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10 millions, M. Guillaumin demandait avec raison, si c'était pour chacune des deux années, ou pour les deux années réunies que l'émission s'élèverait au maximum indiqué. Réponse de M. Heurtier: « C'est pour les deux années réunies que l'émission est limitée à 10 millions. » Ce qui eût mieux valu, c'eût été d'insérer le mot réunies dans l'article. Mais les projets marchent d'un tel pas « qu'on a peine à les suivre, » et, partant, à les rédiger avec précision. Après ce débat, qui ne pouvait guère aboutir à modifier la loi, mais à l'interpréter, le projet fut adopté par 211 voix sur 236.

Vers la même époque, et toujours par suite de sa sollicitude pour les intérêts agricoles et urbains, le Gouvernement faisait présenter au Corps législatif un projet de loi relatif aux travaux de défense contre les inondations. Les terribles désastres de 1856 étaient encore présents à toutes les mémoires : on avait dû songer à en prévenir le retour. L'Empereur qui avait visité (V. Ann. 1856) les départements atteints par ces fléaux, avait surtout été frappé de la circonstance de leur périodicité (1725, 1735, 1772 pour la Garonne; 1840, 1841, 1856 pour le Rhône; 1840 pour la Saône, 1843 pour la Durance, 1790, 1846 pour la Loire, 1740 pour la Seine). Il avait pensé qu'il était tout naturel que l'Etat prit sa part des dépenses occasionnées par les travaux de défense contre les inondations. De là la lettre impériale adressée par Napoléon III au ministre des travaux publics (19 juillet 1856. V. Ann.). Rien de plus aisé au sens de S. M. que d'élever des ouvrages d'art destinés à préserver momentanément d'inondations pareilles les villes telles que Lyon, Valence, Orléans, Avignon, Tarascon, Blois et Tours. « Mais, disait l'Empereur, quant au système général à adopter pour mettre, dans l'avenir, à l'abri de si terribles fléaux nos riches vallées traversées par de grands fleuves, voilà ce qui manque encore et ce qu'il faut absolument et immédiatement trouver. » Il y avait donc deux grandes catégories de travaux indiquées, et c'est de la première que la Chambre était saisie. Le projet actuel, en dehors duquel étaient formellement réservées les études relatives à l'autre partie de la question, s'appliquait aux bassins des quatre grands fleuves le Rhône, la Loire, la Garonne ei la Seine. Et ses dis

:

positions réglaient trois questions principales: 1° la répartition des dépenses entre l'Etat, les départements, les communes et les particuliers; 2o les conditions des travaux; 3° les ressources financières à l'aide desquelles ils seraient exécutés.

L'économie du premier paragraphe résidait nécessairement dans ce principe, que l'Etat intervenant, devait naturellement appeler les départements et les communes à une sorte de cotisation avec lui dans des travaux auxquels ils étaient plus spécialement intéressés.

Le deuxième paragraphe, constitutif des travaux, formait la partie technique du projet. Les dépenses nécessitées par les travaux les plus urgents destinés à protéger les rives des quatre grands fleuves et de leurs treize affluents, c'est-à-dire trente-six villes, étaient évaluées par le Conseil général des ponts-etchaussées :

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Le troisième paragraphe relatif aux ressources financières avait pour ainsi dire son siége dans l'article 8. Il portait que le maximum de 20 millions représentant la part contributive de l'Etat, serait pris (conformément au discours d'ouverture de la session actuelle) sur les reliquats des emprunts. Sur ce maximum, le projet n'aurait qu'un crédit de 8 millions sur l'exercice actuel réversible, pour les sommes non dépensées, sur l'exercice suivant.

Du projet de loi qui vient d'être analysé, il résultait qu'il s'agissait en réalité de deux ordres de travaux : la défense des villes et la défense des vallées. On n'avait eu encore le temps que d'étudier les premiers. Toutefois, la Commission du Corps législatif chargée de l'examen des propositions du gouvernement avait voulu s'assurer de l'état d'avancement des études relatives à la défense des vallées. Explications satisfaisantes à cet égard. Il en ressortait qu'elles étaient suivies avec persévérance; que

le système des retenues d'eau dans la partie supérieure des fleuves et rivières, paraissait praticable et avantageux, et que l'on espérait ainsi un abaissement moyen de 70 à 80 centimètres dans le niveau des crues.

Sur les 35 millions nécessaires à l'exécution des travaux de défense relatifs à chaque centre de population motivant le projet actuel, 11 millions devaient être à la charge des communes et des particuliers. L'Etat avait donc à supporter la plus grosse part; mais c'était peu si les fléaux étaient désormais conjurés. La seule inondation de 1856 avait coûté 28 millions en secours et travaux de réparation. Toutefois, les commissaires du Gouvernement avaient assuré que les 20 millions qui incomberaient à l'Etat ne seraient point dépassés. N'eût-il pas mieux valu l'inscrire formellement dans la loi?

Il était entendu aussi que la portion de dépense mise par les décrets de répartition à la charge des départements et des communes, serait inscrite à leurs budgets comme dépense obligatoire. Enfin, quant aux propriétaires intéressés, la répartition de la part de dépense qui les concernerait serait faite conformément à la loi du 16 septembre 1807.

L'article I portait, § 1, qu'il ne pouvait être établi, sans l'agrément de l'administration qui aurait le droit de l'interdire, aucune digue sur les parties submersibles des vallées de la Seine, de la Loire, du Rhône, de la Garonne et de leurs affluents désignés dans ce paragraphe; et il disposait, dans le paragraphe suivant, que la même mesure serait applicable aux autres affluents, qui seraient ultérieurement désignés par des règlements d'administration publique.

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Or, il s'agissait là d'une servitude établie au préjudice des propriétaires des vallées. Sans doute, disait la Commission dont M. Louvet était l'organe, il faut que rien ne puisse contrarier les vues d'ensemble qui sont nécessaires à l'exécution d'une œuvre aussi vaste et aussi délicate. Mais cette servitude, indispensable qu'elle soit, n'en est pas moins grave pour les propriétaires. « De là, la proposition d'un amendement portant suppression du § 2; c'est-à-dire qu'au lieu de laisser à des règlements d'administration publique le soin de déterminer les cas

où la servitude serait applicable, il faudrait une loi spéciale. Adoption de cet amendement par le Conseil d'Etat. La Commission avait trouvé aussi trop vagues les termes du § 3 du même article 6, portant que dans les vallées protégées par des digues, on considérerait comme submersibles (et par conséquent sujettes à servitude) les surfaces qui seraient atteintes par les eaux si les levées venaient à être rompues ou supprimées. En conséquence, elle avait proposé au Conseil d'Etat une disposition additionnelle au § 3, et qui devait être ainsi conçue : « Ces surfaces seront indiquées sur des plans tenus à la disposition des intéressés. D

Adoption de cet autre amendement par le Conseil d'Etat. Ainsi modifié ou amendé le projet de loi ne pouvait plus donner lieu, au sein du Corps législatif, à de longs débats.

Corps législatif (séance du 4 mai). Un honorable membre, M. Guillaumin, craignant que le projet de loi ne fit oublier les intérêts des campagnes, avait proposé un amendement qui les réservait formellement, et il reproduisit les motifs de sa proposition. M. Vuillefroy, président de section au Conseil d'Etat, les combattit. Il ne serait pas exact de dire que le projet en discussion n'a en vue que les habitants des villes. Ce que l'on veut défendre, ce sont les centres de population. Et la Commission avait pu reconnaître par l'examen des plans, qu'ils s'appliquaient à un plus grand nombre de centres de population ruraux qu'à des villes proprement dites. Le véritable caractère de la loi, c'est la défense des populations. Parce que l'on n'était pas encore tout à fait prêt pour la défense des territoires, était-ce une raison de renoncer à protéger les personnes?

M. Millet ayant demandé quelle serait l'autorité qui connaîtrait des contraventions prévues par l'article 6, le commissaire du gouvernement, M. de Franqueville, répondit que « la question était tranchée par le paragraphe final de cet article ainsi conçu : Les infractions aux dispositions du § 1 du présent article, l'établissement non déclaré au préalable d'une digue, « seront poursuivies et punies comme contravention en matière de grande voierie. » C'est-à-dire que les procédures seraient faites par les agents spéciaux; le conseil de préfecture statuerait ensuite en premier ressort et le Conseil d'Etat jugerait sur l'appel.

Une autre question plus difficile, également posée par l'honorable M. Millet, était celle de savoir quel serait le résultat de la déclaration faite par le particulier qui voudrait élever une digue sur les parties submersibles des vallées. Faudra-t-il attendre, pour commencer les travaux, la décision de l'administration? Réponse de M. de Franqueville: un règlement établirait les formalités à remplir. Il s'agirait d'une simple déclaration à faire et non d'une autorisation à obtenir.

L'article 7 ayant porté le même membre, M. Millet, à demander quelle serait l'autorité chargée de décider qu'une digue faisait obstacle à l'écoulement des eaux ; puis, quel serait le recours du propriétaire contre la décision; en troisième lieu, quelle juridiction déterminerait s'il y avait droit à une indemnité, enfin à la charge de qui elle serait mise? Le commissaire du Gouvernement répondit sur le premier point, qu'il y aurait une décision administrative; qu'ensuite le ministre arrêterait que tel ouvrage était nuisible, et quant à la compétence relativement au dommage elle appartiendrait aux tribunaux administratifs : le conseil de préfecture, et sur l'appel, le Conseil d'Etat. Mais qui payerait l'indemnité? L'Etat, ou s'il en existait un, le syndicat des propriétaires intéressés à la destruction de l'ouvrage réputé nuisible. Après ce court débat, la discussion se trouvait close et la loi fut adoptée à l'unanimité de 237 votants.

Défrichement des bois des particuliers. Un projet qui intéressait également les villes et les campagnes, fut soumis le 1er mars aux délibérations du Corps législatif. Il était relatif au défrichement des bois des particuliers, et avait pour objet de restituer à la propriété forestière son véritable caractère en enlevant au titre xv du code forestier, et particulièrement à l'article 219, ce qu'il avait de temporaire et de transitoire. Un premier projet, datant de 1856, avait donné lieu à des amendements diversement accueillis, mais de la discussion desquels, entre la Commission et le Conseil d'Etat, sortit enfin la loi actuellement proposée, toutefois, il convient de le rappeler, après de longs débats entre les organes du Gouvernement et la Commission du Corps législatif. Aux termes de l'article 1 (219 du Code forestier), aucun particulier ne pourrait user du droit d'arracher ou

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