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mois de janvier seulement, il était depuis trois ans ministre de l'instruction publique, et il avait introduit dans ce département d'utiles réformes. Toutefois, à la fin de l'année, et afin de consoler une partie de la gauche de la retraite de M. Kattazzi qu'il eût voulu d'ailleurs rallier au Cabinet, M. de Cavour offrit le portefeuille de l'instruction publique à M. Cadorna, en dernier lieu président de la Chambre. M. Lanza gardait en conséquence les finances. Cependant les débats relatifs à toutes les sortes d'impôts suivaient leur cours. La législature autorisa le Gouvernement à opérer la levée du contingent de l'année 1858 sur les jeunes gens nés en 1837, et en fixa la première catégorie à 9,000 hommes. Un décret royal (10 juillet) appela les hommes de la levée de 1857, rangés dans la deuxième catégorie du contingent, et appartenant aux provinces de terre ferme, à venir pendant quarante jours, durant le printemps prochain, s'instruire dans la discipline et l'instruction militaire. C'était une utile imitation du régime militaire d'une puissance allemande (la Prusse).

Le budget pour 1858, approuvé par les Chambres, présentait les chiffres suivants :

Ensemble des recettes 144,982,521, sur lesquels 1,022,667 fr. de recettes extraordinaires.

Ensemble des dépenses, 148,747,552 fr., sur lesquels, 5,484,185 de dépenses également extraordinaires.

Le budget pour 1859 présentait un déficit de 12,163,487 fr. ou lire 61 c. dont la cause se trouvait dans les dépenses de sécurité ou d'utilité publique.

Un décret en date du 5 septembre autorisa l'aliénation des biens domaniaux de l'île de Sardaigne jusqu'à concurrence de 122,706 l. 14 c. L'article 2 portait que la vente serait faite avec renonciation à la faculté de rachat; l'article 4 disposait que ceux desdits biens latéraux aux chemins de fer, aux lacs, fleuves, etc. seraient assujettis aux règlements et servitudes sanctionnés par les lois.

Quelque temps auparavant (14 juillet), clôture de cette courte mais laborieuse session des Chambres.

Il nous reste à suivre les actes accomplis à l'intérieur en de

hors du parlement. Treize colléges électoraux eurent à remplacer les députés dont l'élection avait été annulée comme entachée de fraude. Le parti libéral l'emporta cette fois, excepté en Savoie. On y accusait le Gouvernement de manquer de sollicitude pour cette partie du royaume. Il en résultait le triomphe d'influences hostiles. Le clergé était loin d'être favorable au Gouvernement, dont il ne ménageait pas même le chef (au moins le lui reprochait-on). Il n'attaquait pas moins le Statut. D'ailleurs ce pays était resté fidèle à maintes coutumes d'autrefois. L'action d'une aristocratie qui les représentait, s'y comprenait done aisément. M. de Cavour sentit qu'il fallait aviser. Et d'abord, pour ne plus laisser debout le reproche d'abandon de cette province, il la visita ouvertement et avec tout l'appareil qui convenait à sa haute situation. A la même époque avaient lieu les élections provinciales et communales. Elles furent en général favorables à sa politique dans les villes, même en Savoie,et l'on attribuait ce résultat à l'absence des électeurs ruraux, que n'influençaient pas dès lors les membres du clergé. On remarqua surtout cette disposition sympathique à la politique gouvernementale lors de la constitution des bureaux des conseils provinciaux, à l'ouverture de leur session.

Un fait assez grave s'était produit dans les premiers mois de l'année. Des élèves de l'Académie militaire avaient oublié le respect qu'ils devaient à la discipline. Les actes furent tels que M. de la Marmora, ministre de la guerre, proposa au Roi le licenciement de l'académie et sa réorganisation « sur les bases d'une discipline sévère. » Toutefois le décret de dissolution ne voulant pas envelopper dans un même arrêt les élèves moins coupables, leur rouvrait les portes de l'établissement réorganisé, destiné à remplacer celui dont la fermeture avait été jugée nécessaire.

Un avis émané du ministère de l'intérieur et signé de Cavour, relatif au concours ouvert en 1857 pour la construction de prisons cellulaires à Turin et à Gênes, témoignait que le Gouvernement donnait une suite active à ce projet qui intéressait à un si haut point le système pénitentiaire, si important dans une société considérable.

C'est parmi ces préoccupations de toute nature que de grands événements s'annonçaient dans les relations du royaume avec l'extérieur. Notons en passant que le Parlement approuva (2 mars) le projet de loi autorisant le gouvernement à exécuter le traité de navigation et de commerce conclu avec la Belgique; qu'une autre grande entreprise (le percement de l'isthme de Suez) trouvait faveur dans le pays. En effet, le 29 septembre, la Chambre royale d'agriculture et de commerce de Turin s'associa à la souscription ouverte dans ce but, et à l'occasion de laquelle il avait été réservé un capital de 4 millions à l'Italie. C'est ainsi que les Etats-Sardes s'assimilaient le plus possible, et dans toutes les circonstances, au mouvement général des peuples, surtout de ceux avec lesquels ils avaient une affinité morale et politique. Après leur participation à la guerre de Crimée, il était naturel et logique qu'ils se prononçassent en faveur de l'Union des Principautés danubiennes que combattait l'Autriche. C'est aussi ce que fit le chef du Cabinet dans une Note adressée à l'ambassadeur sarde à Londres. M. de Cavour se demandait, dans ce document, comment il serait possible que deux petits Etats, affaiblis par la séparation, pussent résister à la politique envahissante de l'Autriche, déjà maîtresse de plus de trois millions de Roumains de la Transylvanie, du Banat et de la Bukovine. Et le ministre du roi Victor-Emmanuel ajoutait, que l'action du gouvernement autrichien produirait dans les Principautés, en particulier à Bucharest, des effets analogues à ceux qui se manifestaient dans ses possessions italiennes.

De telles paroles, et ce qui s'était passé (Ann.1857) et se passait encore, témoignaient assez combien la situation se tendait de plus en plus entre les deux pays. On put conjecturer dès lors que le voyage du président du Conseil des Etats-Sardes à Plombières, où se trouvait alors l'Empereur des Français, n'était pas absolument étranger à cet état de choses. On put se demander aussi dans quel but M. de Cavour se rendit de Plombières à Bade, où il se rencontra avec le prince de Prusse. Il y a lieu de supposer que les questions débattues à Plombières le furent aussi à Bade; car ici encore le Cabinet de Berlin ne devait guère sympathiser avec le Cabinet de Vienne.

1858

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Etait-ce pour lui causer encore un nouveau déplaisir, ou pour mécontenter la Grande-Bretagne, dont le ministère avait montré tant de tiédeur dans l'affaire du Cagliari, que M. de Cavour concéda (septembre) pour vingt-quatre ans à une compagnie russe une partie de la baie de Villefranche pour y construire des magasins et des chantiers? Suivant l'antique usage, le gouvernement de la Grande-Bretagne s'émut fort de cette maigre affaire, où il ne voyait rien de moins qu'un établissement maritime d'un avenir gigantesque pour la Russie. C'était, suivant le mot si connu au delà du détroit, beaucoup de bruit pour rien.

ETATS-PONTIFICAUX.

Le Saint-Siége méditait de faire retirer à Civita-Vecchia les troupes françaises. Des négociations étaient entamées à cet effet, quand l'attentat du 14 janvier, survenu en France, calma cette ardeur, et le Gouvernement ne persista plus dans sa demande; mais il laissa entendre qu'il ne serait pas fâché de voir augmenter le corps d'occupation. Ces dispositions nouvelles ne durèrent pas non plus, et les difficultés que suscitait l'occupation reprirent comme et souvent plus vivement que par le passé. Et d'abord, le Vatican était froissé de la persistance que mettait le général de Goyon à se qualifier de commandant des troupes françaises et pontificales; ensuite les premières étaient en mauvaise intelligence avec les autres. Quand les choses en sont là, il est rare qu'il n'en résulte point des collisions; et, comme dans l'intérêt même de la paix publique, le général français faisait parcourir les rues par des patrouilles, le principal ministre, cardinal Antonelli, protesta contre cette mesure, qu'il jugeait contraire au calme intérieur. A l'occasion de troubles survenus le jour de la fête de saint Pierre, et qui provenaient précisément de la mauvaise entente des soldats des deux armées, le général de Goyon avait menacé Rome d'une mesure extrême : l'état de siége. Le secrétaire d'État releva cette menace qu'il qualifiait d'excès de pouvoir, et laissa entendre que si cette situation trop tendue devait se prolonger, la Cour pontificale irait se mettre à Ancône sous la garde des baïonnettes autri

chiennes. Dans ces circonstances, et pour ne point pousser les choses à outrance, M. de Goyon se borna à publier (25 juin) un ordre du jour portant, que toute attaque contre des soldats de l'une ou l'autre armée serait jugée par les conseils de guerre français. Ce document réitérait la prétention du général de l'Empereur, à être à la fois et exclusivement le commandant des troupes indigènes et françaises. Enfin, les honneurs qui lui étaient dus en cette qualité y étaient rappelés avec une hauteur qui n'avait assurément rien de conciliant. Le cardinal secrétaire d'Etat se plaignit auprès de l'ambassadeur de France, d'abord, puis auprès des représentants des autres puissances. On intervint pour obtenir de M. de Goyon un langage plus pacifique, et l'on y réussit. Tout en persistant dans la qualification qu'il prenait, le général publia (27 juin) un nouvel ordre du jour plus adouci, et de nature à calmer les susceptibilités du Gouvernement pontifical.

Depuis, grâce surtout à l'ambassadeur de l'Empereur, M. de Gramont, les rapports entre le chef du Cabinet pontifical et le commandant de l'armée d'occupation perdirent de leur aigreur.

En France même, entre le Saint-Siége et le clergé, il y avait une question pendante, c'était celle de la substitution de la liturgie romaine à la liturgie parisienne. Le clergé français n'acceptait pas avec unanimité maints changements qui résultaient de cette substitution, et qui après tout ne se bornaient qu'à déranger les habitudes de quelques fidèles. Néanmoins on crut devoir ajourner l'application de la mesure sollicitée par le Vatican.

Ailleurs et toujours au dehors, la politique pontificale avait eu (V. Ann. 1856 et 1857) des succès. Il suffit de rappeler le concordat avec l'Autriche, ses ouvertures parfois discutées, mais toujours bien venues à la cour de Naples. Il n'en était pas absolument de même en Espagne, où la question si souvent mise sur le tapis, de la vente des biens du clergé, n'avait pas reçu, en ce qui concernait la cour de Rome, une solution complète. Dans le discours d'ouverture de la session de fin d'année, la Reine annonçait qu'elle avait donné à son ambassadeur auprès du Saint-Siége, M. Rios-Rosas, des instructions à l'effet de né

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