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tres. 1500 hommes y avaient travaillé du 25 février au 25 avril, et ils avaient accumulé au moins 20,000 mètres cubes de bois, de pierres, de terres et de broussailles. Mais cette vaste construction n'était pas de nature à arrêter dans son cours un fleuve tel que le Sénégal, et la première crue des eaux avait fait crouler cet échafaudage que les Toucouleurs croyaient gigantesque, et au moyen duquel ils pensaient avoir interdit à jamais aux Français le Haut-Sénégal. Cependant, Alhadji venait de s'établir au centre du Fouta, à Oréfondé, et n'avait pas empêché les troupes coloniales de passer dans le haut pays. La foi dans ce saint personnage, dans sa mission et son désintéressement, avait complétement disparu. Tous disaient : il nous a trompés; mais tous avaient plus peur que jamais de lui, parce qu'il s'était créé une puissance réelle au moyen des richesses, fruit de ses pillages. Il avait de nombreux guerriers à sa solde, et grâce à eux il faisait la loi dans ces contrées désorganisées et dépeuplées. Tel était l'ennemi qu'il s'agissait de combattre.

La Falémé restait tout entière à la disposition des Français. Après divers incidents, arrivée à Kéniéba par un pays ravissant; c'était le but des efforts, des espérances et des préoecupations de la colonie depuis plusieurs années. On n'avait de vivres que pour quatre jours.

Le chef de l'expédition se rendit immédiatement aux mines placées à 3,000 mètres de Kéniéba. Le prince de Farabana était venu à la rencontre de M. Faidherbe; il s'appelait Bongoul, et descendait des anciens rois de Bambouck.

Le gouverneur fit

avec ce personnage un traité aux termes duquel les Français auraient le droit exclusif de s'établir dans le Bambouck. Le 30, au matin, sans consulter le moins du monde les sorciers du pays, et, ce qui scandalisa et terrifia les indigènes, sans faire les conjurations ordinaires, on donna le premier coup de pioche, et l'on commença trois puits dans les excavations déjà existantes par suite du travail des indigènes. Le plan des mines, levé par un officier (M. Vincent), était joint au rapport de l'expédition. On improvisa ensuite à Kéniéba un petit village en paille pour mettre les mineurs à l'abri du soleil et de la pluie. Vint une série de mauvais jours pour eux: on manquait d'approvisionne

ments; ceux qu'on espérait se firent attendre plusieurs jours en raison de la rapidité de la Falemé.- Visite de Sémounou, roi du Natiaga (Haut Khasso), placé avec ses gens à Ndangan. Il supplia le chef de la colonne française de construire un poste à Gouina, près du confluent du Bafing et du Baoulé, pour qu'il pût réoccuper son pays; ce qui entrait tout à fait dans les projets des Français. Cependant le travail des mines se continuait; trois puits étaient creusés jusqu'à 8 et 10 mètres au-dessous du sol. On y trouva de la terre aurifère. A défaut d'ustensiles et de produits chimiques, les essais étaient faits par les femmes du pays. Les puits ayant été pratiqués dans les anciennes excavations creusées chaque année par les indigènes, puis remplis par les éboulements à chaque hivernage, ils ne donnèrent plus que des terres appauvries, mais renfermant encore une quantité très-appréciable d'or. Un échantillon de cette terre était envoyé au Prince-ministre. Pendant que l'on creusait les puits, les femmes allaient, après chaque pluie, dans la ravine descendant des mines jusqu'au ruisseau de Lalli à Kéniéba, et y lavaient de la terre prise simplement au fond ou sur les bords de la ravine, elles en tiraient encore 70 à 80 centigrammes d'or dans la journée. Les Français continuaient également de creuser; ils parvenaient à des terrains plus riches quand ils furent arrêtés par des pluies torrentielles.

L'or se rencontrait ici dans des couches de terre rougeâtre renfermant du quartz blanc avec des veines jaunâtres. Les laveuses du pays assuraient que là où il n'y avait pas de pierres blanches, il n'y avait pas d'or : ce que l'observation confirmait. Le précieux métal avait sans doute été surpris dans la roche quartzeuse au moment de sa cristallisation, mis ensuite en fusion il s'était trouvé intercalé lors du refroidissement dans les lits de la pierre; la roche concassée par un soulèvement dans la couche d'argile rougeâtre, avait semé une couche de grains d'or dégagée de ses lits ouverts. Les laveuses examinaient la surface des pierres blanches; apercevaient-elles un point d'or sortant à la surface, vite elles brisaient la pierre en suivant les lits où elles découvraient la pépite qui annonçait la présence de la matière aurifère. Rien, au contraire, ne se mon

trait-il à la surface, inutile alors, suivant les laveuses, de casser les pierres. M. Faidherbe envoyait au Prince Napoléon deux parcelles de l'or ainsi recueilli. Les recherches allaient continuer par les soins de ce fonctionnaire. Il espérait que le climat de Kéniéba serait bon. Quoique dans la plus mauvaise saison, les fièvres, contractées par la troupe expéditionnaire, ne s'étaient pas montrées de mauvaise nature. En somme, ce voyage avait été fécond en résultats : Règlement des affaires pendantes entre Bongoul et Boubakar, conclusion de traités avec eux, et aperçu de la nature des mines et du travail indigène. Nul doute que le Prince-ministre aura tenu à apprécier tout le parti que la métropole pouvait tirer de cette intéressante exploitation.

La colonie était divisée alors en deux arrondissements: celui du Bas du fleuve et celui du Haut du fleuve. La ville du gouvernement, Saint-Louis, était entourée, à cinq lieues à la ronde, de villages noirs directement régis par les Français depuis deux ans; au delà, sur la rive gauche, venait le Oualo, de 400 lieues carrées de superficie, annexé depuis deux ans à la colonie; enfin, en remontant le fleuve, on trouvait le poste et la ville de Podor, importante sous le rapport commercial. Bakel, chef-lieu du Haut du fleuve, faisait également un assez grand commerce.

Le Sénégal figurait au budget de l'Etat (1856) pour une somme de 727,400 fr. La métropole avait donc assez intérêt, surtout depuis l'occupation de Keniéba et les ressources qu'elle pouvait tirer de l'exploitation des mines d'or, à encourager les intelligents efforts du gouverneur de cette colonie.

ILES DE LA SOCIÉTÉ. Ces îles, placées depuis treize ans sous le protectorat de la France, virent s'ouvrir cette année (12 juillet), à Taïti, leur Assemblée législative. Une salve de 21 coups de canon annonça le départ de la Reine et du Commissaire impérial pour se rendre au temple protestant, où devait avoir lieu la séance. Après la prière d'usage par le révérend Simpson, S. M. Pomaré remit à Arüfaaite, son époux, son discours en langue taïtienne, en l'invitant à en donner lecture.

Ce document était conçu comme cela se pratique en pays civilisé d'une longueur raisonnable et avec assez de dignité. La Reine ouvrait cette séance après une absence de Taïti, né

cessitée par ses devoirs de mère. A la nouvelle de l'attentat du 14 janvier, elle avait adressé à Dieu des prières d'actions de grâces pour avoir sauvé la vie de l'Empereur Napoléon, « notre puissant protecteur, si précieuse pour la France, pour l'Europe et pour ces iles. » Le discours royal ajoutait, que l'entente la plus parfaite n'avait pas cessé de régner entre elle et le Commissaire impérial.

« Je lui ai prouvé ma confiance, disait Sa Majesté, en embarquant avec lui mon fils bien-aimé Joinville, dans l'intérêt de son instruction et pour lui faire apprendre le français. Je n'ai eu qu'à m'en applaudir. »

A la suite de ce détail de famille, la Reine engageait les députés à aider le Commissaire impérial «à améliorer les lois, à répandre parmi le peuple l'instruction, le goût du travail et de l'ordre. »

Après cette louable expression des sentiments de la Souveraine, le Commissaire impérial adressa aux députés une allocution dans laquelle il constata les progrès qu'il avait remarqués dans la tenue des écoles. La loi votée l'année dernière devait y contribuer encore. Celles où l'on enseignait la langue française seraient, le Commissaire impérial le promettait, l'objet de sa sollicitude. Il faisait ressortir les avantages qui résulteraient de l'étude de cette langue, le désir du Gouvernement étant de resserrer de plus en plus les liens qui l'unissaient à la population taïtienne. Le Commissaire impérial faisant allusion à l'éducation française que recevait le prince de Joinville, remarquait que d'autres chefs avaient suivi cet exemple pour leurs enfants. Il signalait ensuite l'état satisfaisant des routes. Dans plusieurs districts, on avait remplacé par des ponts en pierre les ponts de bois servant à franchir les nombreux cours d'eaux qui traversaient les routes.

Constatation de l'état satisfaisant des enclos particuliers. Et si l'on n'avait pas toujours trouvé à en vendre à Papeïti les produits, faute de navires pour les acheter, il ne fallait pas oublier que l'excédant pouvait être employé à nourrir les animaux domestiques. On pouvait d'ailleurs éviter la surabondance de certaines denrées en plantant dans une partie des enclos de la canne à sucre, des caféiers et des cotonniers.

1858

18

Après avoir conseillé cette sorte de virement, le Commissaire impérial annonçait un projet de loi réductif de l'impôt de la Fare Apooraa, l'état dans lequel se trouvait cet édifice permettant d'alléger la charge que le pays s'était imposée à cet effet en 1855. Annonce d'autres projets en vue d'améliorer et éclaircir la législation.

Un discours prononcé en réponse aux précédents par le Toohitu (président) Nuntere, vint clore la séance.

Après une courte paraphrase à la manière européenne, des communications qui venaient d'être faites, le Toohitu terminait ainsi : « Nous tâcherons d'apporter dans les lois soumises à notre vote l'amélioration dont elles peuvent avoir besoin, certains que le bien du pays et la civilisation sont les buts vers lesquels tendent vos efforts.

» L'attentat auquel S. M. Napoléon III a échappé si miraculeusement, a rempli d'horreur tous les Taïtiens. Nous joignons aux paroles de notre Reine et de M. le Commissaire impérial nos vœux pour la conservation des jours de Sa Majesté Impériale. »

Puis une assurance de dévouement et de concours à la Reine et au Gouvernement protecteur.

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