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réunis constituent un cas unique d'énormité et de violence qui appelle l'intervention du chef de l'État. »

A ces agitations devaient se joindre celles qu'occasionna la crainte que l'on eut quelque temps, dans certaines localités, d'être en proie à la fièvre jaune. Il est trop certain qu'elle fit des victimes dans la Louisiane. Le 10 août, trente-cinq malades avaient succombé; le 11, quarante-cinq. A ces calamités, dont le compte était déjà assez considérable, il fallait ajouter les luttes de partis, la fièvre électorale. A la NouvelleOrléans, les élections municipales donnèrent lieu à de véritables collisions. Deux partis s'y trouvaient en présence, comme dans le reste de l'Union, l'un dit américain, l'autre républicain. Ce fut le premier qui l'emporta pour la nomination du maire. Mais avant d'en venir là, un Comité de vigilance s'était établi en vue de remplir les fonctions de police qu'il trouvait mal faites. Un ancien flibustier en tête, les émeutiers s'emparèrent de l'arsenal, où ils se fortifièrent. A quoi le maire opposa la milice et l'artillerie. Proclamatious et arrestations dans les deux camps. Abandonné par son conseil municipal, le maire prit un parti désespéré: il se plaça sous la protection des vigilants, qu'il se proposait de combattre. Mais survinrent les élections; le parti du maire (le parti américain) l'emporte, et le Comité de vigilance de se disperser. Et le combat cessa faute de combattants. C'était, en d'autres termes, un hommage à la majorité. Ces troubles n'empêchent sans doute pas l'Union d'être une grande république ; mais mieux vaudrait sans doute que les mœurs électorales devinssent plus pacifiques. La liberté et l'anarchie subsistent rarement ensemble. Les élections pour le Congrès ne pouvaient pas être non plus bien paisibles, considérées qu'elles étaient comme le précurseur et l'indice du choix du Président qui aurait lieu en 1860. Le pendule, qui en 1856 oscillait si violemment du côté démocratique, c'està-dire en faveur de l'esclavage, des flibustiers et de la liberté commerciale, inclinait de l'autre côté, à ce point que les républicains et les know-nothing se croyaient presque assurés de la victoire. Cette observation du Times résumait assez bien la situation. Dans le Nord, les élections ont lieu en automne. On avait à y nommer des magistrats et des députés au Congrès,

dont le mandat ne devait expirer que le 4 mars 1861. Or la Chambre des représentants pouvant être éventuellement appelée à désigner le Président, si en 1860 aucun candidat n'avait la majorité absolue, on comprend de quelle importance était le choix des membres du Congrès. La lutte se trouvait circonscrite entre deux partis tranchés. Mais les démocrates s'étant divisés sur la question du Kansas, où d'aucuns ne voulaient pas suivre la politique de M. Buchanan, il en résulta que les républicains furent les plus forts. La majorité qu'ils obtinrent dans la plupart des États était considérable (les deux tiers à peu près). La Pensylvanie, qui comptait le Président parmi ses enfants, se prononça cette fois contre lui. La lutte fut surtout vive dans l'Illinois, dont les Chambres devaient décider la réélection de M. Douglas comme sénateur. Ce personnage, que son éloquence avait si haut placé dans l'opinion, s'était retiré de M. Buchanan, encore dans cette grande affaire du Kansas, et le Président en avait conçu un vif ressentiment. La réélection sénatoriale de cet adversaire le ferait monter tout d'abord au rang des candidats à la future présidence. De part et d'autre, emploi de tous les moyens possibles d'influence. M. Douglas l'emporta; ses amis furent réélus dans l'Illinois, et lui il était sûr par là de redevenir sénateur. A son arrivée au pouvoir, le Président disposait d'une trentaine de voix au sein du Congrès: il les perdit. Le 25 novembre, les habitants d'une ville de la Pensylvanie célébraient un mémorable anniversaire: la prise du fort Duquesne (1758) par les Anglo-Américains. M. Buchanan saisit cette occasion pour adresser à ses concitoyens de Pittsburg une lettre, moins remarquable peut-être par les doléances qu'elle exprimait au sujet des déconvenues que subissait sa politique, que par les pressentiments qui s'y rencontraient quant à l'avenir de l'Union. 1l se demandait dans quel état la trouverait un autre anniversaire, c'est-à-dire un autre siècle. « Continuerait-elle de former une seule nation, ou serait-elle déchirée et partagée en groupes d'Etats rivaux et ennemis? » La réponse se trouvait peut-être dans le regret qu'exprimait plus loin l'illustre Président de voir l'argent passer à l'état d'argument électoral: « Une république démocratique ne peut durer qu'à l'aide de l'honnêteté publique.

Si celle-ci s'altère et si le peuple se laisse acheter, il se forme à la racine de l'arbre de la liberté une plaie qui entraîne son dépérissement, puis sa mort. »

La session législative se rouvrit le 4 décembre; le 6, envoi du message présidentiel aux deux Chambres. Nous avons fait connaître, sous chacune des questions qu'il embrassait, les solutions que renfermait ce document (V. App.), où l'on remarquait cette particularité que la politique étrangère y occupait la plus grande place, de même que la domination des Etats-Unis devait, au sens de M. Buchanan, continuer de s'étendre indéfiniment en Amérique. La politique intérieure lui souriait trop peu en ce moment pour qu'il s'y arrêtât plus qu'il ne lui convenait.

CHAPITRE XV.

ÉTATS DIVERS.

MEXIQUE. Le gouvernement de Zuloaga depuis la retraite de Comonfort. Ses intentions : il est réactionnaire. Difficultés qu'il rencontre dans les autres Etats. Les Puros et leurs chefs: Alvarez, Juarez et autres. Les troupes de Zuloaga d'abord victorieuses sous la conduite d'Osollo et Miramon. Mort du premier de ces généraux; défection d'Echeagaray. Succès de Miramon. Juarez maitre de la Vera-Cruz. — Situation déplorable de la république vers la fin de l'année.-Difficultés au dehors.

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NICARAGUA et COSTA-RICA.

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Ces deux républiques s'entendent pour placer le transit entre les deux Océans sous la protection des puissances protectrices de l'Empire ottoman. Mauvaise humeur du Président des Etats-Unis à cette occasion; comment il la manifeste en son Message.

La mission de M. Gore Ouseley dans l'Amérique centrale; paroles de ce diplomate au président du Nicaragua. Projet de la Grande-Bretagne au sujet de cette partie du continent américain. - Le flibustier Walker.

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VENEZUELA. Soulèvement du colonel Brito et d'autres chefs. Ils menacent Caracas; nombre de localités se rallient à l'insurrection. - Abdication de Monagas. - L'un des généraux victorieux, Castro, forme un gouvernement provisoire. Convocation d'une Convention. Le corps diplomatique ne veut pas laisser incarcérer ou juger Monagas qui avait cherché un asile à la légation française. - Consentement du Gouvernement, qui bientôt revient sur sa résolution et veut faire juger l'exprésident. La France et l'Angleterre s'y opposent dans la personne de leurs représentants. Démonstrations menaçantes de leurs forces navales. Le Gouvernement s'exécute.

NOUVELLE-GRENADE.

Ouverture de la session législative; discours du Président Espina. Constitution fédérale du pays: le pacte fondamental est revisé de manière à concorder avec le nouvel état des choLes finances; la dette publique. Vote d'une loi sur le timbre. CHILI. Message du président Montt; état des partis. - Situation financière. Emprunt négocié en Europe.

ses.

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ETATS DE LA PLATA. Traité entre le Brésil et la République argentine. Soulèvement de Silveira dans l'Urugay; César Dias Freire et autres font cause commune avec lui. Ils s'avancent vers Montevideo; terreur des habitants. Appel fait par le Gouvernement aux marines étrangères. Victoire de Medina; défaite de l'insurrection. Les chefs rebelles passés par les armes. Les Chambres; leur enthousiasme. Attitude du Gouvernement brésilien en cette occurrence. - Buenos-Ayres et la Confédération argentine. Urquiza veut faire rentrer Buenos-Ayres dans la Confédération. Refus motivé de cette ville.

BRÉSIL. Situation florissante de cet empire; ses finances.- La presse à Rio-Janeiro; grève des compositeurs: sur quoi elle est fondée. — Ouverture de la Session'; discours de l'Empereur. Le projet d'adresse dans les deux Chambres; longs débats qu'il soulève. Le ministère triomphe en définitive. Les documents des ministres; faits qui en ressortent. L'Angleterre et le droit de visite; la France et la délimitation de la Guyane; les successions de ses nationaux. Plaintes de la France au sujet des règlements qui les régissent.

MEXIQUE.

Anarchie, telle est l'expression caractéristique de l'état de ce malheureux pays au commencement, et bientôt, durant tout le cours de cette année. Le pouvoir était aux mains de Zuloaga, et avec lui des réactionnaires, mais en même temps il lui était disputé par le parti du mouvement qui avait pour chef Juarez, réfugié à Guanajuato. On entrait donc en pleine guerre civile. Cependant le vainqueur de Comonfort avait pris possession du gouvernement central et composé son Cabinet; après quoi, on Jui doit cette justice, il avait procédé à des mesures réparatrices : révocation des lois spoliatrices du clergé, rétablissement des fueros, des prêtres et de l'armée, et restitution des biens vendus. C'était, au surplus, bien calculer; car le clergé reconnaissant aida de sa bourse le nouveau Président à reconstituer son armée, qui fut distribuée entre des chefs fameux dans ces troubles civils: Osollo, Miramon, Echeagaray, enfin Villaréal. Le général Zuloaga comptait exécuter avec eux, et en leur répartissant les rôles, tout un plan de campagne. Osollo devait marcher contre Parrodi, Villaréal contre Alvarez dans le Sud. Les autres devaient opérer sur certains points donnés. De leur côté, les puros (rouges) ne s'endormaient point. Juarez tenta de former un gouvernement de sa couleur; mais, chose assez rare, il n'avait pu trouver encore qu'un ministre. Puis il lança la pièce d'usage, une proclamation. Un incident caractéristique en cette dernière révolution, et assurément significatif, c'est que, le combat fini ou une halte intervenue dans cette guerre civile, on vit flotter le pavillon français dans toutes les rues de la capitale et sur presque toutes les maisons. C'était le pavillon protecteur de tous, et l'envoyé français, M. de Gabriac, avait su se faire

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