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sujet, que je viens de réserver pour la fin de cet ouvrage, mais seulement pour montrer dans le procédé de l'auteur un mépris manifeste de la tradition qu'il fait semblant de vouloir défendre. Je dis donc avant toutes choses que M. Simon ne craint point d'accuser saint Augustin sur cette matière (1), d'étre l'auteur d'un nouveau systéme, de s'étre éloigné des anciens commentateurs, et d'avoir inventé des explications dont on n'avoit point entendu parler auparavant.

Voilà comme il traite celui qu'il appelle en même temps le docteur de l'Occident, et il semble qu'il ne le relève que pour avoir plus de gloire à l'attérer. Son ignorance est extrême, aussi bien que sa témérité. S'il avoit lu seulement avec une médiocre attention les livres de ce saint docteur, il l'auroit toujours yu attaché à la doctrine qu'il avoit trouvée, comme il dit lui-même, très-fondée et trèsétablie dans toute l'Eglise. Il n'y a aucune partie de son systême, puisqu'il plaît à notre auteur de parler ainsi, que ce grand homme n'ait appuyée par le témoignage des Pères, ses prédécesseurs, et des Grecs comme des Latins, où il ne les suive, pour ainsi dire, pas à pas, et qu'il ne trouve très-solidement et très-invinciblement établie dans les sacremens de l'Eglise et dans toutes les prières de son sacrifice.

M. Simon cependant l'accuse d'être un novateur : c'est ce qu'il avance dans sa préface : c'est ce qu'il soutient dans tout son livre, où, à vrai dire, il n'a en butte que saint Augustin. Il en revient à toutes

(1) Préf.

les pages aux nouveautés de ce Père, à ses opinions particulières auxquelles il accommode le texte sacré. Il ne songe qu'à le rendre auteur des sentimens les plus odieux, comme de ceux de Luther et de Calvin. Il affecte de dire partout que ces impies, qui font Dieu cause du péché, et Wiclef qui est l'auteur de ce blasphême, regardoient saint Augustin comme leur guide, sans avoir pris aucun soin de leur montrer qu'ils se trompent, et même sans l'avoir dit une seule fois; en sorte que nous pouvons dire que tout son ouvrage est écrit directement

contre ce saint.

CHAPITRE II.

Que M. Simon se condamne lui-méme, en avouant que saint Augustin, qu'il accuse d'étre novateur, a été suivi de tout l'Occident.

Il ne sera pas malaisé de le réfuter; mais en attendant que j'entreprenne une si facile et si nécessaire réfutation, il est bon de faire voir, en un mot, que ce téméraire censeur se réfute lui-même le premier. Car en attaquant si hardiment ce saint docteur (1), il est forcé d'avouer en même temps qu'il est le docteur de l'Occident, et que c'est à sa doctrine que les théologiens latins se sont principalement attachés ; ce qui s'entend, de son aveu propre, de ce qu'il a enseigné sur la matière de la grâce, plus encore, sans comparaison, que de tout le reste; car c'est à

(1) Préf.

à l'occasion de cette matière, que notre auteur demeure d'accord, que saint Augustin étoit devenu l'oracle de l'Occident (1). Voici donc le prodige qu'il enseigne: Qu'une nouveauté, une opinion particulière, une explication de l'Ecriture dont on n'avoit jamais entendu parler, et encore une explication dure et rigoureuse, comme l'appelle M. Simon à toutes les pages, a gagné d'abord tout l'Occident.

Je n'en veux pas davantage, et sans ici disputer pour saint Augustin contre son accusateur, j'appelle son accusateur insensé devant l'Eglise d'Occident, à qui il fait suivre la doctrine d'un novateur, sans songer qu'avec l'Eglise d'Occident, il accuse d'innovation toute l'Eglise catholique, qu'elle a maintenant comme renfermée dans son sein. Mais afin qu'on pénètre mieux l'attentat de ce critique, non pas contre saint Augustin, mais contre l'Eglise, il faut tirer de son livre une espèce d'histoire abrégée des approbations de la doctrine de ce Père.

CHAPITRE III.

Ilistoire de l'approbation de la doctrine de saint Augustin, de siècle en siècle, de l'aveu de M. Simon. En passant, pourquoi cet auteur ne parle point de saint Grégoire.

PREMIÈREMENT il lui donne en général pour approbateur tout l'Occident : et il est certain que ses livres contre Pélage, et en particulier ceux de la (1) P. 337.

Prédestination et de la Persévérance, n'eurent pas plutôt paru, qu'on y reconnut une doctrine céleste. Tout fléchit, à la réserve de quelques prêtres d'un petit canton de nos Gaules. On sait que le pape saint Célestin leur imposa silence. Fauste de Riez s'éleva un peu après contre la doctrine de saint Augustin son savoir, son éloquence, et la réputation de sainteté où il étoit, n'empêchèrent pas que ses livres ne fussent flétris par le concile des saints confesseurs relégués d'Afrique en Sardaigne, et même par le pape saint Gelase, et par le pape saint Hormisdas, avec une déclaration authentique de ce dernier pape (1) Que ceux qui voudroient savoir la foi de l'Eglise romaine sur la grâce et le libre arbitre, n'avoient qu'à consulter les livres de saint Augustin, et particulièrement ceux qu'il avoit adressés à Prosper et à Hilaire; c'est-à-dire, ceux conet'à tre lesquels les ennemis de ce Père s'étoient le plus élevés. Ainsi l'on ne peut nier que la doctrine de saint Augustin, et en particulier celle qu'il avoit expliquée dans les livres de la Prédestination et de la Persévérance, ne fût tout au moins, et pour ne rien dire de plus, sous la protection particulière de l'Eglise romaine. On ne niera pas non plus que pape saint Grégoire, le plus savant de tous les papes, ne l'ait suivi de point en point, et avec autant de zèle que saint Prosper et saint Hilaire. J'ai remarqué que M. Simon a évité de parler de ce saint pape, quoiqu'il dût avoir un rang honorable parmi les commentateurs du nouveau Testament, et il ne peut y en avoir d'autre raison, si ce n'est que d'un (1) Epist. ad Poss.

le

côté, ne pouvant nier qu'il n'eût été le défenseur perpétuel de la doctrine de saint Augustin, d'autre côté il n'a osé faire paroître que cette doctrine, qu'il vouloit combattre, eût eu un tel défenseur dans la chaire de saint Pierre. Après donc avoir passé par-dessus un si grand homme, il nomme au siècle suivant le vénérable Bède, qui, selon lui (1), s'est rendu recommandable, non seulement dans la Grande-Bretagne, mais encore dans toutes les Eglises d'Occident, et qui non-seulement faisoit profession de suivre saint Augustin, mais encore ne faisoit, pour ainsi dire, que le copier et que l'extraire. Pierre de Tripoli, plus ancien que Bède, et plus estimé que lui par notre auteur (2), a publié un commentaire sur les épîtres de saint Paul, dans lequel il se glorifie de n'avoir fait que transcrire par ordre ce qu'il a trouvé dans les OEuvres de saint Augustin: ce qui est vrai, principalement de ce qu'il a dit sur la matière de la prédestination et de la grâce, comme tout le monde sait. Alcuin, le plus savant homme de son siècle, et le maître de Charlemagne, de l'aveu de M. Simon (3), suit saint Augustin et Bède şur l'Evangile de saint Jean, où la matière de la grâce revient si souvent; et si notre auteur ajoute (4) qu'en s'attachant au sens littéral, il ne fait pas toujours le choix des meilleures interprétations, c'est à cause, poursuit-il, qu'il est prévenu de saint Augustin. On l'étoit donc dès ce temps, et ceux qui l'étoient le plus étoient les maîtres des autres, et les plus grands hommes. Quand notre auteur fait dire à Claude de Turin (5) que saint Au(1) P. 33g. — (2) P. 344. — (3) P. 348. — (4) Ibid. -(5) P. 359.

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