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en avoient inventé un bien plus grand nombre; en sorte que de part et d'autre l'on s'appuyoit, nonseulement sur les passages formels de la Bible, mais aussi sur les conséquences qu'on en tiroit, et de plus sur les traditions des écrivains ecclésiastiques qui avoient précédé.

Voilà donc comme on agissoit de part et d'autre; mais de part et d'autre on avoit tort. Il ne falloit pas raisonner, mais s'attacher uniquement à la pure parole de Dieu. Tout ce qu'on pouvoit ajouter au texte de l'Ecriture n'étoit qu'un raisonnement humain; il en falloit revenir à la tradition; c'est-à-dire, selon notre auteur, aux interprétations des écrivains ecclésiastiques qui avoient précédé. Mais c'étoit là le moyen des hérétiques aussi bien que des catholiques : l'on s'appuyoit sur cela, dit. notre auteur (1), de part et d'autre. Il falloit donc encore raisonner sur cette tradition, afin de voir pour qui elle étoit ; et on revenoit au raisonnement humain que notre auteur vient de rejeter comme un moyen peu sûr d'établir la foi; et selon sa belle critique, on en vient toujours à tout détruire sans rien établir. Telle est, selon lui, la méthode qui commença du temps de saint Athanase; et ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'elle a servi de règle, ou comme il parle, de fond aux autres Pères qui ont écrit après lui contre les ariens (2).

(1) P. 91. — (2) Ibid.

CHAPITRE XXI.

Suite de la mauvaise méthode que l'auteur attribue à saint Athanase et aux Pères qui l'ont suivi.

:

LA suite d'un si beau commencement nous paroîtra dans un endroit de M. Simon, que nous avons déjà rapporté pour une autre fin Saint Basile s'étend, dit-il (1), contre Eunome sur de grands raisonnemens; la plupart de leurs disputes roulent sur des conséquences qu'ils tirent de leurs explications, en sorte qu'on y trouve plus de raisonnemens que de passages du nouveau Testament. Ce n'est donc pas l'hérétique, plutôt que le catholique, qui suit cette méthode de raisonnement, qu'on fait voir si embarrassée. Voyons quelle en sera lá fin.

Il poursuit (2): Saint Basile examine en détail un assez grand nombre de passages du nouveau Testament, qu'il résout d'une manière fort sublime et selon les principes de la dialectique. C'étoit donc, encore un coup, la méthode de saint Basile et des Pères, aussi bien que celle des hérétiques, et voici quel en est le fruit cette méthode, continue-t-il, n'est pas à la vérité toujours exacte, parce que la religion sembleroit dépendre plutôt de notre raison que de la parole de Dieu. Ainsi, tant les orthodoxes que les hérétiques, nous sont toujours représentés comme des gens dont la méthode tendoit à établir la religion sur le raisonnement, et non

(1) P. 105. — (2) P. 107.

sur la pure parole de Dieu. C'est le sentiment de l'auteur, et c'est aussi le chemin par où les sociniens, sectateurs d'Episcopius, arrivent à l'indifférence, qui jusqu'ici est le fruit que nous pouvons recueillir de la critique de M. Simon.

Il est vrai qu'il semble dire en quelques endroits, que saint Basile et les anciens orthodoxes ne se servoient de cette méthode de raisonnement que pour réfuter les hérétiques, qui étoient de grands dialecticiens par les principes qu'ils suivoient (1). Mais après tout, notre auteur ne donne point une autre méthode aux orthodoxes, et nous avons déjà remarqué que, selon lui, chaque parti, et les orthodoxes aussi bien que les hérétiques, n'avoient qu'une seule et même méthode pour établir leur doctrine, qui étoit cette méthode de raisonnement.

Il dira qu'il ne la rejette que pour en venir à une méthode plus sûre, qui est celle de la tradition, qu'en effet il fait semblant de recommander. Mais (sans répéter ici ce qu'on a déjà remarqué sur un si grossier artifice) en s'attachant seulement à l'endroit que nous avons rapporté dans le chapitre précédent, on a vu que la tradition par elle-même ne déterminoit pas plus les esprits pour les catholiques que pour les ariens. On s'en servoit de part et d'autre avec aussi peu d'utilité, et tout enfin se réduisoit à raisonner, qui est ce que blâme notre auteur. Ainsi il embrouille tout, et de quelque côté qu'on se tourne pour sortir de ce labyrinthe, on ne trouve aucun secours dans ses écrits; au contraire, il nous précipite d'autant plus inévitablement dans cet abîme

(1) P. 105, 107.

d'incertitude,

d'incertitude, que par le même moyen par lequel il a affoibli les preuves de l'Ecriture, il détruit également celles qu'on peut tirer de la tradition. Nous en avons vu le passage: Cela, dit-il (1), (la contestation inutile sous le nom de saint Athanase et d'Arius, que nous avons rapportée) nous apprend qu'il ne faut pas toujours réfuter les novateurs par l'Ecriture, autrement il n'y auroit jamais de fin aux disputes, chacun prenant la liberté d'y trouver de nouveaux sens. Voilà le principe : la preuve de l'Ecriture n'est pas concluante, parce qu'après l'Ecriture on dispute encore; et voici la conséquence trop manifeste : la preuve de la tradition ne conclut pas non plus, parce qu'on dispute encore après elle. C'est où nous mène le guide aveugle qui se présente pour nous conduire. L'Ecriture ne convainc pas : les ignorans lui laissent passer sa proposition par l'espérance qu'il donne de forcer par-là les hérétiques à reconnoître les traditions. Il vous pousse ensuite plus avant: la tradition ne conclut pas non plus; c'est à quoi vous vous trouverez encore forcé par la voie qu'il prend. En effet, il vous montre la tradition, et une tradition constante, abandonnée du temps de saint Augustin (2); une autre tradition. non moins établie, abandonnée, lorsqu'on cessa de communier les petits enfans: et sans sortir de cette matière, il vous a fait voir que c'étoit le sentiment unanime de tous les Pères, et le principe commun entre l'Eglise et les hérétiques, qu'on trouvoit dans l'Ecriture des décisions évidentes, et après cela on

(1) P. 100. — (2) Ci-dess. l. 1. chap. 1. et suiv. ch. x. et suiv.

BOSSUET. v.

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vous dit qu'on ne les y trouve pas. Tout va donc à l'abandon, et l'Eglise n'a plus de règle.

CHAPITRE XXII.

Que la méthode de M. Simon ne laisse aucun moyen d'établir la sûreté de la foi, et abandonne tout à l'indifférence.

Ce seroit un asile sûr pour les catholiques de bien établir quelque part l'infaillible autorité de l'Eglise; mais c'est de quoi on ne trouve rien dans notre auteur. Au contraire on y trouve trop clairement que dans les disputes de foi, ce n'étoit pas à l'Eglise que les Pères renvoyoient: nous venons d'en rapporter le passage (1). Le même critique qui s'en étoit servi pour achever d'embarrasser les voies du salut, a détruit encore l'autorité de l'Eglise en faisant voir qu'elle a varié dans sa croyance (2). Un esprit flottant ne trouve non plus aucune ressource dans les décisions des conciles, puisqu'on lui dit que saint Augustin ne s'est pas tenu obligé à celui de Nicée (3). Ainsi, en suivant ce guide, on périra infailliblement.

C'est un secours pour fixer l'interprétation des Ecritures que d'employer certains termes consacrés par l'autorité de l'Eglise, comme est celui de consubstantiel établi dans le concile de Nicée contre les chicanes des ariens. Mais M. Simon tâche encore de nous ôter ce refuge, en rangeant ces termes,

(1) Ci-dessus, chap. XVII. (2) Ci-dess. l. 1. chap. 1. et suiv. ch. x. et suiv. (3) Ci-dessus, chap. xix..

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