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un avis donné à ceux quiallaient introniser une politique nouvelle. Le Roi fit, à ce qu'il paraît (2 février), à la Chambre des députés, une réponse écrite, au bas de laquelle il avait apposé sa signature. Remerciments et espérance, que Dieu rétablirait sa santé, tel en était le sens.

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On comprenait également dans les deux chambres ce qu'il y avait d'anormal dans cette délégation deux fois trimestrielle faite par la royauté à l'héritier présomptif. Tout d'abord la gauche de la Chambre élective prit le parti — vu ce que la situation avait de délicat de se tenir sur l'expectative; et bien qu'une partie de la droite voulût poser la question de la régence, l'autre, mieux inspirée, comprit que le moment eût été mal venu de se porter sur ce terrain. En définitive, c'est à cette sage temporisation que l'on s'arrêta. La fraction de ce côté que représentait M. de Gerlach, eût voulu aussi que l'on fixat à six ans la durée de la législature, triennale en vertu de la Constitution. Ce n'était pas la première fois que ce projet se présentait devant la Chambre, à qui appartenait le droit d'émettre son avis sur les modifications à introduire dans le pacte fondamental. En 1852, le Gouvernement avait fait, lui aussi, à ce sujet, une proposition. Elle consistait à fractionner en sessions de deux ans la période parlementaire. Pas plus qu'alors, la proposition actuelle n'aboutit. La Commission chargée de l'examen de la question conclut au rejet, sans se laisser dominer par l'argument tiré de la fréquente agitation qu'entraînaient à leur suite des élections trop rapprochées. L'idée de M. de Gerlach était sans doute une réminiscence de l'idée de la septennalité éclose ailleurs et à une autre époque.

A son tour, et en vue des élections qui allaient avoir lieu en octobre, le parti libéral songea à se garer contre les influences de l'administration. C'est pourquoi, par l'organe de M. Bardeleben, il fit une proposition tendant à régler d'une manière fixe et stable les circonscriptions électorales. Elle n'eut pas plus de succès contradiction singulière

que le projet de M. de Gerlach, et le 20 août elle fut repoussée. Toutefois, ce qui était significatif, le chef de la droite vota avec le Gouvernement. Cette partie du Parlement, ou si l'on aime mieux le

parti féodal, n'était cependant pas favorable aux influences bureaucratiques; témoin l'incident dit des élections d'Elbing. Cette localité penchait fort pour le triomphe du libéralisme. Un zèle excessif voulut tempérer cette ardeur lors des dernières élections. Un agent du Gouvernement répandit sur cet enthousiasme l'action de la police. Sur ce, réclamations des électeurs, qui se prétendaient inquiétés dans l'exercice de leurs droits; puis, bientôt après, interpellations adressées à ce sujet au ministre de l'intérieur, M. de Westphalen. Ce haut fonctionnaire s'exécuta et désavoua le directeur de la police d'Elbing, et le parti féodal, conséquent avec lui-même, d'applaudir.

Durant cette courte session, les questions financières et économiques eurent une grande part aux préoccupations et aux travaux des deux Chambres. Le Gouvernement eut la sagesse de ne pas prétendre enchaîner l'avenir en ce qui concernait la question du taux légal de l'intérêt conventionnel. Il se contenta, comme l'avait fait M. de Manteuffel dans le discours d'ouverture de la session, de s'appuyer sur les raisons mêmes qui avaient fait adopter la mesure du 27 novembre 1857, c'est-à-dire les nécessités du moment, et la pression de l'une des crises les plus redoutables que le commerce et l'industrie eussent eu à traverser. Ces explications entrainèrent les deux Chambres, et le ministère sortit triomphant de cette épreuve.

Les questions d'impôt donnèrent également lieu à d'importants débats. Pendant que les Seigneurs eussent voulu diminuer les impôts en faisant asseoir par voie de compensation un droit sur les tabacs, la seconde Chambre demandait une fixation plus équitable de l'impôt foncier. Précédemment, cette dernière proposition n'avait eu que trois voix de majorité. Cette fois (27 février) elle en conquit vingt-quatre.

Autre grave question économique: il s'agissait du sucre de betterave. Le 16 février, le Gouvernement avait conclu sur cette matière, avec le Zollverein, un traité dont les clauses étaient soumises aux Chambres, ainsi que l'avait annoncé M. de Manteuffel; mais aucune des commissions chargées de l'examen du projet de sanction du traité ne lui fut favorable. La discussion fut animée dans la seconde Chambre. Le projet

devait être rejeté si l'on en croyait M. de Kuhne, comme violant les engagements du Gouvernement envers les fabricants indigènes ; tandis qu'au sens d'un député qui avait été au pouvoir, M. de Patow, le projet devait être accueilli au nom du libre échange. Un représentant qui savait être spirituel même en ces discussions ardues, M. Harkort, se plaça, lui, à un tout autre point de vue. Il ne voulait pas du traité parce que c'était un impôt de plus à ajouter à un budget de III thalers au début de la période législative, et qui, parvenu au chiffre de 126 millions, allait fermer, grâce à l'impôt sur la betterave, sur un chiffre final de 127 millions! « Triste épitaphe, disait l'orateur, pour une chambre prochainement enterrée, et qui aspire à ressusciter! » L'esprit français était évidemment passé de l'autre côté du Rhin. Toutefois, la seconde Chambre estima sans doute que la fabrication indigène était suffisamment protégée; en conséquence, adoption de la convention; c'est-à-dire en substance, élévation de l'impôt assis sur la betterave à l'état naturel et destinée à la fabrication du sucre, de 6 à 7 1/2 silbergroschen par quintal (17 avril). Quant au budget, il ne donna lieu à des discussions animées qu'à propos des fonds secrets (9 avril). Ce jour-là l'affaire d'Elbing fut remise sur le tapis. Les 80,000 thalers demandés pour les fonds de police furent accordés d'assez mauvaise grâce. La droite y consentit pour prévenir un mal plus grand, « la démocratie. La gauche demandait une réduction de moitié. Elle se fondait sur ce fait récent de la parfaite modération de la population durant les fêtes du mariage du prince Frédéric-Guillaume. L'éloquent organe de ce côté de la Chambre, M. Harkort, ne fut pas, en cette occasion, au-dessous de lui-même si le peuple avait été si calme en cette conjoncture mémorable, « c'est qu'il avait pressenti qu'un jour viendrait où il y aurait de nouveau des hommes libres, des paroles libres et des électeurs libres. » Ainsi rêvait tout haut M. Harkort.

Quelques jours plus tard, la Chambre des Seigneurs vota une motion ayant pour objet de diminuer les frais de police dans les cités populeuses. La noble Chambre considérait que dans le passé, en 1848 par exemple, les communes ou leurs

autorités avaient opposé au torrent révolutionnaire une digue insurmontable.

Le 27 avril eut lieu la clôture de cette session, durant laquelle avaient été soulevées, comme on voit, d'importantes questions dont quelques-unes devaient être léguées à l'avenir. Ce fut encore le baron de Manteuffel qui vint clore cette campagne parlementaire dont il résuma les résultats. On avait, grâce au parlement, les moyens de construire le chemin de fer de Kœnigsberg par Insterbourg et Gumbinnen; on pouvait entreprendre l'achèvement des communications ferrées jusqu'à la frontière orientale de la monarchie. Le Président du Conseil s'applaudissait ensuite de la sanction donnée par la Diète aux conventions de commerce conclues avec la Perse, la République Argentine; enfin, avec les Etats du Zollverein, au sujet du sucre de betterave. Elle avait aussi approuvé les projets relatifs à la clôture des affaires des banques à rentes et à la régularisation des abattoirs. M. de Manteuffel rappelait ensuite l'approbation donnée à l'ordonnance suspensive du taux de l'intérêt, eu égard aux circonstances pressantes qui la justifiaient. Le ministre terminait ce discours en jetant un regard rassuré sur le passé la guerre éloignée des frontières; la crise industrielle en partie surmontée. Il n'y avait plus qu'à espérer la guérison du roi, qui alors pourrait reprendre avec une vigueur non affaiblie les rênes de l'Etat.

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Cependant, comme dans tout ce qui est provisoire, il y avait dans la situation actuelle une cause d'indécision, partant, de malaise qu'il convenait de faire cesser; le prince Guillaume se ressentait le premier de cette position que l'on pouvait qualifier de précaire. Avec la simple délégation dont il était investi, comment aurait-il pu faire triompher les idées politiques qui lui étaient propres? et alors il lui fallait suivre et dès lors endosser un système gouvernemental qui n'était pas le sien. En effet, il était loin, on le sait, de penser comme le Cabinet dont M. de Manteuffel était le chef, sur la direction à donner aux affaires.

Le roi Frédéric-Guillaume eut le bon esprit de comprendre à temps les inconvénients graves de cet état de choses. En effet, le 7 octobre de cette année, à la suite d'un voyage dans le

Tyrol, mais où malheureusement il n'avait pas trouvé la guérison, il adressa au prince de Prusse un Rescrit dans lequel, son empêchement continuant, il l'autorisait «à gouverner lui-même>> et à exercer « aussi longtemps, ajoutait le Roi, que je ne pourrai remplir de nouveau moi-même les devoirs de ma fonction royale en mon nom, comme régent. » Puis ce document se terminait par une adhortation touchante conçue dans l'esprit de ce pays.

Le Rescrit était contre-signé par tous les ministres, moins celui de l'intérieur, M. de Westphalen. Deux jours plus tard (9 octobre), le Prince-Régent adressa au ministre d'Etat une ordonnance qui était une sorte de prise de possession de la Régence. Le Prince annonçait que, conformément à l'article 56 de la constitution de 1850, il avait convoqué, pour le 20 du mois courant, les deux chambres de la monarchie. Suivait l'ordonnance de convocation signée: Guillaume, prince de Prusse, régent, » et contre-signée par les ministres, toujours moins M. de Westphalen, qui s'était montré notoirement opposé à l'institution de la Régence. C'est à ce changement que se bornait, quant à présent, le prince Guillaume. Il donna pour successeur intérimaire à M. de Westphalen, à l'intérieur, M. de Flottwell, gouverneur du Brandebourg.

Le 20 octobre, ouverture de la session extraordinaire du Landtag. Debout devant le trône, le Prince, entouré des membres de la famille royale, des ministres et des grands dignitaires, prononça un discours qui ne faisait guère connaître de faits nouveaux. Mais le Régent annonçait qu'il recevait avec une tranquillité parfaite « les pouvoirs que lui conférait la royauté. » Ce qui s'expliquait par cette déclaration de S. A. R. qu'elle assumait la responsabilité et le lourd fardeau de la Régence, avec la ferme intention de faire, par la suite, ce qu'exigeraient d'elle la constitution du pays et ses lois.

Le 21 octobre, première séance commune des deux chambres. Elle fut signalée par un fait significatif, et qui dénotait tout d'abord le parti pris du Régent sur une question ardemment débattue. Le Prince adressait aux chambres un message qui la tranchait implicitement. En effet, après avoir rendu compte des

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