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avait pris en main cette affaire (V. ci-dessus, France), mais uniquement pour en arrêter les suites. Toutefois le cabinet de Vienne ne devait pas voir sans inquiétude cette prépondérance du Gouvernement de l'Empereur dans les conseils de la Porte (V. Turquie). Même antagonisme ailleurs, en Servie, cette autre principauté placée sous la suzeraineté ottomane. Pendant que Paris et Saint-Pétersbourg tendaient à contenir dans ses limites légales, posées d'ailleurs dans le traité du 30 mars 1856, l'action de la Turquie dans la conduite gouvernementale de la Servie, l'Autriche, à l'occasion de la déposition de Karageorgievitch par la Skuptchina, fit avancer (25 décembre) des troupes sur la frontière serbe dans la direction de Semlin, un acte qui violait évidemment la Convention du 30 mars, exclusive de toute intervention isolée de la part des puissances intéressées.

Tel est le tableau de la politique autrichienne au dehors. Quel en pouvait être le caractère dans ses rapports avec les pays placés vis-à-vis d'elle, si l'on peut se servir de cette expression, à l'état de litispendance, par exemple la Hongrie, l'Italie?

Quant au premier de ces pays, on a vu (Ann. 1856-1857) que des résolutions ayant pour objet d'y améliorer la situation avaient été prises. D'autre part, sans prétendre empêcher les Hongrois de s'exprimer dans la langue nationale, dans laquelle d'ailleurs sont conçues les lois et ordonnances destinées à les régir, le Gouvernement ne négligeait rien pour répandre dans le royaume la connaissance de l'allemand. Si, par exemple, aux termes d'une décision, en date du 9 décembre 1854, l'instruction était donnée aux écoles primaires dans l'idiome maternel, par contre, on enseignait l'allemand dans les établissements secondaires ou supérieurs. Combien ce pays avait besoin d'une action civilisatrice infatigable et continue, c'est ce dont témoignaient le règne et les violences du brigandage dans certaines provinces. Les choses en étaient venues à ce point qu'il fallut mettre en état de siége (février) des comitats tout entiers.

Parmi les autres mesures prises en vue de l'amélioration du régime intérieur de la Hongrie, il convient de citer l'introduction de l'institution des notaires dans le royaume, ainsi que dans

la Gallicie et la Bukovine. En même temps on y mettait en vigueur l'ordonnance sur le notariat promulguée en 1855.

Venait l'Italie le Gouvernement de François-Joseph faisait des efforts pour réparer dans l'administration de ses possessions dans ce pays, les erreurs et les fautes du passé.

Deux grands faits marquèrent cette année dans l'histoire de la domination autrichienne dans la Péninsule : le premier fut la mort du maréchal Radetzky à qui elle avait dû les succès de 1848; l'autre fut le caractère même de l'administration de l'Archiduc Maximilien dans les provinces italiennes.

Quant à la perte que faisait l'Empire dans la personne du vieux maréchal, mort à Milan le 5 janvier, l'Empereur témoigna publiquement à cet égard ses regrets. « Son nom immortel, disait en parlant de lui ce prince (proclamation du 5 janvier), appartient à l'histoire. Afin, néanmoins, que son nom héroïque soit toujours conservé à mon armée, mon cinquième régiment de hussards le portera pour toujours. Pour permettre à la profonde douleur que ressent avec moi mon armée, de se manifester, j'ordonne en outre qu'un service solennel sera célébré dans chaque station militaire pour le défunt, et que toute mon armée et ma flotte porteront le deuil pendant quinze jours. »

L'Empereur ne pouvait mieux faire; à aucune époque le besoin de serviteurs dévoués ne s'était fait sentir à un tel degré dans le gouvernement des possessions autrichiennes en Italie. Le nouveau gouverneur général, l'Archiduc Maximilien, avait le bon esprit de ne pas sanctionner les démonstrations irritantes, témoin le jour où un incident futile, l'entrée de la marquise Strozzi (fille du maréchal Nugent) au théâtre de la Fenice, faillit, à raison de sa toilette aux couleurs jaune et noire, avec coiffure surmontée d'un plumet décoloré, entraîner de sérieux désordres. Le Gouvernement de l'archiduc fut assez prudent pour ne pas donner suite aux arrestations faites à cette occasion, et, de plus, pour prier la trop provoquante marquise, de s'abstenir de reparaître au théâtre.

Dans une autre circonstance, les démonstrations auxquelles donna lieu, à Padoue, l'exécution d'Orsini à Paris, l'Archiduc, interrogé sur ce qu'il y avait à faire, fit répondre de Venise :

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Rien. Il y a plus : le lendemain même de l'incident de la marquise Strozzi au théâtre de la Fenice, le comte Giulay songeait à faire occuper militairement la place Saint-Marc. Opposition du prince Maximilien. Qui eût pu le blâmer? quoique depuis les services rendus par l'armée à d'autres époques, on laissât à ses chefs une certaine indépendance.

Toutefois la politique impériale comprenant bien les difficultés qu'il y avait pour elle de se maintenir sans secousses dans ses possessions italiennes, faisait de louables efforts pour y tempérer l'exercice du pouvoir. Le 16 juillet, l'Empereur envoya de Laxembourg, à son frère l'Archiduc Ferdinand-Maximilien, une lettre conçue précisément dans cet esprit (Gazette de Milan, 24 juillet): « Par mon motu proprio, du 28 février 1857, je vous ai recommandé, » disait Sa Majesté, a de vous informer des besoins du pays dans tout ce qui en concerne le développement intellectuel et matériel, et de prendre opportunément et fortement l'initiative touchant les dispositions et institutions de nature à les satisfaire. >>

Et l'Empereur ajoutait que, par suite des propositions de l'Archiduc, il avait résolu : 1o quant à l'impôt foncier appliqué av royaume Lombardo-Vénitien, comparativement à celui existan' dans les Etats allemands et slaves, qu'il serait institué une Commission chargée de rechercher s'il y avait une juste proportion, dans la fixation de cet impôt, entre ce royaume et ces Etats; 2o en ce qui concernait le privilége du fisc sur certaines créances, qu'il serait restreint aux créances de droit public, et aboli en général en ce qui toucherait les créances de l'État de droit privé; 3° Tenant compte des intérêts des beaux-arts en Italie, la missive impériale approuvait la conversion des académies de Milan et de Venise en sections des instituts des sciences, lettres et arts y érigés. En même temps, François-Joseph émettait le vœu de voir ces autorités académiques user de leurs lumières pour faire revivre les vieilles gloires de l'Italie en fait d'art. — Instruction élémentaire et supérieure en cette partie : la première aurait lieu dans les écoles royales, et l'autre serait complétée par des maîtres de renom au choix des élèves. La lettre de l'Empereur s'occupait aussi des sciences médicales: approbation des

propositions faites par l'Archiduc en vue de leur amélioration. En terminant, et par acte de grâce, Sa Majesté passant à un tout autre sujet, faisait remise du reliquat encore dû sur le contingent de recrues pour 1858, par le royaume Lombard-Véni– tien. Décidé aussi, qu'il n'y aurait pas lieu non plus à la révision des listes de conscription pour l'année courante. Loisible, enfin, à l'Archiduc de dispenser du service militaire les étudiants désignés d'année en année par les recteurs comme les plus distingués par le talent, le zèle, etc.

Le prince, à qui cette lettre était adressée, n'avait sans doute pas peu contribué, durant un récent voyage à Vienne, à entretenir les bonnes dispositions de l'Empereur, et à provoquer, comme il le dit lui-même dans une circulaire, l'approbation des réformes commencées dans le royaume Lombardo-Vénitien. Au retour de ce voyage, où, suivant son expression, il avait puisé « à la source de la puissance » les principes auxquels il se devait tenir, il profita de l'occasion pour faire une sorte d'historique de son administration, et dont quelques actes lui paraissaient ètre la réalisation de grandes réformes, à savoir précisément l'institution de la Commission spéciale de l'impôt et la réforme des académies, dont la lettre de l'Empereur faisait mention. L'Archiduc s'applaudissait du concours qu'il avait trouvé dans les communes et les corporations. Mais il fallait que ce zèle ne se refroidit point: les grands travaux commencés fourniraient aux organes de l'administration publique l'occasion de prouver qu'ils savaient diriger l'activité des administrés, sans prétendre exercer « une tutelle ou un contrôle. » Le prince citait parmi ces travaux et comme les plus importants, les suivants : les projets pour l'irrigation du Frioul par la Ledra, ainsi que pour celle du territoire supérieur de Vérone; l'immission prochaine du gué dans le Chiampo; le desséchement des grands marais le long de la mer Adriatique; l'achèvement du réseau des chemins de fer; l'introduction d'une eau potable à Venise; enfin, diverses mesures, dont l'effet serait « de convertir cet ancien Amporium en une place de commerce répondant aux besoins du temps actuel. Un rêve généreux que faisait l'Archiduc, puisqu'il s'agissait de ressusciter le passé.

Dans cette pièce adressée aux fonctionnaires, le frère de l'Empereur admonestait sévèrement ceux qui «n'étant que des serviteurs de l'Etat, s'adonnent à la mauvaise passion de faire les maîtres. » Puis une recommandation assez inattendue quoique louable : les fonctionnaires publics doivent servir de modèle aux Corps représentatifs, en ce qui concerne les affaires administratives » par quoi? << par une manière d'écrire simple, mais serrée et vigoureuse. » Et autre remarque non moins judicieuse, au sujet de l'habitude malheureuse prise partout de rédiger des rapports étendus qui rappelaient cette observation que, « derrière la longueur des phrases se cachent les pensées superficielles. Mais les fonctionnaires Lombardo-Vénitiens étaientils les seuls à qui cette observation fût applicable? Mais on ne pouvait qu'applaudir à la menace de l'Archiduc, de sévir contre ceux qui, surtout près des autorités supérieures, tiraient les affaires en longueur par des formules « qui ne disaient rien. »

Si cette partie de l'épitre du lieutenant de l'Empereur était remarquable à plus d'un titre, le surplus portait sur des points qui ne manquaient pas non plus d'intérêt, et même d'un peu de singularité. Le prince détestait « tout abus, » et il saurait «< le découvrir et le punir. » Mais ce qui à ses yeux, et combien il avait raison, était de la plus haute importance, c'est que, l'on ne manifestât jamais « qu'une logique rigoureuse et beaucoup de clarté dans les idées. » C'était, en peu de mots, tout un programme politique. Et Ferdinand-Maximilien ajoutait que, « les autorités devaient s'opposer avec une fermeté inébranlable et un calme plein de dignité, et en prenant les voies légales de la justice et de la réflexion, à toute tentative d'illégalité et d'oubli des devoirs.» Pas plus que l'arbitraire, l'Archiduc ne souffrirait la faiblesse, une déclaration qu'il appuyait sur cette observation, que cette dernière conduisait également à l'illégalité. Toutefois, le frère de l'Empereur entendait que les autorités prêtassent leur appui et leur aide « aux espérances raisonnables et aux vœux justes et réalisables du pays. » Mais si le peuple avait droit de demander cet appui au Gouvernement, celui-ci avait le droit de demander au pays la fidélité que devaient les sujets : « et

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