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pondait la Note, à la surprise que certains journaux étrangers avaient témoignée de l'insistance du gouvernement français à cet égard. Elle s'appliquait surtout et nécessairement à la Belgique. En ce qui concernait le cabinet de Bruxelles, la situation ne dominait-elle pas ses intentions? Mais, quelle qu'elle fût, sa marche au dehors comme à l'intérieur était embarrassée. Depuis les élections, le côté droit de la chambre des Représentants se tenait sur l'expectative et se taisait, à moins de compter quelques incidents isolés, comme la demande de M. Coomans, de remplacer le vote au chef-lieu d'arrondissement par le vote à la commune. A quoi M. Devaux répondit vivement que ce serait mettre l'électeur en la main du curé. Cette tactique de la passivité de la droite laissait le cabinet issu des élections en présence de lui-même. Doterait-il le pays des réformes qui avaient motivé son avénement? Présenterait-il au moins sur les établissements de bienfaisance et les fondations charitables, quelque projet digne de lui et conçu de manière à montrer qu'il savait mieux diriger les affaires du pays que ceux qu'il avait combattus?

Il n'en fut rien. Même inaction en ce qui concernait l'enseignement primaire. On s'attendait à une révision de la loi du 23 septembre 1842, qui régit cette matière, et dans laquelle, aux eux de quelques-uns, l'élément civil se trouvait amoindri, tandis qu'elle faisait une part trop grande au clergé. Sans rechercher si ce grief était fondé, toujours est-il que le Cabinet avait tort de laisser indécises des questions de cette gravité. Et ainsi faisait-il les affaires de ses adversaires, en particulier des radicaux ou libéraux pratiques, comme ils se qualifiaient par opposition à un libéralisme inerte et qui se croisait les bras. Cette conduite fut vivement blâmée par l'organe de ce nouveau parti, M. Vanderpepen, qui, démissionnaire de son mandat de représentant, adressa ensuite au ministre de l'intérieur, M. Rogier, qui lui avait reproché de n'avoir pas articulé à la tribune les faits qu'il relevait, une lettre dans laquelle il passait en revue tous les actes du Cabinet du 10 décembre 1857. D'autres avaient trop fait, lui ne fit pas assez. Soutenu durant cette session par la majorité, il subit cependant une sorte d'échec politique, amené par la question des fortifications d'Anvers, qui,

depuis plusieurs années préoccupait le Gouvernement et le roi Léopold en particulier. Actuellement, cette préoccupation était arrivée au plus haut degré.

Cette question parcourut les phases habituelles: Comité de défense (1848), élaborateur d'un travail relatif à l'état militaire du pays; Commission mixte (1851), chargée de poser les bases d'un projet à soumettre à la législature; projet soumis, en effet, en 1855, à la chambre des Représentants, et posant le principe qu'Anvers sera le point d'appui du pays en cas d'invasion; en 1856, nouveau plan plus vaste cette fois, puis nouvel ajournement; enfin, autre présentation par le Cabinet de Decker, et nouvel examen par la section centrale: dernier ajournement par suite de la dissolution du Congrès. Vint le projet relatif aux travaux d'utilité publique, présenté le 26 mars 1855, et dont un paragraphe s'appliquait à la défense d'Anvers. On pouvait s'étonner qu'après tant de pérégrinations, ce projet se représentat encore. En effet, nombre de gens pensaient que la meilleure défense du pays résidait dans sa situation géographique, surtout dans sa neutralité. Une prévision excessive pouvait donc seule faire insister sur l'idée d'opposer à un danger venant du dehors une place spéciale, et dans le cas particulier, Anvers. Mais on savait que le Souverain, d'ailleurs sage et libéral, qui présidait aux destinées du royaume, tenait personnellement à l'adoption d'un projet conçu dans ce sens, à tel point, qu'il chargea son aide de camp, M. Renard, de le soutenir devant la Chambre en qualité de Commissaire royal. Plusieurs séances furent consacrées à ce débat : l'idée de fortifier Anvers ne trouva pas faveur; le côté gauche, devenu ministériel depuis l'avénement du Cabinet issu des dernières élections, ne le soutint pas pour cela. On critiqua surtout la partie stratégique du projet. Le Gouvernement, par des considérations financières, proposait de restreindre, quant à présent, l'agrandissement de l'enceinte au nord de la place, tandis que l'opposition, d'accord avec les réclamations de la ville d'Anvers elle-même, se prononçait pour l'agrandissement intégral et immédiat de l'enceinte fortifiée. C'était d'ailleurs ce que demandait la section centrale chargée de l'examen du projet du Gouvernement, et dont le général Goblet fut l'organe.

Un autre point de dissentiment entre le Gouvernement et la section, c'est que cette représentation de la législature pensait que le nouveau caractère donné aux fortifications d'Anvers rendrait inutile et même dangereuse l'existence de la plupart des autres places fortes du pays, puisqu'il faudrait les garder, en même temps que le camp retranché sous Anvers exigerait des forces considérables. La section regrettait que le Gouvernement ne voulût point s'engager à faire d'Anvers le véritable rempart de la Belgique. Une opinion, que l'on pouvait considérer comme une simple variante, proposait de fortifier Bruxelles; mais, vu la situation de cette capitale, cette idée pouvait-elle se soutenir ? En fin de compte, le projet naturellement défendu par les représentants d'Anvers, et dont le vote était ardemment attendu par la population de cette ville, ne devait cependant pas, à raison des divergences qu'il rencontrait encore au point de vue de l'art militaire, aboutir cette fois, quoiqu'il eût été habilement soutenu par le commissaire royal, M. Renard, et même par le ministère. Après tant d'années, on jugea qu'il devait être mis de nouveau à l'étude. Le 4 août, après un ajournement proposé par M. de Veydt, l'article 1er du projet, siége de la question, fut mis aux voix. Nombre des votants, 101: 53 se prononcèrent contre, et 39 seulement pour l'article; 9 votants s'abstinrent. En conséquence, il était rejeté. Le lendemain, 5 août, M. Rogier, ministre de l'intérieur, montait à la tribune pour y lire deux arrêtés royaux; le premier retirait le projet relatif aux travaux d'ordre public et aux fortifications d'Anvers; le second déclarait close la session de 1857-1858.

On a dû rapprocher à dessein, de ce dernier débat, les projets uniquement politiques, ceux relatifs aux outrages envers des Souverains étrangers et à la police à appliquer aux réfugiés, parce qu'ils dénotaient le caractère du cabinet de décembre: il importe de le suivre sur un autre terrain, dans les questions absolument intérieures et les matières de douane et de commerce. Parmi les premières, il y en avait une qui était pendante, c'était celle de la législation relative à la milice. L'opinion était unanime à condamner cette législation. Elle dut donc s'exprimer à ce sujet par une des voies légales ouvertes dans les pays libres :

les pétitions. On en produisit 1,810 (71,000 signatures) dans la séance du 26 mars. Le ministre de l'intérieur taxa d'exagérée la critique que l'on faisait du système actuel. On voulait, disait-il, agiter le pays. Toutefois, il reconnaissait que l'état actuel des choses comportait des améliorations réelles. Il ne trouvait excessifs, ni le poids de cet impôt, ni le nombre des soldats appelés au service, ni la durée de ce service. A ses yeux, un seul point était susceptible d'amélioration, c'était la solde. Au surplus, le ministère ne demandait pas mieux que de faire étudier la question. La Chambre se contenta de ces explications en passant à l'ordre du jour sur les pétitions.

Ce système d'ajournement continu des sujets les plus graves, fut le même pour un autre débat important. On avait promis de donner satisfaction à ce qu'on appelait le mouvement flamand. Inutile de dire qu'une fois en possession du pouvoir, les libéraux laissèrent le mouvement s'avancer comme il pouvait. Mais ses représentants ne se résignèrent pas. Ils mirent en œuvre tous les moyens légitimes à leur disposition: associations, pétitions, pour mettre le Gouvernement en demeure d'exécuter ses promesses. Toutefois, si le ministère était si souvent mis en présence de lui-même et de son passé, en raison de ses actes présents, dans certains cas il se défendait énergiquement et avec quelque apparence de sincérité, des imputations qui, si elles avaient été fondées, eussent été plus que des contradictions, et auraient pu être considérées comme des démentis formels donnés à sa politique antérieure. C'est ainsi qu'il avait été pré-tendu que l'on avait interdit aux fonctionnaires de s'abonner à un certain nombre de feuilles périodiques. Réponse du ministre de l'intérieur : le Gouvernement désirait au contraire vivement que tout le monde lût les journaux de ses adversaires, et pût comparer leur politique à la sienne. On disait aussi que tous les jours des prêtres et des religieuses étaient insultés dans les rues de Bruxelles. Autre réponse du ministre : Le public pouvait aisément s'assurer de la valeur de cette assertion.

Quant à la question si grave du régime douanier, le ministre actuel des finances, M. Frère-Orban, non-seulement ne convertit pas en loi le projet transactionnel de son prédécesseur,

mais il établit, au détriment du commerce national, un droit de 1 fr. 70 sur le transit des houilles. Nonobstant les combinaisons contraires de la section centrale, le projet qui consacrait cette disposition, soutenu par des libres-échangistes sans doute convertis (MM. de Brouckère et Dolez), fut adopté par la Chambre, mais mal accueilli par l'opinion, plus avancée à cet égard au dehors de l'enceinte législative.

Telle fut la physionomie de cette session, qui témoignait, une fois de plus, que s'il était aisé de critiquer le Pouvoir, il ne l'était pas de faire autrement dès qu'on l'exerçait à son tour.

Lorsque, au mois de novembre (le 9), le Roi ouvrit de nouveau la session des Chambres, il se trouvait en présence de cette incertitude léguée par le passé sur certaines questions pendantes, mais dont quelques-unes, suivant le discours royal, allaient recevoir une solution.

En somme, la situation était représentée comme favorable, et le Roi s'applaudissait de ses relations avec les pays étrangers. Plusieurs traités seraient communiqués à la législature, dont l'un aurait pour effet d'affranchir de toute entrave, à la frontière des deux pays contractants, les productions littéraires. On chercherait en outre, par une loi nouvelle, à garantir plus efficacement les droits des écrivains et des artistes.

Affaires intérieures: Instruction primaire. Les locaux des écoles étant reconnus insuffisants dans un grand nombre de communes, un nouveau crédit serait demandé pour pourvoir à ce besoin populaire.

Bienfaisance publique. On ferait une enquête sur la situation des classes indigentes, et sur l'efficacité des moyens mis en usage pour les soulager. Annonce d'un projet de loi qui ferait cesser les divergences d'opinion auxquelles avait donné lieu la rédaction de l'article 84 de la loi communale.

Voies ferrées. La ligne du Luxembourg, complétive du système général, allait créer sur le territoire une nouvelle voie de transit, et relierait au pays une province intéressante.

Patente des bateliers. Ce sujet déjà ancien de plaintes donnerait lieu à une loi réductive de cet impôt.

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