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d'être catholique, qu'il y a une incarnation, qui est une œuvre de Dieu; mais il est bien certain que Dieu n'a rien fait que ce qu'il avoit prévu et prédestiné auparavant; s'il a donc fait l'hommeDieu, cet homme-Dieu est prévu et prédestiné. Qui le peut nier? Saint Augustin a donc enseigné une vérité constante, quand il a dit (1): Jésus a été prédestiné, afin que devant être selon la chair le fils de David, il fut aussi en vertu le Fils de Dieu, qui est précisément la même chose que Titelman avoit exposée dans sa paraphrase.

Laissant donc à part Crellius et les réponses Bonnes ou mauvaises qu'a faites M. Simon à son misérable argument, et laissant encore à part toutes les disputes qu'on peut faire sur le mot grec opsis, soit qu'il veuille dire déclaré, comme il semble que quelques Grecs l'aient entendu, soit qu'il veuille dire destiné ou prédestiné, comme traduit la Vulgate selon le sens de saint Chrysostôme, et après elle saint Augustin et tous les Latins, on ne peut dire, comme fait M. Simon, que ce terme prædestinatus appuie Socin, sans avoir le dessein malicieux de lui faire trouver de l'appui dans saint Augustin, dans saint Thomas, dans tous les auteurs et commentateurs latins, et même dans la Vulgate, dont les anciens Pères se sont servis comme nous.

(1) De Prædest. Sess. 1. chap. xv.

CHAPITRE II.

Nouvelle chicane de M. Simon pour faire trouver dans saint Augustin de l'appui aux sociniens.

Voici encore un nouveau zèle de ce grand critique contre les sociniens, et toujours aux dépens de saint Augustin. Ce Père, dit-il (1), donne à saint Paul une explication qui indique que Jésus-Christ n'est pas véritablement Dieu, mais seulement par participation et qui nous éloigne d'une preuve solide de la divinité. On doit beaucoup à M. Simon qui relève saint Augustin d'une faute si capitale. Mais enfin, sur quoi est fondée une accusation si griève ? C'est, ditil, que saint Augustin en expliquant ces premiers mots de l'építrè aux Galates, PAUL APÔTRE, NON PAR LES HOMMES NI PAR L'HOMME, MAIS PAR JÉSUS-CHRIST et Dieu le PÈRE QUI L'A RESSUSCITÉ DES MORTS (2), marque l'avantage de l'apostolat de saint Paul, en ce que les autres apôtres avoient été choisis par Jésus-Christ encore mortel et tout-à-fait homme, sans que la divinité éclatât encore; au lieu que saint Paul l'avoit été par Jésus-Christ ressuscité, c'est-àdire, par Jésus-Christ tout-à-fait Dieu et entièrement immortel, TOTUM JAM DEUM ET EX OMNI PARTE IMMORTALEM (3). Quel aveugle n'entendroit pas dans cette expression de saint Augustin, que Jésus-Christ est tout-à-fait Dieu, lorsqu'il est tout-à-fait déclaré tel, et qu'il ne reste plus rien de foible ni de mor

(1) P. 257. — (2) Gal. 1. -- (3) Comm. in Epist. ad Galat. n. 2.

tel dans sa personne adorable? Mais le sévère M. Simon ne lui pardonne pas une expression sì innocente et même si noble; et toujours prêt à redresser saint Augustin, non-seulement sur la matière de la grâce, mais encore sur celle de la divinité de Jésus-Christ, il en veut paroître plus jaloux qu'un Père qui l'a défendue avec tant de force.

Mais enfin, dit ce faux critique, ce Père éloigne une preuve de la divinité de Jésus-Christ. Au contraire, il la fait valoir; lorsqu'il montre en quelle sorte l'apôtre a pu dire, que Jésus-Christ, lorsqu'il l'appelle du haut du ciel, n'étoit plus un homme mortel, mais qu'il étoit pleinement déclaré Dieu; et il n'y avoit point d'autre moyen de prouver, par ce passage de saint Paul, la divinité de Jésus-Christ.

Le critique continue, et il objecte à saint Augustin qu'il a dit : TOTUM JAM DEUM : Jésus-Christ ressuscité est tout-à-fait Dieu, ce qui nous marque que dans les jours de sa vie mortelle, il ne l'étoit qu'en partie. Chicaneur, ne voyez-vous pas que cette totalité dont parle ce saint docteur, n'est que la totalité de la manifestation; et si saint Augustin doit être repris d'avoir parlé de cette sorte, il faut donc reprendre aussi ceux qui chantent à Jésus-Christ, dans l'Apocalypse, après sa résurrection : L'Agneau qui a été immolé est digne de recevoir la force, la divinité, la sagesse et la puissance (1), comme s'il n'avoit pas toujours eu cette force, cette sagesse, cette puissance et même la divinité, selon la leçon présente de notre Vulgate : il faut reprendre JésusChrist même, lorsqu'il dit: Mon Père, je retourne (1) Apocal. v. 12.

à vous (1) et encore donnez-moi la gloire dont je jouissois dans votre sein devant que le monde fút: M. Simon lui devroit dire qu'il ne parle pas correctement, puisqu'il n'avoit jamais été privé de cette gloire, et qu'il avoit toujours été avec son Père.

Le critique s'oublie lui-même et la bonne foi, jusqu'à tirer avantage de ce que saint Augustin, dans ses Rétractations (2), a retouché ces paroles de son Commentaire sur l'épître aux Galates, et que reconnoissant son expression comme peu exacte, il a táché de l'adoucir. Il se trompe, saint Augustin ne change rien, il n'adoucit rien, son explication étoit correcte; mais parce qu'il prévoyoit que des chicaneurs ou des ignorans pourroient abuser de ses paroles, ce Père qui dans ses Rétractations pousse, comme on sait, jusqu'au scrupule l'examen qu'il fait de lui-même, va au-devant des plus légères difficultés, jusqu'à n'y vouloir laisser aucune ouverture, pas la moindre; et sous un si mauvais pretexte, viendra un téméraire censeur avec une fausse ́ critique et une aussi fausse sévérité, pour lui reprocher qu'il a lui-même reconnu qu'il ne parloit pas exactement. N'est-ce pas là faire un beau profit des précautions et de la prudence d'un si grand homme?

CHAPITRE III.

Affectation de M. Simon à étaler les blasphemes des sociniens, et premièrement ceux de Servet.

MAIS parlons d'un peu plus près à M. Simon, et voyons si ce grand anti-socinien, qui renchérit sur (1) Joan. XVII. — (2) Retract. l. 1. c. 24.

le zèle de saint Augustin et de saint Thomas, soutient partout son caractère. Je lui demande quel esprit l'a pu porter à nous donner une si ample explication de la méthode des nouveaux anti-trinitaires? Pourquoi ce détail si exact, si étudié de leurs dogmes, de leurs preuves, de leurs solutions, qui fait à proportion du reste du livre une des plus longues parties, et sans doute la plus recherchée de tout l'ouvrage ? C'est une entreprise qui jusqu'ici n'avoit point d'exemple; et cette curieuse déduction de tant d'erreurs, sans dessein de les réfuter, n'en peut être qu'une dangereuse et secrète insinuation. Pourquoi, par exemple, se donner la peine d'exposer le détail des disputes de Servet contre la divinité de Jésus-Christ? Quel bien peut-il arriver à ses lecteurs de la connoissance qu'il leur donne des argumens et des réponses de cet impie? et pourquoi employer à ce détail plus de temps qu'il n'en a donné à saint Athanase et à saint Basile? Que servoit d'étaler tous les embarras que trouve cet hérétique dans le mot de personne usité dès l'origine du christianisme, et si nécessaire à démêler le dogme de la Trinité des chicanes de ses adversaires? Est-ce assez de répondre en général (1) qu'il a fallu donner de nouveaux sens à plusieurs mots pour expliquer avec plus de netteté les mystères de la religion? Si l'on n'en dit pas davantage, on autorise Servet à donner aussi à ce mot son nouveau sens, qui réduit tout le mystère de la Trinité à diverses apparitions extérieures d'une seule et même personne. Pourquoi donner toutes ces idées? ignore-t-on combien dangereux sont les piéges

(1) P. 822.

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