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CHAPITRE XVI.

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

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BELGIQUE: Les Lettres flamandes et la Littérature nationale.-NEERlande: la Grammaire japonaise de M. Hoffmann; les journaux. — ALLEMAGNE, L'ouvrage de M. Mittermaier sur le Système pénitentiaire. Les principes d'économie politique de M. Roscher. — ITALIE. Histoire des révo lutions de ce pays, par M. Ferrari. - Une Page d'histoire du Gouver nement représentatif du Piémont, par M. Chiala. Deux lettres de Silvio Pellico. · GRÈCE Histoire de la révolution, par M. Tricoupi RUSSIE. Recherches de M. Galitzin sur les origines et l'histoire de cet empire. GRANDE-BRETAGNE: The English in India, par M. Dickens. Ouvrage du docteur Livingstone sur l'Afrique intérieure. — OEuvres diverses: Le Chef de famille, traduit par M. de Vigny. Currer Bell (miss Charlotte Bronte) et son biographe.

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La littérature flamande continue d'enregistrer les œuvres bril lantes de l'auteur des Jongelingsdroomen (rêves d'un adolescent), M. Van Beer, un poëte dont elle s'enorgueillit à juste titre; --- son romancier, et à beaucoup d'égards celui de l'Europe littéraire, Henri Conscience est revenu au genre historique qui lui réussit si bien.-La littérature nationale de la Belgique a trouvé son poëte: M. Ch. Potvin, dont l'énergie, le vers patriotique rappelle l'auteur des lambes. La Néerlande a vu paraître une œuvre de circonstance, une nouvelle et excellente grammaire japonaise, dont l'auteur est M. Hoffmann, de Leyde.- Les progrès du journalisme dans ce pays doivent être remarqués. On y comptait un nombre considérable de recueils périodiques. Parmi les ouvrages que l'on doit à la féconde Allemagne, nous citerons la remarquable publication de Mittermaier : De l'Amélioration du système pénitentiaire, en particulier du système cellulaire (Die Gefängniss verbesserung, insbesondere die Bedeutung und durchführung der Einzelhaft). Le célèbre publiciste vante dans cet ouvrage la supériorité du système cellulaire sur la vie des prisonniers en commun. Toutefois, il admet des exceptions:

il voudrait, par exemple, que l'isolement ne fût appliqué que pendant une partie du temps de la détention; qu'il ne fût pas imposé à ceux dont l'état physique ou mental le leur rendrait particulièrement dangereux. Il voudrait surtout une réforme préalable du système pénal, dans lequel entrerait avant tout le principe de l'amendement du coupable; enfin, M. Mittermaier souhaiterait une plus efficace appropriation des bâtiments, du personnel administratif et du service, du traitement des prisonDût-on niers, au but que se propose le système cellulaire. penser autrement que le professeur de Heidelberg, on ne saurait encore se dispenser de recourir à ses lumières.-M. Wolowski a traduit l'ouvrage d'un autre économiste distingué, M. Roscher, intitulé: Principes d'économie politique. L'ouvrage original a eu en Allemagne un succès éclatant. Et, ce qui est rare au delà du Rhin, dès le début, l'auteur a déclaré «qu'il serait tout pratique, qu'il ne s'arrêterait pas à bâtir des constructions purement idéales. Celui qui voudrait formuler le meilleur idéal économique devrait, pour ne pas s'écarter de la vérité et de la pratique, multiplier ses conceptions suivant le nombre des caractères que présentent les peuples. Il serait en outre obligé de les revoir, à des intervalles rapprochés, puisqu'au fur et à mesure que les peuples changent, que des besoins nouveaux se font jour, l'idéal économique qui leur convient doit nécessairement se modifier. » Rien de plus vrai ni de mieux pensé. C'est tout le livre de M. Roscher. Toutefois nous ne pouvons pas dissimuler que sa distinction entre la méthode idéaliste et la méthode expérimentale n'a pas été unanimement acceptée par la critique. Elle a été surtout combattue par un économiste d'une grande autorité, M. Baudrillart. Peut-être, en effet, est-elle bien exclusive. En économie politique comme ailleurs, l'idéal est le précurseur ou le flambeau de l'expérience.

Les origines italiennes (et à quelle époque un tel sujet fut-il plus opportun?) nous ont valu l'ouvrage de M. Ferrari: Histoire des révolutions d'Italie. S'il est un pays au monde dont le passé explique le présent et fasse pressentir l'avenir, c'est la Péninsule italique. C'est peut-être ce qui donne la clef du fatalisme historique auquel obéit l'auteur de cet ouvrage.- La première ques

tion que l'on se pose en ouvrant le livre, c'est de savoir pourquoi ce qui fut, dans l'antiquité, le monde romain est aujourd'hui morcelé et sans unité? C'est à l'opposition des Guelfes et des Gibelins que M. Ferrari ramène l'histoire de ce grand pays, jusqu'à nos jours toujours divisé : le pape et l'empereur, l'Eglise et l'Etat, le spirituel et le temporel, la république et la monarchie, tout enfin. Le terrain, si laborieusement exploré par Sismondi, a été fouillé ici en tous sens par l'auteur de cette savante histoire, qu'on lira avec un vif intérêt. La même curiosité fera rechercher une Page d'histoire du gouvernement représentatif en Piémont, par M. Chiala. Dans l'ouvrage de M. Ferrari on a l'histoire des divisions italiennes; dans cette Page que publie l'auteur, on voit le travail de l'humanité ou de ce qui devra l'être, sous le nom qu'il lui donne la politique italienne. Le Monde littéraire, de Turin, dirigé par M. Stéfani, a publié deux précieuses lettres de Silvio Pellico, adressées au rédacteur de l'Anthologie de Florence, M. Montani. Elles sont datées « de novembre 32 et du 14 janvier 33 (sic). Contemporaines de la publication des Mémoires, elles contiennent à ce sujet d'intéressants détails. M. A. de Latour a donné de ces deux lettres (Journal des Débats du 19 novembre) une élégante traduction.-Une autre contrée, jadis asservie comme l'Italie, et comme elle aspirant à l'indépendance, la Grèce, a aujourd'hui un historien de ses luttes. M. Spiridion Tricoupi a fait paraître le tome IV de son Histoire de la révolution grecque. L'auteur de cet important ouvrage s'arrête au moment où l'affranchissement de la Grèce se personnifie dans le choix d'un prince souverain.

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Le prince Augustin Galitzin, bien connu aussi dans les lettres françaises, consacre ses loisirs à l'exploration des origines et de ·la religion de la Russie. De là la publication de plusieurs savants ouvrages le Discours de l'origine des Russiens, de Baronius; la Relation de la rébellion de Stenko-Bazin contre le grand-duc de Moscovie; la Cosmographie moscovite, d'Ad. Thevet. Le tout éclairé par de bonnes introductions. Est-il besoin de dire que ce qui se rapporte à l'histoire du grand empire slave est du plus haut intérêt?

La littérature de la Grande-Bretagne a le privilége d'attirer les regards du monde, comme la littérature française et le mouvement intellectuel toujours en marche de l'Allemagne. — Ce qu'il y a de plus actuel au delà du détroit, l'Inde, a excité la verve de Dickens, qui, sous ce titre : The English in India, a publié une histoire qui, en retraçant les mœurs des Anglais dans l'Inde, donne tout l'attrait du roman aux causes, aux sources mêmes de la formidable insurrection qui a fait osciller cette conquête sur sa base d'argile, quand, jusqu'à ces derniers temps, on la croyait inébranlable.

Une autre publication de cette année, ayant pour titre Missionary travels and researches in South Africa (voyages des missionnaires et recherches dans le sud de l'Afrique), et dont l'auteur est le docteur Livingstone, mérite, à raison du nom même qui l'a signé, une mention spéciale. On ne saurait parler de l'Afrique sans songer tout d'abord à ce hardi voyageur, qui s'aventura avec une persévérance infatigable dans des régions inconnues. Lorsque, après seize ans d'absence, il revit sa patrie, Livingstone promit de publier le récit de ses pérégrinations. Cette promesse a été réalisée. C'est donc l'histoire de ces seize ans de voyage, d'études (bêtes fauves, mœurs, costumes, tout enfin), dans l'Afrique intérieure, que l'on trouve dans cet ouvrage : « Je vis le lion, y dit-il quelque part, décrire un demicercle et s'élancer sur moi. Il me terrassa d'un coup et m'écrasa comme un rat sous la patte d'un terrier... » Cela donne le frisson, et l'on voit qu'il vaut mieux le lire que de s'y trouver. Toutefois, hâtons-nous de le dire: Livingstone se tira de ce mauvais pas, grâce à deux balles de carabine tirées par un de ses compagnons et auxquelles le lion n'avait pas songé. Voilà pour la réalité. Dans le domaine de la fiction, on rencontre une gracieuse production que M. Alf. de Vigny prétend traduite de l'anglais, mais qui certainement est anglaise, sinon par la forme, toute française et académique. Elle est intitulée Le Chef de famille et purement écrite, comme on s'y attendait de la part de l'auteur de Stello. C'est un intérieur de famille avec les touchants épisodes qui y surviennent si fréquemment un roman anglais en un mot. Currer Bell, la célèbre romancière, a eu sa biographie :

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the Life of Charlotte Bronte by C. E. Gaskell, c'est-à-dire que l'on pourra interroger les éléments mêmes d'où sortirent Jane Eyre, Villette et Shirley, ces admirables descriptions de la jeune fille qui n'a que de l'intelligence pour lutter contre le manque de fortune et― calamité sans fond- contre l'absence de beauté. Tout cela ne pouvait être mieux rappelé que par une autre femme le biographe de Charlotte Bronte, Mme Gaskell.

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