l'espèce chevaline. Des éleveurs en grand nombre en avaient réclamé l'admission dans les solennités agricoles. De là la circulaire du 11 août, par laquelle

M. Rouher invitait les Préfets à interroger les Conseils généraux sur l'utilité qu'il y aurait à ouvrir des concours régionaux hippiques. Seulement le ministre émettait dès à présent l'opinion que ces nouveaux concours ne devaient comprendre que des animaux reproducteurs, c'est-à-dire spécialement consacrés à la reproduction, et appartenant aux espèces demi-sang et de trait, celle de race pure recevant déjà des rémunérations très-suffisantes.

Il y avait lieu de s'étonner que ce projet d'une incontestable utilité n'eût pas reçu depuis longtemps son exécution.

Dans cette recherche des moyens de doter le pays des meilleures exploitations et des espèces les plus utiles et les plus fécondes, la pisciculture devait occuper aussi une place. C'est ce que faisait remarquer un savant distingué, M. Coste, dans son rapport à l'Empereur, en date du 5 février. « Le domaine des mers, dit-il, peut être mis en culture comme la terre. Chose triste à dire et à laquelle peu de gens pouvaient songer, l'industrie huitrière, dont l'étude précédait le compte rendu du professeur d'embryogénie, devait, à raison d'une décadence qu'il constatait, aboutir bientôt à l'épuisement de toute source de production. A La Rochelle, à Marennes, à Rochefort, aux iles de Ré et d'Oléron, sur vingt-trois bancs, il y en avait dix-huit de complétement ruinés; pendant que ceux qui fournissaient encore un certain produit étaient gravement compromis par l'invasion des moules. Voilà donc la cause et l'effet mis en présence: la moule et l'huître guerroyant, elles aussi, l'une contre l'autre. Nous ne suivrons pas autrement le savant pisciculteur dans cet intéressant travail; nous nous contenterons de renvoyer pour les détails au rapport publié par le Moniteur. Qu'il nous suffise d'en faire connaître les conclusions au point de vue administratif. M. Coste voudrait que l'on exigeât des agents de la marine, un plan cadastral annuel aussi bien des fonds producteurs du coquillage que des établissements où on le perfectionne, tels que parcs, claires, viviers, étalages, bouchots. Il indiquait aussi des méthodes pour la création d'huîtrières artificielles sur les bords de l'Océan aussi bien que sur ceux de la Méditerranée.

Telle était l'activité intéressante et féconde imprimée à toutes

les sources de la production et de la richesse publiques. « Il faut le reconnaître, dit M. Dupin ainé (comice agricole de Clamecy, 5 septembre), il faut le reconnaître, depuis Olivier de Serres et Sully, à aucune époque l'agriculture n'a reçu du gouvernement et de l'opinion publique autant d'honneur et d'encouragement. >> Et l'honorable chef du parquet de la cour suprême citait les comices, les congrès régionaux, l'Exposition universelle de Paris, « environnée de tant de pompe et de libéralité; les concours annuels de Poissy, les expositions diverses (Blois, Dijon, Limoges) et toutes les institutions agricoles surveillées et stimulées, » avec tant d'intelligence et de sollicitude par le ministre spécial de l'agriculture. « Les Landes et la Sologne, continuait le jurisconsulte laboureur, sollicitées à produire, et appelées à se régénérer par de grands travaux et d'augustes exemples, propagent partout l'émulation. »

En parlant des Landes et de la Sologne, M. Dupin faisait sans doute allusion aux travaux de défrichement et de culture que l'Empereur faisait exécuter dans ses domaines situés en ces contrées. Un incident assez intéressant se produisit à l'occasion des propriétés impériales assises dans les Landes. Après la signature du traité de Paris, voulant reconnaître les services du comte Walewski, et lui donner un témoignage particulier de sa satisfaction, Napoléon III avait fait présent des marais d'Orx, à l'ancien et habile président du Congrès, mais leur desséchement exigeant des travaux considérables, l'Empereur avant de remettre définitivement la propriété au comte Walewski, avait voulu les faire entreprendre à ses frais, afin que cet acte de munificence ne devint pas pour le donateur une charge onéreuse. En septembre (le 12), Sa Majesté fit une excursion à ces marais, en même temps elle promit de faire commencer immédiatement les travaux dont, au cap Breton, les ingénieurs lui avaient montré les plans, et qui, à leur sens, devaient fournir aux marins de cet endroit les moyens de se livrer avec plus de sécurité à la pêche sur ces côtes, et préserver des inondations beaucoup de propriétés particulières.

Lors de sa visite dans son domaine particulier (20 septembre), l'Empereur voulut voir en détail les fermes nouvellement cons

truites (il en avait été élevé sept dans l'espace d'une année), les défrichements, les ensemencements et les cultures. Dans le même laps de temps 1200 hectares de landes avaient été ensemencés, 200 hectares défrichés et 40 mis en culture. Enfin, près de 100,000 mètres de chemins d'exploitation, de fossés d'assainissement et de desséchement avaient été ouverts.

Parmi toutes ces mesures soumises au chef du gouvernement ou dues à sa sollicitude en vue de l'amélioration du régime économique du pays, il y en avait une depuis longtemps désirée et toujours ajournée malgré son utilité démontrée, nous voulons parler de la suppression du monopole de la boucherie. Cette révolution économique eut enfin lieu le 27 février. Le régime antérieur datait de l'arrêté consulaire du 8 vendémiaire an 11 complété par le décret du 6 février 1811, et qui obligeait les bouchers, dont le nombre fut limité, à se munir d'une autorisation du préfet de police, et à verser un cautionnement. Pour déterminer les éleveurs à amener leurs bestiaux sur les marchés d'approvisionnement de Paris, on astreignit les bouchers à faire tous leurs achats exclusivement sur ces marchés et à les payer comptant par l'intermédiaire d'une caisse municipale, la Caisse de Poissy, chargée de leur faire des avances à un intérêt modéré.

C'était une dérogation au principe de la liberté commerciale et professionnelle écrit dans la loi des 2-17 mars 1791. Motivée par les circonstances, la mesure ne fut pas étendue au delà de Paris. La banlieue mème fut exceptée. Les plaintes que suscita ce régime amenèrent le système mixte et transitoire de l'ordonnance du 12 janvier 1825 : le nombre des bouchers ne fut plus limité, mais on maintenait les cautionnements et la Caisse de Poissy.

Nouvelles plaintes, et par suite rapport de l'ordonnance et rétablissement (18 octobre 1829) du système entier de l'arrêté de l'an; c'est-à-dire limitation du nombre des bouchers à 400, et de plus interdiction de revendre soit sur pied, soit à la cheville, les bestiaux achetés sur les marchés autorisés. Mais la force des choses interpréta à sa façon le nouveau système et amena une augmentation du nombre des bouchers, 501 au lieu de 400; puis l'introduction de la concurrence des marchands forains, la tolé

rance de la vente à la cheville, enfin l'introduction des viandes à la main et au domicile des acheteurs par les forains. On autorisa même les bouchers à acheter leurs animaux en dehors des marchés d'approvisionnement, mais seulement au delà d'un rayon de 10 myriamètres autour de Paris.

Et les plaintes de se renouveler plus vives que jamais (18401848). A cette époque, introduction de la vente quotidienne de la viande sur les marchés, et concession de 121 places sur 161 aux marchands forains; enfin, établissement au marché des Prouvaires de la vente à la criée en gros des viandes abattues provenant directement de l'extérieur, et sur cinq marchés la criée en détail.

Alors réclamations de tout le monde. Tel était l'état des choses lorsque survint la crise alimentaire dont le Gouvernement s'efforça de combattre les fâcheux effets, et à laquelle la dernière récolte mit un terme. A ce moment aussi, les doléances étaient devenues plus intenses.

Mais était-il bien vrai qu'il fallût compter, ainsi que l'affirmait le ministre de l'agriculture, parmi les causes de cherté, la consommation croissante, et l'assertion contraire ne serait-elle pas plus exacte? Enfin, avant d'en venir à la liberté commerciale, on eut recours à un dernier correctif du monopole: la taxe. Ce régime dura trois ans, et l'on n'eut pas non plus sujet de le regretter. En effet, on avait reconnu que la taxe favorisait la permanence de la cherté, parce que les bouchers n'avaient plus un intérêt personnel et direct à discuter le prix du bétail; parce que, en second lieu, la taxe ne prévoyait pas toutes les habiletés de métier par lesquelles l'économie de ses calculs était détruite, et le bénéfice du boucher indùment augmenté au détriment du public, et en quelque sorte a sous le couvert de l'administration.» (Rapp. de M. Rouher.)

Taxe ou monopole, telle était désormais la situation qui était un dilemme. On en sortit par le droit commun, c'est-à-dire par la liberté, l'issue habituelle des monopoles. C'est à partir du 31 mars que dut commencer le régime nouveau (V. à l'Appendice le décret sur cette matière).

On peut rapprocher de cette importante mesure,

celle annon

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