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rêteraient point; elles s'élèveraient en 1858 à 260 millions. Indépendamment de cette dernière somme, 27 millions seraient consacrés aux travaux extraordinaires. Déjà le rapporteur de la Commission avait établi que sur 1,531,079,683 fr. de recettes représentant le produit total des impôts en France, en 1855, le département de la Seine avait versé au Trésor 206 millions 359,341 fr., c'est-à-dire 13,47 p. 100 des revenus de l'Etat. La population de la Seine étant, par rapport à la population totale de l'Empire, dans la proportion de 4,79 p. 100, la part contributive de ce département dépassait donc considérablement la proportion normale. L'Etat, dit-on (M. de Kervéguen), a dépensé à Paris 600 millions en 1848, 700 millions en 1849, c'est-à-dire beaucoup plus que l'Etat ne reçoit du département de la Seine. Mais toutes les dépenses que l'Etat fait à Paris, répond M. Baroche, ne sont pas faites pour Paris seul. Ces 600 millions représentent les dépenses de toute nature d'administration pour la France entière, et qui sont payées à la caisse centrale du Trésor. Le reste de l'Empire ne saurait done avoir d'antagonisme contre Paris, puisque Paris verse dans la caisse de l'Etat une part considérable des revenus du pays. Ceci posé, l'organe du Gouvernement établit par des chiffres, que les départements étaient loin d'être déshérités. Le dernier budget affectait 35 millions aux ponts et aux routes impériales de l'Empire. Dans ce crédit, Paris ne comptait que pour 1,700,000 francs. Pour canaux et subventions aux chemins de fer, autres crédits que la Chambre connaissait. En 1856, vote de 26 millions pour réparations des désastres produits par les inondations, et, récemment, allocation de 20 millions pour travaux de défense contre les inondations. En même temps, adoption d'une loi qui met 100 millions à la disposition de l'agriculture pour travaux de drainage (V. ci-dessus). Les ressources de l'Etat étaient donc à chaque instant, et sous toutes les formes, réparties sur le pays tout entier. En résumé, de 1831 à 1858, il avait été dépensé par l'Etat, pour travaux publics extraordinaires destinés au développement des voies de communication, 1 milliard 700 millions, sur lesquels 60 millions seulement pour la Ville de Paris. En ce qui concernait la subvention particulière

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qu'il s'agissait de lui affecter, on devait, au jugement du Président du Conseil d'Etat, on devait tenir compte au Gouvernement du soin avec lequel il s'était appliqué à ménager la liberté des budgets. Le budget de 1859, en particulier, était, au rapport de la Commission, le meilleur que le Corps législatif eût encore voté. Le Gouvernement espérait que cette amélioration des budgets serait progressive. Quant à la ville de Paris, elle compensait chaque année, par une augmentation de produits, les sacrifices que l'Etat faisait pour elle. Exemple : les droits de mutation qui, de 1847 à 1852, avaient donné en moyenne annuelle 5,600,000 fr., avaient produit plus de 10,860,000 fr., également en moyenne, de 1852 à 1856. Augmentation pour l'enregistrement seul, de près de 27 millions.

En principe, l'Etat est tenu de concourir non aux embellissements de Paris, mais dans une certaine proportion aux travaux d'utilité générale qui s'exécutent dans cette Ville. Il importe à la sûreté de l'Empire de prémunir Paris contre de tristes éventualités, qui ne sont pas à la vérité à redouter aujourd'hui, mais dont il faut rendre le retour impossible. Il faut enfin penser que les chemins de fer ont, en réalité, déplacé les barrières de Paris, et qu'ouvrir des communications faciles à la foule et aux marchandises qui se pressent aux abords des gares, c'est servir un intérêt général de premier ordre. Ainsi raisonnait l'organe du Gouvernement. Mais le danger résultant de l'affluence des ouvriers? (objection de M. Monier de la Sizeranne.) — Réponse : Les travaux seraient moins considérables que l'on ne supposait: 180 millions de travaux répartis en dix années, plus 80 millions d'autres travaux qu'accomplirait la Ville pendant la même période, c'est-à-dire au total 260 millions, environ 26 millions par an, somme bien inférieure à celle dépensée annuellement (40 millions) depuis 1852. Que si l'on ajoutait une prévision de 420 millions à exécuter par les particuliers, on n'aurait encore qu'un chiffre à peine aussi considérable que celui des années précédentes. Mais ce chiffre même une fois accepté, l'argument de M. le Président du Conseil d'État ne détruisait pas l'objection qui lui était faite : 40 millions de travaux annuels devaient attirer une grande'agglomération d'ou

vriers. Ce qui était plus concluant, c'était qu'il y avait prudence et humanité à entretenir ce courant de travail auquel les ouvriers sont accoutumés depuis 1852. Voudrait-on, disait M. Baroche, que le Gouvernement arrêtât brusquement le cours de ses travaux? Brusquement? non, sans doute; mais quelque jour, il le fallait bien. On n'aurait pas toujours de nouveaux travaux à entreprendre, à Paris surtout.

En terminant, le Président du Conseil d'Etat, d'accord avec la Commission, argumenta de la manière qui suit, au sujet de la cherté des loyers : « Que l'on fasse de belles maisons, la population riche ira les habiter, abandonnant les logements actuels (mais à quel taux ?) à des familles moins aisées; celles-ci, en occupant ces nouvelles demeures, laisseront vides celles qu'elles habitaient, et ainsi de proche en proche. » Ce raisonnement ne détruisait absolument pas l'objection tirée de la cherté des loyers. A la suite de ce discours, clôture de la discussion générale et vote de l'article unique de la loi, à la majorité de 180 suffrages contre 45, sur 225 votants.

Dans le nombre des lois présentées durant cette session, et ayant pour objet, comme les précédentes, d'imprimer plus de rapidité aux communications et relations commerciales et industrielles, il faut compter celle qui portait réduction de la taxe pour les dépêches télégraphiques privées entre bureaux d'un même département ou de deux départements limitrophes. Un projet à cet effet fut présenté au Corps législatif le 8 avril. Il portait (article 1er) que les dépêches télégraphiques de un à quinze mots seraient soumises à la taxe fixe de 1 fr., quelle que fût la distance, et les dépêches entre deux bureaux de deux départements limitrophes à la taxe fixe de 1 fr. 50 c., également quelle que pût être la distance (article 2). Augmentation d'un dixième pour chaque série de cinq mots ou fraction de série « excédant » (article 3). Trois lois précédentes avaient réglementé cette matière depuis la loi du 29 novembre 1850. Favoriser l'extension de la correspondance privée par la réduction progressive de la taxe, la contenir en même temps dans des limites telles que le service de la correspondance gouvernementale n'eût pas à en souffrir, et que le service des relations privées

ne perdit pas en sécurité et en vitesse ce qu'il gagnerait en bon marché, c'a avait été la pensée de ces modifications. En cette matière, disait le ministre d'Etat, on ne saurait procéder avec trop de prudence (et pourquoi donc ?), et s'il faut tendre à vulgariser chaque jour davantage l'usage du télégraphe, il faut résister avec une force égale à l'entrainement d'une réduction subite qui fût possible dans un service analogue, celui des postes, mais qui, appliquée aux correspondances télégraphiques, rencontre encore des obstacles sérieux. Au nombre de ces obstacles, selon l'Exposé des motifs, serait un encombrement dangereux, l'extension des relations télégraphiques n'étant possible que par la création de voies nouvelles. A une réduction précipitée des tarifs, devraient nécessairement répondre des constructions hâtives et dispendieuses. Pour être utile, possible même, la réduction doit suivre les constructions nouvelles, et n'appeler les correspondances que sur des lignes faites pour les recevoir ou sur celles que l'expérience a montrées inoccupées ou tout au moins suffisantes pour un service plus actif.

L'économie du projet reposait sur ces considérations présentées par le Conseil d'Etat. Si l'on jetait les yeux sur l'ensemble du mouvement télégraphique, on remarquait que les lignes secondaires religatives des lignes de troisième ordre entre elles, par exemple celles dites lignes-omnibus, demeuraient trop souvent inoccupées.

Une réduction sur ces lignes développerait donc les relations de ces localités souvent communes d'intérêt. Elle n'imposerait au Trésor aucune charge, puisqu'il ne faudrait ni constructions nouvelles ni personnel plus nombreux. Le Trésor y bénéficierait au contraire. Dernière considération à l'appui de cette réduction, c'est que s'agissant d'intérêts secondaires, il convenait de les dégrever proportionnellement. Peu sensible en lui-même, ce dégrèvement donnerait cependant une activité véritable à des lignes improductives et une satisfaction réelle à un besoin public.

Un projet qui tendait, comme le précédent, à l'accélération des communications, fut présenté au Corps législatif dans sa séance du 19 mars. Il s'agissait de la prolongation du marché

conclu pour le transport des dépêches entre Marseille, la Corse et la Sardaigne. L'administration avait fait longtemps par ses propres moyens le transport entre Marseille et la Corse. Mais elle avait considéré qu'il lui serait plus avantageux de confier ce service à une entreprise particulière, et elle avait conclu, à cet effet, pour six années, avec la compagnie Valery, un traité sanctionné par les lois des 17 juin, 1er et 17 juillet 1850. A la suite d'une prolongation de trois ans (cette convention devait expirer le 1er août 1863), le 24 janvier 1858, nouveau traité basé sur de nouveaux besoins d'une part, et sur une seconde demande de subvention de la part de la Compagnie. C'est la sanction de ce dernier traité qui était soumise à la législature. Les propositions acceptées le 24 décembre par le ministre des finances étaient les suivantes : la Compagnie demandait dans l'origine une augmentation de 25,000 francs de subvention; l'administration des postes avait refusé, parce qu'elle ne voyait pas dans les services pour lesquels elle était demandée des nécessités postales, sa règle étant de n'accorder de subventions que pour le transport direct des dépêches. La Compagnie convertit alors en une autre proposition sa condition de subvention. Elle se tiendrait pour satisfaite, si pour l'indemniser on prolongeait jusqu'au 1er août 1873 la durée de son marché. Comme cette prolongation n'était pas onéreuse pour le Trésor; que les trajets effectués par les bateaux de la Compagnie constituaient un parcours de 22,308 lieues, représentant 13 fr. 04 c. par lieue parcourue, tandis que les subventions aux autres Compagnies de la Méditerranée s'élevaient à 25 fr. 90 c. par lieue, par tous ces motifs, on ne voyait qu'avantages à proposer l'adoption du projet de sanction du traité. Lors de la discussion (24 avril), d'honorables orateurs (M. de Kervéguen, M. de Bussière) combattirent cette prolongation d'un marché qui avait encore cinq années à courir. De son côté, la Commission ne s'était pas dissimulé les inconvénients qu'il pouvait y avoir à engager l'État pour dix années encore. Mais elle avait vu dans le projet de loi un avantage immédiat assuré à la Corse, qui obtenait deux escales dont elle avait besoin. Et cette considération avait décidé la Commission à accepter le

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