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gocier un nouvel arrangement au sujet de la vente des biens du clergé. Or, cette question était pendante depuis 1851. A cette époque, concordat ayant pour objet de régler entre les deux gouvernements ce différend; et en 1856 autre convention, ménagée par M. Mon, qui représentait alors à Rome le Gouvernement espagnol. Depuis lors la vente des biens du clergé de ce pays était restée interrompue. Quelle pouvait être actuellement la cause d'une reprise de négociations à ce sujet? C'est ce que l'on était porté à se demander (V. Espagne) et ce qui n'apparaissait pas bien clairement.

En Pologne et en Suisse, les efforts du Vatican pour ramener ou maintenir sa prédominance n'étaient pas couronnés de succès. Comme la Couronne, en Angleterre, le Tzar réunit les deux pouvoirs temporel et spirituel; on comprend dès lors que les négociations de ce côté ne pouvaient guère aboutir. En Suisse, l'opposition aux prétentions de la Cour de Rome n'était plus seulement défensive, mais agressive, à ce point que l'évêque récemment nommé, Mgr Marzorati, ne put prendre possession du siége de Côme. L'autorité pontificale s'émut de ce mauvais vouloir. Il en résulta une sorte de guerre de représailles; par exemple, l'annulation de la part du Gouvernement romain de la décision prise par les cantons ressortissant au diocèse de Båle, de fonder un séminaire à Soleure. Sur ce, rapport au Conseil fédéral par le Président de la Confédération, et réclamation de la part du Nonce, Mgr Bovieri, de laquelle il paraissait résulter que ce document contenait des faits erronés. Réplique du Président fondée sur des pièces probantes, selon lui. Les choses en étaient là à la fin de l'année. Opposée à la politique persistante du Gouvernement romain, la ténacité connue du caractère helvétique n'annonçait pas un prochain dénoùment de ce conflit.

Si de ce côté le Saint-Siége ne réussissait pas, il était plus heureux sur un autre point. L'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem existe encore en Allemagne et en Bohême. Au mois de juillet de cette année, négociations à l'effet de relever cet Ordre, de l'autoriser à reprendre sa mission primitive, qui est de protéger les pelerins se rendant dans la Terre sainte.

Conditions imposées par la Cour de Rome : 1o L'Ordre acquerrait à Jérusalem les fonds pouvant servir de communauté où seraient reçus les pèlerins; 2° Serait protecteur du nouvel hospice, le Saint-Siége; 3° En attendant d'ultérieurs développements, l'institution se bornerait à l'exercice de l'hospitalité. Enfin, le Saint-Siége se chargeait de faire tous efforts pour le rétablissement légal de l'Ordre dans la Terre sainte.

A aucune époque peut-être, le Gouvernement pontifical n'avait déployé plus d'habile activité au dehors. Il nous reste à le suivre dans sa politique et ses ressources intérieures.

Malgré l'énergie du Gouvernement personnifiée dans le cardinal Antonelli, le fléau du brigandage continuait d'exercer ses ravages surtout dans les Romagnes. Le tort que l'on avait c'était de traiter en quelque sorte avec les bandits au lieu d'aller droit à eux et de les attaquer de front. Autre cause de la persistance de leurs actes: c'était la fàcheuse idée de l'administration provinciale d'exiger des habitants de se mettre à la poursuite des brigands ou même de les dénoncer. Ils l'osaient à peine, sans doute parce qu'ils redoutaient d'être victimes de vengeances particulières. D'ailleurs il eût été difficile aux habitants désarmés depuis 1849 de faire cette police qui leur était prescrite. Enfin, trop heureusement pour les brigands, le système de recrutement vénal des troupes dans les États pontificaux n'était pas de nature à leur inspirer des craintes sérieuses; souvent, en effet, ils avaient des amis jusque parmi les soldats envoyés contre eux. Une fois sur la voie des imprudences on ne s'arrête guère. C'en était une que cette circulaire émanée depuis quelques années déjà de la police de Bologne, et qui recommandait de ne s'opposer aux bandits qu'alors qu'il n'y aurait plus moyen de faire autrement. Et pourquoi cette étrange recommandation? Pour épargner les finances de l'Etat et ne point fatiguer l'autorité judiciaire. En quelques jours, cette année (fin juillet et commencement d'août), les actes de brigandage se multiplièrent. Les Bolonais dénoncèrent à l'Europe par la voie des journaux sardes ce triste état de choses; ils s'adressèrent au cardinal Milesi, légat du pays. Nul doute que les autorités pontificales, désormais éclairées à cet égard, ne songeas

sent à mettre un frein à cette situation. L'obstacle ici était dans les mœurs et dans les facilités que le brigandage trouvait dans le territoire. Le Gouvernement comprit enfin qu'il fallait éclairer les masses pour les améliorer; aussi faisait-il beaucoup pour l'instruction publique, quoique parfois à un point de vue exclusif ou discutable. A la suite d'une enquête ayant pour objet de prouver que l'enseignement ici n'avait rien à envier aux autres pays, des règlements posèrent les conditions auxquelles il était permis d'étudier; entre autres, loger dans une famille honnête et posséder (condition assez bizarre), posséder un revenu mensuel d'au moins 12 écus. Etait réputée famille honnête, apte à loger un étudiant, celle qui préviendrait l'autorité dans le cas de mauvaise conduite politique ou religieuse de l'étudiant. Que le Saint-Siége voulût répandre l'instruction on ne le pouvait nier, mais on ne pouvait guère trouver efficaces des moyens de ce genre.

Le 4 mai, la Congrégation de l'Index fit afficher la liste des livres condamnés par elle dans ses dernières sessions; elle portait les œuvres suivantes : Apologie des lois de juridiction d'administration et de police ecclésiastique de la Toscane sous le règne de Léopold;

Histoire de la philosophie et des progrès de l'esprit humain, par le professeur Banelarotti; Florence;

Vrais et faux catholiques par L. A.; ... La Redemption des peuples, chant I, par J. Petricoli; Biesiada, 17 stycznia 1841; id est agape, 17 januarii 1841;

Dunsky, prêtre zélé et serviteur de l'œuvre de Dieu. (Déjà, de son vivant, l'auteur avait reconnu ses erreurs.)

Quoique condamné, le livre de M. V. Cousin : du Bien, du Vrai et du Beau, n'était pas compris dans cette liste, le SaintPère lui-même ayant, dit-on, ordonné de différer la publication du décret qui frappait l'œuvre du philosophe français.

Quelques mois plus tard, se produisit un incident qui causa, même dans d'autres pays, une grande sensation. Il s'agit de la conversion d'un enfant israélite au catholicisme. Les circonstances dans lesquelles cette conversion eut lieu, contribuèrent beaucoup au bruit qu'elle fit. Le père, Romolo Mortara, négo

ciant à Bologne, avait eu à son service une servante catholique, Durant une maladie d'un des enfants du négociant, le jeune Edgar, âgé alors de six ans, cette fille lui administra le baptême. Nul ne savait ce qui s'était passé, quand obligée de quitter le service des époux Mortara, la domestique alla dénoncer le fait à un prêtre, qui lui conseilla d'en faire part à l'archevêque de Bologne, S. E. le cardinal Viale-Prela. Ce prince de l'Eglise fit demander à Mortara s'il entendait donner à son fils une éducation chrétienne. Réponse négative du père. L'archevêque regarda alors comme un devoir de faire conduire à Rome, au catéchuménat, l'enfant enlevé, par ordre, à ses parents. Romolo Mortara se rendit dans la capitale, où il fit pour ravoir cet enfant toutes les démarches que lui conseillait son affection. Il établit que les motifs allégués pour retenir le jeune Edgar n'étaient rien moins que concluants. On prétendait qu'une bulle émanée du pape Benoit XIV (1747), et dans laquelle ces excès de zèle étaient sévèrement défendus aux serviteurs chrétiens placés chez les Israélites, admettait cependant une exception pour le cas où il y aurait danger de mort. A quoi le père répondait par des certificats de médecins, que l'enfant n'avait pas couru ce danger. Néanmoins il échoua dans ses efforts pour se faire rendre le jeune converti. L'ambassadeur de France avait fait de son côté les représentations convenables pour ramener le Gouvernement romain à une décision moins rigoureuse. On répondit que puisque le père se refusait à élever son fils dans la religion chrétienne, il était impossible d'avoir égard à ses doléances. C'était l'application d'un droit absolu, et l'on pouvait regretter qu'en cette occasion, la Cour de Rome n'eût pas donné à la bulle d'un grand pontife une interprétation qui eût concilié les droits de l'Eglise avec ceux d'une famille frappée dans sa tendresse.

Un fait, qui procédait du même courant politique et religieux, eut lieu vers la fin de l'année. Des femmes appelées Cappadociennes, du nom d'un village situé sur la frontière des États pontificaux et du royaume de Naples, avaient coutume de se mettre au service des israélites de Rome. Par suite d'une perquisition opérée, par ordre du cardinal-vicaire, dans le quartier des juifs (le Ghetto), toutes ces femmes durent rentrer

dans leur pays. C'était encore une application sévèrement entendue des bulles de Benoît XIV.

Le Cabinet romain avait subi dans les premiers jours de l'année une modification qu'il importe de constater. Par suite de l'élévation de monsignor Mertel et de monsignor Milesi au cardinalat, les travaux publics eurent pour titulaire monsignor Amici, et le ministère de l'intérieur monsignor Pila.

D'une statistique officielle, publiée le 15 janvier, et destinée à remplacer celle de 1833, il résultait que pour les 20 provinces des États pontificaux, il y avait 181 gouvernements divisés en 832 communes, peuplées de 3 millions 126,263 habitants, sur lesquels il y en avait 29,055 qui devaient être considérés comme population flottante, et 3 millions 97,208 comme population assise.

Au mois de mars, la Société anonyme du chemin de fer de Rome à Frascati obtint la concession de la prolongation de la ligne jusqu'à la frontière du royaume de Naples, à Ceprano.

Des fouilles intéressantes étaient pratiquées sur le territoire romain, toujours si riche en antiquités.

Cette année, elles réussirent, surtout dans la basilique de Saint-Clément. Il fut reconnu qu'elle portait sur une construction plus ancienne présumée, sans preuves bien probantes, du Ive siècle. Ce qu'il y a de curieux, c'est que les colonnes de l'église actuelle ont pour base les chapiteaux des colonnes de l'église primitive, dont quelques-unes sont d'un magnifique vert antique.

Ailleurs, au Forum, on refaisait le portique des Dii consenti (les douze grands dieux). Des fouilles étaient aussi pratiquées à Ostie, sous la direction de M. Visconti. Et déjà l'on avait fait de précieuses découvertes, parmi lesquelles une gigantesque mosaïque; une Cérès que l'on devait remarquer parmi le trésor d'antiquités que Rome possédait déjà; enfin, une salle entière, ayant encore les colonnes de marbre qui portaient la voûte. Le Saint-Père décida que l'on disposerait à SaintJean-de-Latran deux galeries pour en faire un Musée qui serait ouvert sous le nom de Pio-Ostiense, au commencement de la prochaine année.

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