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ainsi ajoutés au texte de l'Ecriture, parmi ces conséquences humaines qu'il a rejetées. Voici ses paroles dans l'endroit que nous avons souvent cité, mais pour d'autres fins (1): Les ariens opposèrent de leur côté aux catholiques qu'ils avoient introduit dans la religion des mots qui n'étoient nullement dans les livres sacrés; saint Athanase prouva, au contraire, que les ariens en avoient inventé un bien plus grand nombre; en sorte que de part et d'autre on s'appuyoit non-seulement sur des passages formels de la Bible, mais aussi sur les conséquences qu'on en tiroit; c'est-à-dire, comme on vient de voir, nonseulement sur la parole de Dieu, mais sur la dialectique et sur des raisonnemens. Ainsi chaque secte avoit ses termes consacrés pour fixer sa religion : les catholiques en avoient; les hérétiques en avoient à la vérité un bien plus grand nombre; mais enfin il n'y alloit que du plus au moins; et afin que les catholiques ne pussent tirer aucun avantage non plus que les hérétiques, de leurs termes consacrés, M. Simon les réfute les uns après les autres par cette règle générale la règle cesse d'étre règle, aussitôt qu'on y ajoute quelque chose (2). A la vérité cette règle est employée en ce lieu contre Eunome, qui ajoutoit quelques mots à l'ancienne règle, à l'ancienne formule de foi qu'Eunomius proposoit comme la règle commune de tous les chrétiens (3). Mais que nous sert qu'il ait réfuté Eunome par un principe qui nous perce, aussi bien que lui, d'un coup mortel? S'il est permis de le poser en termes aussi généraux et aussi simples que ceux-ci de M. Simon: La règle (1) P. 91. — (2) P. 105. — (3) P. 104.

cesse d'être règle, aussitôt qu'on y ajoute quelque chose, Nicée qui y ajoute le consubstantiel a autant de tort qu'Eunome qui y ajoute d'autres termes. Et l'on ne veut pas qu'on s'élève contre un critique orgueilleux, qui dans le sein de l'Eglise, sous le titre du sacerdoce, et à la face de tout l'univers, par des principes qu'il sème deçà et delà, mais dont la suite est trop manifeste, vient mettre l'indifférence, c'està-dire, l'impiété sur le trône?

On dira que je mets moi-même les libertins dans le doute, en découvrant les moyens subtils par lesquels M. Simon les y induit, et qu'il faudroit résoudre les difficultés après les avoir relevées. Je l'avoue: mais on ne peut tout faire à la fois, et il a fallu commencer par découvrir ce poison subtil, qu'on avaleroit sans y penser dans les pernicieux ouvrages de M. Simon. Louons Dieu que ses artifices soient du moins connus. Par ce moyen les simples seront sur leurs gardes, et les docteurs attentifs à repousser le venin.

LIVRE TROISIÈME.

M. Simon, partisan et admirateur des sociniens, et en même temps ennemi de toute la théologie et des traditions chrétiennes.

CHAPITRE PREMIER.

Faux raisonnement de l'auteur sur la prédestination de Jésus-Christ: son affectation à faire trouver de l'appui à la doctrine socinienne dans saint Augustin, dans saint Thomas, dans les interprètes latins, et méme dans la Vulgate.

Nous avons encore à découvrir un autre mystère du livre de M. Simon; c'est l'épanchement, et, si ce mot m'est permis, la secrète exaltation de son cœur, lorsqu'il parle des sociniens. Il avoit trop d'intérêt à cacher cette pernicieuse disposition pour n'y avoir pas employé tout son art. Cet art consiste non-seulement à leur donner toutes les louanges qu'il peut sans se déclarer trop ouvertement; mais encore, et c'est ce qu'il a de plus dangereux, à proposer leur doctrine sous les plus belles couleurs, et avec le tour le plus spécieux qu'il lui est possible. Pendant que l'explication de leurs dogmes qui flattent les sens, est longue et accompagnée de tout ce qui est capable de les insinuer, on y trouve assez souvent des réfutations, mais foibles pour la plupart; et quelquefois un zèle si outré qu'il en devient suspect, comme est celui

des amis cachés, qui affectent, même à contre-temps, de s'opposer l'un à l'autre, pour couvrir leur intelligence.

Qui n'admireroit le zèle de notre auteur contre les erreurs de Socin? Ce critique pour établir la divinité de Jésus-Christ va plus loin que saint Augustin et que saint Thomas, qu'il reprend comme favorables à cet hérésiarque. Saint Thomas, dit-il (1), (dans son commentaire sur l'épître aux Romains) s'étend d'abord assez au long sur ces mots, QUI PRÆDESTINATUS EST FILIUS DEI IN VIRTUTE. Il paroit tout rempli de l'explication de saint Augustin et de la plupart des autres commentateurs qui l'ont suivi sur ce passage, et il enchérit même par-dessus eux. Voilà la première faute qu'il remarque dans saint Thomas, d'être rempli partout de saint Augustin, dans les endroits mêmes où il est suivi de la plupart des interprètes; et notre critique conclut ainsi : que pour être trop subtil, saint Thomas (et par conséquent saint Augustin, d'où saint Thomas a tiré son explication) semble appuyer les sentimens de Socin. C'est ainsi que M. Simon montre son zèle contre les sociniens, et il n'épargne ni saint Augustin ni saint Thomas.

On lui pourroit dire en ce lieu avec le sage: Ne soyez pas plus sage qu'il ne faut (2) : ne présumez pas de votre sagesse jusqu'à l'élever au-dessus de deux aussi grands théologiens, que tous les autres, ou, pour parler comme vous, la plupart des autres ont suivi; mais notre auteur a encore ici un autre dessein; et pour découvrir le fond de ses malheureu

(1) P. 473 et 474. — (2) Eccles. v11. 17.

ses finesses, il faut remarquer que Crellius, le plus habile des sociniens, se sert en effet de ce passage de saint Paul contre la divinité de Jésus-Christ, par cette raison, que s'il est destiné ou prédestiné par sa résurrection à être Fils de Dieu, il ne l'est donc pas par nature: il ne l'est pas éternellement, mais il est fait tel dans le temps. Tel est le raisonnement de Crellius que M. Simon rapporte au long (1). Il n'y a rien de plus pitoyable.

Titelman, dont notre critique nous rapporte l'explication (2), sur cette parole de saint Paul : JésusChrist a été prédestiné à étre Fils de Dieu (3), n'y avoit laissé aucune difficulté, lorsqu'il avoit expliqué dans sa paraphrase, que Jésus-Christ étoit celui dont il avoit été prédestiné, qu'en demeurant ce qu'il étoit (dans le temps et selon la chair) il ⚫ seroit tout ensemble le Fils de Dieu de méme puissance que son Père. Qu'y a-t-il de plus littéral et de plus net que cette interprétation de Titelman? Cependant M. Simon la rejette comme étant l'explication d'un théologien de profession, qui substitue les préjugés de la théologie en la place des paroles de saint Paul; et sans alléguer aucune raison de son mépris, il se contente de dire: Que tout le monde ne demeurera pas d'accord que ce soit là le véritable sens des paroles de l'apôtre. Assurément les sociniens, qui nient la divinité du Fils de Dieu, ne conviendront pas d'une paraphrase où elle est si clairement expliquée. Mais enfin M. Simon, malgré qu'il en ait, ne pourra s'empêcher d'en convenir. Car il faut bien qu'il avoue, puisqu'il fait profession

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