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en termes formels la conduite du Gouverneur général, et elle est d'opinion qu'une pareille conduite de la part du Gouvernement de S. M. doit tendre, dans la situation actuelle de l'Inde, à y produire un funeste effet, en affaiblissant l'autorité du Gouverneur général, et en encourageant davantage la résistance de ceux qui sont encore armés contre nous. >>

Et comme si tout devait être surprise en cette affaire, le comte Granville, ayant avancé (10 mai) que M. Vernon Smith (le prédécesseur de lord Ellenborough) avait reçu une lettre confidentielle de lord Canning, de laquelle il serait résulté que le Gouverneur général était dans l'intention d'expliquer ses vues par une dépêche subséquente, le comte de Malmesbury releva cette circonstance qui atténuait ce qu'il pouvait y avoir de précipité dans la dépêche de lord Ellenborough, à qui son prédécesseur aurait laissé ignorer la réception de cette lettre.

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Autre incident de nature à embarrasser les coalisés : lord Ellenborough vint déclarer dans la Chambre haute qu'il était seul responsable de la dépêche adressée pour le blâmer au Gouverneur général; en même temps il annonça qu'il avait offert à la Reine, qui l'avait acceptée, sa démission de membre du Cabinet. Et pour bien établir qu'il était « la cause de tout le mal, le dévoué président du bureau du Contrôle déclara, qu'il aurait dû communiquer sa dépêche au Cabinet et prendre l'opinion de ses collègues avant de se résoudre à la rendre publique. C'était peut-être le droit chemin, mais ce chemin il ne l'avait pas suivi, et, par conséquent, accuser ses collègues d'une faute quelconque au sujet de cette publication serait déloyal et injuste, « puisque, disait le noble Lord, c'est moi, et moi seul, qui en suis responsable. »«< A ces mots, » lord Derby prit acte contre ses antagonistes de la déclaration de son collègue. « Mon noble ami, ditil, s'est mis en avant avec cette franchise et cette mâle honnéteté qui le distinguent, et a déclaré que la dépêche était un acte tout personnel, et que lui-même et lui seul devait en être responsable. Rien ne m'est plus douloureux que de pouvoir être soupçonné de sacrifier un de mes collègues dans un intérêt quelconque, et je ne sais si j'ai été jamais aussi affligé qu'en recevant communication de la démission de mon noble ami.

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Mais, Milords, je devais moins considérer mes sentiments particuliers que le grand intérêt du pays. Il me fallut décider si le Gouvernement actuel devait mettre son existence en jeu pour un acte auquel il était complétement étranger, ou bien accepter le sacrifice volontaire d'un collègue, et obtenir, par l'effet de sa générosité, une justice qui autrement nous aurait été refusée. » L'option ne pouvait pas être douteuse. Toutefois, la coalition persista. Une réconciliation eut même lieu entre lord Palmerston et lord Russell, à la suite, suivant l'usage britannique, d'un banquet politique. Mais un appoint lui manquait, celui des libéraux indépendants, tels que M. Bright, M. Gibson et autres. La cause du Cabinet était juste; elle l'emporta. Dans la Chambre des Lords, 167 voix contre 158 repoussèrent la motion de blâme proposée par lord Shaftesbury.

Venait le même jour, mais pour être plus longuement débattue, la motion de M. Cardwell. En la développant, cet honorable membre déclara, que si lord Ellenborough avait bien voulu assumer la responsabilité de l'affaire, il n'en était pas moins vrai que l'envoi de la dé êche était l'œuvre collective du Gouvernement; qu'elle était de nature à décourager les Européens qui se trouvaient dans l'Inde; que d'ailleurs l'administration de lord Canning était clémente. La motion fut repoussée par M. Bright qui se fondait avec plus de vraisemblance sur ce que la proclamation de lord Canning était de nature à provoquer une lutte désespérée dans cette contrée. Le 20 mai, M. Dunlop proposa, en cas d'adoption de la proposition de M. Cardwell, d'ajouter ce qui suit: la Chambre a la confiance que le Gouverneur général, agissant dans l'esprit de la lettre qui lui a été adressée par la Cour des Directeurs à la date du 5 mai, suivra une politique générale, qui, tout en maintenant l'autorité établie dans le gouvernement des Indes, rassurera la population et la réconciliera avec la domination de la Grande-Bretagne. » Cette addition était assurément un tempérament à la proclamation de lord Canning. Mais elle était une théorie, et l'acte du Gouverneur général un fait. Un épisode vint au secours du Cabinet: des dépêches importantes reçues de l'Inde apprirent au ministre, qui en fit part au parlement, que sir James Outram, dont l'héroïsme et l'ex

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périence étaient d'un grand poids dans la balance, chargé, en sa qualité de commissaire en chef de l'Inde, de l'exécution des ordres du Gouverneur général, lui en avait formellement témoigné son improbation. Le principe même de l'administration. de l'Inde revenait sous l'influence de ce puissant témoignage dans le débat suscité par M. Cardwell. L'opposition eût voulu ne s'attacher qu'à la forme ; c'est le fond qui fut remis en question. Un membre éloquent du Cabinet, lord Stanley, put circonscrire le débat dans le dilemme que voici Est-ce la forme de la dépêche que l'on attaque, alors la retraite de lord Ellenborough, son auteur, tranche la question; est-ce, au contraire, le fond, c'est-à-dire le principe même de la dépêche, le blâme adressé à lord Canning? alors que l'opposition ait le courage de son opinion, et qu'elle adopte avec lui, pour toute politique dans l'Inde, la confiscation universelle, l'expropriation de nations entières. C'était mettre la coalition au pied du mur. Ou bien, comment aurait-elle osé avouer que la retraite de lord Ellenborough, lui ayant donné satisfaction quant à la dépêche à lord Canning, elle était de l'avis du Gouverneur général sur les conséquences à outrance que devaient avoir pour les vaincus les récentes victoires remportées sur eux? Inutile d'ajouter que la parole d'hommes tels que sir Hugh Cairns, de MM. Roebuck, Milner Gibson, Lindsay, Bright, de sir James Graham, quoique ami, ce dernier, de l'auteur de la motion et du Gouverneur général, porta le dernier coup à cette intrigue parlementaire, ou, il faut bien le dire avec sir Graham, on faisait bon marché de la justice et de la politique, qui condamnaient également la fameuse proclamation de lord Canning. Ajoutez enfin le témoignage d'un personnage qui revenait du théâtre de l'insurrection, M. Layard, et dont les observations tendaient à la condamnation du système d'annexion et de conquête. La lumière était faite, et lord Palmerston lui-même conseilla à M. Cardwell (21mai) de retirer sa motion. Le ministère triomphait complétement, et ce qui n'arrive pas toujours, il triomphait parce que sa cause était juste. Seulement il eut le tort, au moins par l'un de ses organes les plus incisifs, de trop manifester la joie du succès. D'ordinaire, c'est devant les électeurs que ces émotions

se produisent. Ceux de Buckingham ayant fêté M. Disraeli, le chancelier de l'Echiquier n'eut garde de laisser échapper l'oceasion. Après une revue de l'héritage de difficultés laissé au Cabinet par ses prédécesseurs, et dont il avait su triompher, M. Disraeli aborda la grosse difficulté qui tenait en suspens la métropole et sa principale richesse, les Indes.

« Pour la réorganisation de notre empire de l'Inde, nous avons posé des principes que l'Angleterre approuve, que l'Europe admire, et qui,s'ils sont mis en pratique, maintiendront la grandeur et la gloire de notre pays. » Ce préambule portait l'orateur à envisager les difficultés présentes, les embarras suscités au Cabinet: « Il existe en ce moment en Angleterre ce qu'on n'a véritablement pas vu depuis l'époque de Charles II; il y a aujourd'hui en Angleterre une cabale qui n'a pas d'autre objet que de renverser le Gouvernement de la Reine, et d'atteindre son but avec autant d'audace que de résolution... Elle a réussi à faire ce que nulle cabale au temps où nous vivons, et je suis fier de le dire, n'a pu arriver à accomplir: elle a en grande partie corrompu la presse, jadis pure et indépendante, de l'Angleterre. >>

Le reproche était vif, et, malheureusement, en partie fondé. Ajoutez la mordante ironie de l'orateur. On se plaignit dans la Chambre des Communes (lord Russell, 28 mai); (lord Palmerston, 31 mai). Cet ancien chef du Cabinet nia que le ministère nouveau fût arrivé aux affaires au milieu de grandes difficultés: « Lord Derby lui-même a déclaré, disait le noble orateur, qu'il espérait bien, au moment où il quitterait les affaires, les laisser dans un état aussi satisfaisant que celui où il les avait trouvées, et il disait cela après deux jours de réflexion. » Puis, de la part de lord Palmerston, un coup d'œil rétrospectif sur la situation telle qu'il l'avait laissée. Il opposait surtout la plus entière dénégation au prétendu danger de guerre avec la France à cette époque, mis en avant par M. Disraeli. Enfin, on se plaignit du langage de cet homme d'Etat : dans la Chambre haute lord Clarendon et lord Granville (1er juin). Toutefois, s'il dessinait l'état des partis, cet autre incident ne pouvait aboutir à rien de positif, sinon à fixer l'opinion.

Cependant il fallait remplacer lord Ellenborough au bureau du

Contrôle. Ce fut lord Stanley qui lui succéda dans ces fonctions, tandis que le ministère des Colonies passait à sir Bulwer Lytton. Homme de talent, populaire et d'ailleurs conciliant, il calma l'ire de l'opposition. On reprit aux Communes, et sous la conduite de lord Stanley, la discussion des résolutions relatives à l'Inde; les principales ayant été adoptées, on trouva plus simple de faire de l'ensemble un bill qui fut adopté dès la première lecture. 24 juin, seconde lecture. Après avoir subi le contrôle et les modifications de la Chambre des Lords, il passa enfin définitivement en juillet (le 23). Lors de la troisième lecture, l'archevêque de Cantorbéry exprima l'espoir qu'à l'avenir on n'aurait plus égard aux distinctions de castes dans l'Inde; que les saintes Ecritures seraient lues sans commentaires dans toutes les écoles publiques, que les personnes converties au christianisme obtiendraient de l'avancement, et que les terres ne seraient pas employées à l'entretien de temples païens.

A quoi le chef du Cabinet répondit, qu'il était opposé à toute tentative de la part du Gouvernement en vue de convertir les indigènes au christianisme : « Et bien, disait-il, que le Gouvernement ne doive pas se montrer trop indulgent pour les castes, il ne doit pas non plus refuser absolument de les reconnaître; car ce serait violer directement les sentiments de la population.

Toutefois, quant aux terres léguées pour l'entretien des temples, lord Derby pensait que le Gouvernement devait s'abstenir de toute intervention active. Lord Ellenborough s'exprima à peu près dans le même sens : une propagande active nuirait, pensait-il, au christianisme.

C'est ici le lieu de se reporter vers le passé que le bill tendait à réformer, vers le présent qu'il établissait, et d'envisager l'avenir qu'il préparait à cette vaste conquête due autant à la diplomatie qu'aux armes anglaises. Et d'abord il importe de mentionner qu'une des pièces importantes du procès dont le Parlement venait d'être saisi, la proclamation de lord Canning, amena de sa part des explications publiées par le gouvernement de la métropole longtemps après leur date (4 juillet), et lorsque déjà l'incident mémorable que cette pièce avait provoqué, était vidé. « Votre honorable Cour, disait le Gouverneur général,

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