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d'encouragement pouvait être retiré sans inconvénient aux cultures expérimentées depuis longtemps, et dont les produits appréciés en France pouvaient y trouver un placement avantageux. D'ailleurs, S. A. I. estimait avec raison le système de l'achat administratif contraire à tous les principes d'économie politique.

C'est pourquoi décidé que, à partir du 1er janvier 1859, l'administration cesserait ses achats directs de cochenille et d'opium, et déclaration, quant à l'industrie séricicole, qu'à l'expiration du traité existant (Chazel et Reidon), pour le filage des soies à Alger, cette industrie cesserait d'être subventionnée sous une forme quelconque par l'État.

L'activité du Prince-ministre s'exerçait ainsi dans tous les sens. Le 27 décembre, décret institutif d'un tribunal de commerce à Constantine.

Autre décret (30 octobre) ayant pour objet le Habous, espèce de substitution assise sur des immeubles dont la nue propriété appartient à des établissements religieux ou d'utilité publique, et l'usufruit au donateur, à ses descendants, etc., à la condition de rester fidèles à la loi musulmane. Une propriété de ce genre avait donc un caractère d'inaliénabilité dont il convenait de faire cesser l'arbitraire. C'est ce que fit le décret du 30 octobre, rendu sur un savant rapport du Prince-ministre. L'article Ier rendait applicables aux transactions de musulman à musulman, et de musulman à israélite, les dispositions de l'ordonnance de 1844 et de la loi du 16 juin 1851, aux termes desquelles aucun acte translatif de propriété, consenti par un indigène au profit d'un Européen, ne pouvait être attaqué par le motif que les immeubles étaient aliénables suivant la loi musulmane.

Par contre, exemption de l'achour, en faveur des Arabes cultivant à un titre quelconque une terre européenne, soit comme khammas (fermiers), soit comme locataires. Exception quant aux locataires des terres azels.

La question des chemins de fer restait à l'étude. Aux termes d'une Note du Moniteur, on poursuivait l'examen des propositions relatives à cet objet. Mais, disait l'organe du Gouvernement, aucune décision ne saurait être prise, à ce sujet, en dehors de

l'instruction régulière qui reste ouverte à tous les projets sérieux, et il déclarait dénuées de fondement les assertions des personnes qui se prévalaient de promesses de concession.

On ne pouvait qu'applaudir à ce ton d'intégrité administrative.

La question du concours à fournir par la main-d'œuvre indigène aux travaux d'utilité publique, longtemps douteuse, recevait des faits une solution satisfaisante. On voyait, en effet, des ateliers se former pour l'exécution des routes arabes, et fonctionner d'une manière utile sous la direction du génie. C'est ainsi que dans le cercle d'Ammi-Moussa cent indigènes, organisés en ateliers, avaient été employés au mois de mars à la partie de la route traversant la plaine de l'Alif. Dans le cercle de Mascara, deux ateliers de deux cents indigènes chacun avaient été employés à faire les réparations nécessitées par l'état de la route de Mascara, et s'étaient parfaitement acquittés de leur tâche. Même bon vouloir de la part des indigènes du cercle de Bougie, que l'on occupait à réparer les routes d'Akbou et de Sétif. Le mouvement des constructions particulières ne se ralentissait pas on voyait s'élever nombre de moulins; ce qui donnait lieu d'espérer que les femmes arabes pourraient être affranchies de la pénible et abrutissante besogne de tourner des meules à bras.

Vers la fin de l'année, la culture du coton continuait d'être en progrès. Le recensement des terres ensemencées durant la dernière campagne, donnait pour résultat le chiffre de 2,058 hectares dont 1,362 longue-soie, et 696 hectares en Louisiane ou courte-soie. Comme les années précédentes, la province d'Oran laissait les deux autres bien loin derrière elle. Son contingent était de 1,082 hectares. La province de l'Est venait ensuite; celle du centre ne comptait que 81 hectares. Le nombre des planteurs, dans les trois provinces, s'élevait pour cette année à 460. Le dénombrement des gens de tribus qui avaient pratiqué des essais, le grossirait considérablement. Il en avait été pratiqué dans la subdivision d'Orléansville; à Djelfa, à Laghouat et ailleurs.

Une culture qui réussissait également, c'était celle du Sorgho

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essayée en 1857, dans le cercle de Tiaret. La dernière récolte avait donné un beau rendement. Le quintal de cannes soumises au travail de l'usine avait fourni jusqu'ici, en moyenne, 30 kilog. de jus, qui, à leur tour, avaient donné 3 kilog. d'alcool à 22 degrés. Quant à l'industrie viticole, on n'avait quelques données certaines que relativement à la province d'Oran. D'après le rapport du préfet, le bénéfice net d'un hectare planté en vignes de quatre ans ne s'élèverait pas à moins de 865 fr. Le sol de toutes les localités est favorable à cette culture. Les vins récoltés dans la plupart d'entre elles sont de bonne qualité. Il y a tout lieu de croire à une prochaine amélioration des crus, à mesure que les producteurs seraient pourvus du matériel nécessaire et de la sécurité.

Vers la fin de l'année, le Prince-ministre recevait du général Desvaux, commandant supérieur de Constantine, un rapport sur un « sujet fort intéressant et qu'il suffit d'indiquer pour en faire ressortir l'utilité, à savoir les forages artésiens exécutés dans le Sahara. « De Biskra à Tougourth, dit le général, s'étend le Sahara oriental, semé d'oasis en décadence, qui ne peuvent offrir aux colonnes en mouvement et aux caravanes qui se dirigent vers l'intérieur de l'Afrique centrale, l'eau et les vivres dont elles ont besoin. » Or, précisément, les forages qui venaient d'ètre exécutés sur la ligne qui traverse l'Oued-Rir, de Biskra à Onargla, faisaient espérer la renaissance et le développement des anciennes oasis. Depuis l'année dernière, la somme des eaux jaillissantes avait plus que doublé; réunies, elles formaient un volume égal à la rivière du Rhummel récemment créée par les troupes françaises dans la partie la plus brûlante de l'Algérie.

Dans le courant de la campagne de 1857-1858, cinq sondages avaient donné des nappes jaillissantes d'un débit de 9,583 litres par minute, soit 159 litres 72 par seconde. Ce qui représentait un volume d'eau égal à celui d'une rivière.

Le bassin de Hodna vivifié par l'oasis qui y était pratiquée, était, au rapport du général, très-convenable à l'établissement des colons.

A Sidi-Sliman, l'oasis était en décadence, les palmiers étaient coupés, le village en ruines. Depuis 25 ans, ses trois fontaines

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étaient taries; actuellement une fontaine de 4,000 litres par minute y ramenait la vie et la fécondité.

En résumé, quinze forages depuis deux ans; onze avaient parfaitement réussi. Les soldats du 99o avaient suffi à cette tâche; ils s'étaient montrés pleins d'ardeur et avaient travaillé jour et nuit.

Grâce à ces utiles travaux, la constitution géologique du Sahara oriental était mieux connue; l'analyse des eaux et de la terre était terminée. L'effet produit sur les Arabes par ces forages était profond. Ils se montraient sensibles à ces premiers bienfaits de la civilisation. Une part d'eau avait toujours été réservée pour les pauvres ; mais souvent le vieil égoïsme se mettait en travers de ces bienfaits. Il avait fallu destituer un scheick qui frustrait les in iigènes de la faveur accordée.

«Si, comme tout le fait espérer, on réussit à élever des oasis semées dans cette partie de l'Afrique, on aura préparé de puissants moyens d'action au développement futur de notre colonie. La terre végétale y est profonde; le blé, l'orge, y donnent de belles récoltes; les jardins de palmiers produisent des bénéfices considérables. » Cette conclusion du général Desvaux méritait d'être reproduite. Elle indiquait ce que l'on pouvait espérer de la colonie, une fois que l'on aurait poussé, ce qui d'ailleurs ne pouvait manquer de se réaliser, tous les travaux d'exploitation, de culture, sur un sol encore vierge sur beaucoup de points, surtout une fois que l'élément indigène aurait été entièrement soumis. Cependant la sécurité de la colonie fut encore troublée dans l'Oued-el-Kebir (division de Constantine). Vers la fin de l'année (novembre), quelques tribus kabyles n'ayant pas voulu payer les amendes qui leur avaient été imposées à la suite d'incendies dans les forêts, une colonne expéditionnaire imposante fut aussitôt organisée et chargée de la compression de ce mouvement. Elle y réussit pleinement, et au mois de décembre tout rentrait dans l'ordre.

COLONIES TRANSATLANTIQUES. Avant de faire connaître ce qui concerne chacune d'elles en particulier, il importe de relever quelques faits généraux. Un décret en date du 21 juin, rendu en forme de règlement d'administration publique, déclara applicable

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aux colonies le Code de justice maritime (V. App.). Toutefois, il est bon de remarquer ici, que la population coloniale n'est pas soumise à la loi du recrutement, et que les garnisons des possessions françaises d'outre-mer sont presque entièrement composées d'Européens. Malheureusement ces soldats, soumis à un service toujours fatigant, contractent facilement les maladies endémiques, et le chiffre de la mortalité est sensiblement plus élevé aux colonies qu'en France. L'effectif a été réduit dans les dernières années; en même temps on a pris des mesures hygiéniques de nature à diminuer l'effet des maladies locales, mais cette réduction de l'effectif des troupes européennes étant arrivée à sa dernière limite, et les soins à donner aux hommes ne laissant plus rien à désirer, on avait dû songer aussi à faire entrer dans les garnisons pour une part notable l'élément indigène. A la Martinique, le contre-amiral Gueydon partit de cette idée pour créer, sous la dénomination de sapeurs-mineurs, un corps de travailleurs militaires recruté par voie d'enrôlement volontaire et dont les cadres, empruntés dans le principe aux divers corps de l'armée, devaient, dans un temps plus ou moins éloigné, être fournis par la compagnie elle-même. Grâce à cette combinaison on put supprimer deux compagnies d'infanterie dans la garnison de la Martinique.

A la Réunion, on s'occupait d'organiser un corps analogue. Au Sénégal, la question avait pris des proportions plus importantes encore, et, dans un avenir assez prochain, l'élément indigène devait fermer la partie dominante de la garnison. Il s'agissait moins ici de dresser des travailleurs militaires que de préparer des éléments de résistance contre des populations souvent en guerre avec les établissements français disséminés sur les bords de la rivière qui donne son nom à la colonie. De là l'organisation du corps des tirailleurs sénégalais préparée par le général de Fitte de Soucy, et définitivement arrêtée par le décret impérial du 21 juillet 1857. Ainsi, trois colonies: la Martinique, la Réunion et le Sénégal, allaient être dotées de corps indigènes solidement organisés, et en mesure de rendre en tout temps de grands services.

Mais là n'était peut-être pas la question la plus importante

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