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CHAPITRE VIII.

INSTRUCTION PUBLIQUE. — LITTÉRATURE FRANÇAISE.
CHRONIQUE JUDICIAIRE.

§ 1. INSTRUCTION PUBLIQUE.

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Académie Le Congrès

Circulaire aux Recteurs. Les étudiants en médecine devront être pourvus d'un diplôme de bachelier és lettres. Les instituteurs primaires suppléants. Bibliothèque impériale décret d'organisation nouvelle. Rapport de la Commission chargée de l'examen de cette question, présenté par M. Mérimée. —LITTÉRATURE FRANÇAISE. Institut:- Académie française; nominations nouvelles : MM. de Laprade, Sandeau, Augier. Discours de réception.— Académie des sciences morales: M. Mignet et Schelling. des inscriptions et belles-lettres..Notice sur Boissonade. littéraire de Bruxelles : Résolutions de cette assemblée. Productions littéraires de l'année : l'Histoire de la révolution française, par M. Louis Blanc. L'Histoire de Marie-Antoinette, par MM. de Goncourt. - Correspondance de Napoléon Ier.-M. Guizot et ses Mémoires. Souvenirs de la Restauration, par M. Alf. Nettement.- Variétés politiques et littéraires de M. de Sacy. Le Grand Cyrus de mademoiselle de Scudéry et de M. Cousin. Les romanciers: M. Flaubert; M. Feydeau; M. About, enfin M. Achard. Le théâtre : Hélène Peyron; la Jeunesse. Littérature diverse encore M. Nettement. M. Laurentie; M. Flourens et M. Marcel de Serres: l'Instinct et l'Intelligence des animaux. - Etudes philosophiques et économiques de M. Baudrillart.

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§ 2. CHRONIQUE JUDICIAIRE.· - Procès politique. L'attentat du 14 janvier. Les plaidoiries et le réquisitoire: M. le Procureur général Chaix d'EstAnge et M. Jules Favre. Le verdict. Inutile pourvoi de trois des accusés. Exécution d'Orsini et de Pieri. Le procès de Simon Bernard à Londres. Acquittement. -Affaires de presse : le livre de M. Proudhon; condamnation.- Un article de M. de Montalembert dans le Correspondant. Condamnation de l'auteur. Remise qui lui est faite de sa peine par l'Empereur. Refus. - Pourquoi. Nouvelle condamnation et nouvelle grâce. Autre procès de presse auteur et coauteur; M. Alexandre Dumas et M. Maquet. - Procès civils et autres. Le meurtre du sous-lieutenant Rosiez par son collègue de Mercy. Détails; condamnation capitale. — Usurpation de titres honorifiques; commerce et vente de noblesse. Application de la loi qui réprime ce genre de délit.

§ I. Instruction publique. Le ministre qui préside à cette branche du service général, fait des efforts pour en activer et stimuler le progrès. Nous rappellerons rapidement les actes qui signalèrent son administration. Le 26 décembre de l'année pré

cédente, circulaire aux recteurs, dans laquelle il leur est recommandé de veiller à l'exécution des améliorations récentes introduites dans le nouveau système d'enseignement. Les recteurs sont invités en outre à visiter souvent les colléges, à communiquer avec les professeurs. Un décret auquel on ne peut qu'applaudir (septembre), en rapporta un autre en date du 10 avril 1852, qui dispensait les étudiants en médecine de produire le diplôme de bachelier ès lettres, et les assujettissait seulement à l'obligation du diplôme de bachelier ès sciences. Pourquoi, en effet, le médecin serait-il dispensé de faire preuve de ses études littéraires? La lecture des œuvres d'Hippocrate ou de Galien peut-elle avoir quelque fâcheuse influence sur la pratique de la médecine?

M. Rouland avait raison de dire que l'art de guérir... exige, pour être cultivé et appliqué avec succès, autant d'efforts d'intelligence et de jugement que de connaissances théoriques et pratiques... l'observation elle-même serait stérile si toutes les ressources d'un esprit juste, actif, pénétrant, ne venaient tout à la fois l'assurer et l'étendre; il faut que la médecine, lattant contre les maladies de l'homme, connaisse l'homme tout entier, dans sa double essence physique et morale. >>

20 juillet, décret rendu sur le rapport du ministre de l'instruction publique, aux termes duquel il n'y aurait plus, à partir du 1er janvier 1859, qu'une classe d'instituteurs primaires suppléants, dont le minimum de traitement serait de 500 francs.

Le vaste dépôt des connaissances humaines, la Bibliothèque impériale fut surtout l'objet de la sollicitude de M. Rouland. Le 14 juillet, décret qui, sur le rapport de ce ministre, dispose (article 1er) que l'administration et la direction de la Bibliothèque seront confiées à un administrateur général placé sous l'autorité du ministre de l'instruction publique; que la bibliothèque impériale sera divisée en quatre départements, savoir : 1° les livres imprimés, les cartes et les collections géographiques; 2o les manuscrits, chartes et diplômes; 30 les médailles, pierres gravées et antiques; 4o les estampes; que la Bibliothèque sera ouverte toute l'année, excepté pendant la quinzaine de Pâques ; que la durée des séances de travail sera portée à six heures au lieu de cinq; que deux salles seront ouvertes au département des impri

més, l'une pour la lecture, l'autre pour les travailleurs autorisés; (Mais comment établir à cet égard une exacte et équitable démarcation ?) d'autres dispositions importantes et relatives à l'administration intérieure, entre autres la fixation des traitements des employés et ouvriers. L'article 10 dispose que nul ne pourra être employé s'il n'est bachelier ès lettres ou ès sciences; et, disposition que l'on pourrait plutôt appliquer ailleurs et pour des fonctions moins modestes, nul fonctionnaire ne pourra à l'avenir cumuler un autre emploi avec celui qu'il occupera à la bibliothèque impériale. L'article 15 et dernier porte qu'il sera immédiatement procédé à l'inventaire général de toutes les collections de la Bibliothèque impériale. A la suite de ce décret venait un rapport de M. Mérimée au nom de la Commission chargée d'examiner les modifications à introduire dans l'organisation de la Bibliothèque impériale (arrêté du 19 décembre 1857) rédigé avec la netteté qui le caractérise. L'auteur de ce rapport résumait en peu de mots les modifications à introduire et, qu'en effet le décret introduisait dans le régime de la Bibliothèque. Sans doute, disait le savant et brillant académicien, une réorganisation est plus facile à proposer qu'à effectuer; mais aujourd'hui nous sommes pleins de confiance dans l'importance même de la question, dans les intentions à la fois bienveillantes et fermes que vous nous avez manifestées, et surtout dans la haute sagesse d'un gouvernement qui peut vouloir et sait agir. »

Littérature française. Puisqu'il est convenu que l'Académie française est l'aréopage littéraire de la France, c'est par elle que nous commencerons, pour rendre compte du mouvement intellectuel durant cette période. Ce corps illustre ne subit point de pertes cette année. Mais on y procéda au remplacement des membres que la mort avait ravis l'année précédente. On a pu remarquer que l'Académie fixe toujours ses choix suivant une certaine analogie entre le prédécesseur et le successeur. Le 11 février, élection de MM. V. de Laprade et Jules Sandeau. Le premier devait remplacer l'auteur de Rolla et de bien des œuvres charmantes; le second était appelé à succéder à M. Brifaut dont le titre académique Ninus II était, hélas ! oublié tandis qu'on lit encore volontiers le docteur Herbaut. Antérieurement à ces deux

élections, l'Académie avait procédé (28 janvier) à la réception du successeur de M. Salvandy, M. Emile Augier, l'auteur de la Ciguë, de Gabrielle, ses premiers ouvrages, que l'on pouvait aussi, sans être injuste, considérer comme les meilleurs. La séance était présidée par M. Lebrun, qui introduisit en France la Marie Stuart de Schiller, accommodée au goût du pays. Le récipiendaire fit de M. de Salvandy un éloge que personne ne pouvait juger excessif. En louant cet écrivain, homme politique mêlé aux grandes pages de l'histoire contemporaine, le nouvel académicien était amené à comparer les deux genres: la politique et la littérature; sa préférence pour celle-ci était claire. Pourquoi ? la biographie du nouvel académicien l'expliquait. Cette préférence, il la faisait d'ailleurs ressortir spirituellement, sinon d'une façon bien neuve ou incontestable. « Si belle que soit l'œuvre de l'homme d'Etat, elle ne lui appartient pas en propre : continuée par ses successeurs, incessamment modifiée et renouvelée, elle lui échappe d'âge en âge, elle se sépare de lui et finit par laisser son nom tout seul dans la mémoire des peuples, devenant elle-même anonyme comme les fleuves dans la mer. Il est probable qu'il est venu jusqu'à nous quelque chose des bienfaits de Lycurgue et de Solon, mais qui saurait définir ce qui leur appartient dans notre société? L'œuvre de l'écrivain, au contraire, est à lui seul; parfaite ou non, elle ne sera ni continuée ni corrigée; si elle est digne de durer, elle durera telle qu'il l'a créée. Et elle escortera son nom d'une réalité jusqu'à la fin des siècles. Nous savons ce que nous devons à Platon !... » On peut hardiment répondre à M. Augier que l'œuvre de l'écrivain s'inspire de tout ce qui l'entoure: le ciel, la terre, le monde enfin; que si l'œuvre du législateur a besoin d'être complétée, c'est qu'elle a toujours en vue un objet précis, positif, qui n'embarrasse pas celui qui se livre à des spéculations purement spirituelles. Quant à M. Lebrun, son discours eut cela de piquant qu'il faisait l'éloge de Béranger, bien que celui-ci n'eût pas fait partie de l'Académie.

Le 7 août, eut lieu la séance publique annuelle de l'Académie des sciences morales et politiques. M. Hippolyte Passy prononça un disccurs sur l'origine de l'Académie, et M. Mignet

lut, sur le philosophe allemand Schelling, une notice élégante, travaillée et curieuse, sans aller trop au fond comme il convient à l'Institut. Toutefois l'auteur du Précis de l'Histoire de la révolution française y résumait les doctrines du successeur de Kant et de Fichte. En lisant cet exposé on croit comprendre, et c'est beaucoup.

La séance annuelle (novembre) d'une autre branche de l'Institut, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, fut marquée par la lecture d'une notice historique sur Boissonade par le secrétaire perpétuel, M. Naudet, dans laquelle étaient retracées avec une touchante expression toutes les phases de la longue carrière du savant helléniste. Il donna en quelque sorte le secret de cette vieillesse restée forte jusqu'au dernier moment : « M. Boissonade trouva dans la retraite des auxiliaires excellents pour se défendre au delà du terme ordinaire... la paix de l'âme avec l'exercice constant du corps et de l'esprit. C'était son opinion, qu'il n'y a que les détresses de l'oisiveté et les fatigues du monde qui précipitent la décadence, et que le plaisir même s'y fait payer par trop de gênes, de servitudes et d'ennuis.... »

Une réunion quasi académique eut lieu cette année (27-30 septembre) à Bruxelles. La littérature européenne, représentée par nombre d'éditeurs et d'écrivains, y vint discuter en Congrès ses intérêts si diversement entendus. Le Congrès était présidé par un ancien ministre de la justice, M. Charles Faider. Son discours d'ouverture débutait par une recommaudation qui ne manquait pas d'à-propos (on parle si aisément en littérature!): « pour décider quelque chose, soyons brefs et précis. » Le ministre de l'Intérieur, M. Rogier, qui assistait à la seconde séance, fit aussi entendre de chaleureuses et sympathiques paroles: Par sa situation topographique et neutre, disait cet homme politique,... la Belgique a conquis depuis plusieurs années le privilége d'offrir un terrain bien approprié à ces tournois pacifiques et féconds. Ce ne sont plus épées qui se croisent, lances qui s'y brisent, canon qui y résonne; c'est quelque chose de plus puissant que tout cela, ce sont les idées qui viennent s'y livrer bataille. » Contrairement à ce qui arrive parfois dans les réunions appelées à agiter des questions qui se trouvent à l'état de théo

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