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cette parole maligne, comme celle des médisans, sera un moyen de l'insinuer et un art de la répandre. Il ne suffit pas, après l'avoir répétée, de dire en passant et très-froidement que l'Evangile y est contraire, ce que personne n'ignore, et que vous n'appuyez d'aucune preuve. Ce n'est pas ainsi qu'il faut rejeter les idées qui flattent les sens; il faut ou s'en taire ou les foudroyer.

CHAPITRE XIII.

La méthode de notre auteur à rapporter les blasphemes des hérétiques est contraire à l'Ecriture et à la pratique des saints.

Pour moi, je ne comprends pas comment M. Simon a osé répéter tant d'impiétés et tant de blasphêmes sans aucune nécessité, le plus souvent sans réfutation, et toujours, lorsqu'il les réfute, en le faisant très-foiblement et par manière d'acquit. Dieu commandoit de lapider le blasphémateur hors du camp (1), pour en abolir la mémoire et celle de ses blasphêmes. Lorsqu'on accusa Naboth, d'avoir maudit Dieu et le Roi (2), on n'osa point répéter le blasphême qu'on lui imputoit, et on en changea, selon la phrase hébraïque, le terme de malédiction, en l'exprimant par son contraire. Saint Cyrille d'Alexandrie, écrivant contre Julien l'Apostat, déclare qu'il en rapporte tout l'écrit pour le réfuter, à la réserve de ses blasphêmes contre Jésus-Christ. Ainsi l'esprit de ce Père étoit que nous eussions une réponse à (1) Levit. XXIV. 14. — (2) III. Reg. xxi. 10.

BOSSUET. v.

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cet apostat, sans en avoir les blasphêmes, et l'esprit de M. Simon est que nous ayons les blasphêmes, sans réfutation.

Pour tout remède contre les écrits des sociniens, il dit à la fin (1), que s'il n'étoit pas obligé de renfermer dans un seul volume ce qu'il a à dire sur leur sujet, il auroit examiné plus à fond les raisons sur lesquelles ils appuient leurs nouveautés, ce qu'on pourra, dit-il, exécuter dans une autre occasion. En attendant, nous aurons tout le poison de la secte, dans l'espérance que M. Simon pourra, dans la suite, non point réfuter ni convaincre, car ce seroit se trop déclarer, mais examiner plus à fond les raisons dont ils soutiennent leurs nouveautés : ce qui leur donne autant d'espérance qu'aux catholiques. Le terme de nouveautés dont on qualifie leurs opinions ne fait rien, puisqu'on en dit bien autant de celles de saint Augustin, qu'on ne prétend pas pour cela proposer comme condamnables, et nous avons tout sujet de craindre que si ce qu'a dit M. Simon est pernicieux, ce qu'il promet ne le soit encore davantage.

CHAPITRE XIV.

Tout l'air du livre de M. Simon inspire le libertinage et le mépris de la théologie, qu'il affecte partout d'opposer à la simplicité de l'Ecriture.

OUTRE les passages particuliers qui appuient ouvertement les sociniens, tout l'air du livre leur est

(1) P. 872.

favorable, parce qu'il inspire une liberté, ou plutôt une indifférence qui affoiblit insensiblement la fermeté de la foi. Ce n'est point cette force des saints Pères, qui sans rien imputer aux hérésies qui ne leur convienne, découvrent dans leurs caractères naturels quelque chose qui fait horreur. M. Simon, au contraire, par une fausse équité, que les sociniens ont introduite, ne veut paroître implacable envers aucune opinion, et paroît vouloir contenter tous les partis. Il inspire encore partout une certaine simplicité que les mêmes sociniens ont tâché de mettre à la mode. Elle consiste à dépouiller la religion de ce qu'elle a de sublime et d'inpénétrable, pour la rapporter davantage au sens humain. Dans cet esprit il ne fait paroître que du dégoût et du dédain pour la théologie, je ne dis pas seulement pour la théologie scolastique, qu'il méprise au souverain degré, mais pour toute la théologie en général; ce qui est encore une partie de cet esprit socinien qu'il a fait régner dans tout son livre.

Pour l'entendre, il faut remarquer que dans son style le littéral est opposé au théologique. Par exemple, il blâme Servet de s'être attaché à réfuter, certains passages dont se servoit Pierre Lombard, sans considérer, dit-il (1), que les anciens docteurs de l'Eglise ont appliqué à la Trinité certains passages plutôt par un sens théologique que littéral et naturel; comme si la théologie, c'est-à-dire, la contemplation des mystères sublimes de la religion n'étoit pas fondée sur la lettre et sur le sens naturel de l'Ecriture, ou que les sens qu'inspire la théo

1) P. 821.

logie fussent forcés et violens, et que ce fussent choses opposées d'expliquer théologiquement l'Ecriture, et de l'expliquer naturellement et littéralement. C'est ce qu'il inculque en un autre endroit d'une manière encore plus forte, lorsqu'en parlant de saint Augustin, il ose dire (1): Qu'il se faut précautionner contre lui, en lisant dans ses écrits plusieurs passages du nouveau Testament, qu'il a expliqués par rapport à ses opinions sur la grâce et sur la prédestination; ce qu'il conclut en disant: Que ses explications sont plutôt théologiques que littérales; ce qui est dans le style de cet auteur le comble de ce qu'on peut dire pour les décrier. C'est le langage ordinaire de notre critique, et on lè trouvera semé dans tout son livre.

Ainsi, l'idée qu'il attache aux explications théologiques est d'avoir je ne sais quoi de subtil et d'alambiqué, qui s'écarte du droit sens des livres saints, qui par conséquent doit être suspect, puisqu'il se faut précautionner contre. C'est ce qu'il attribue perpétuellement à saint Augustin, qui est devenu l'objet de son aversion, parce qu'on trouve dans ses écrits, plus peut-être que dans tous les autres, cette sublime théologie qui nous élève au-dessus des sens et nous introduit plus avant dans le cellier de l'Epoux; c'est-à-dire, dans la profonde et intime contemplation de la vérité.

(1) P. 291.

CHAPITRE XV.

Suite du mépris de M. Simon pour la théologie: celle de saint Augustin et des Pères contre les ariens méprisée : M. Simon qui prétend mieux expliquer l'Ecriture qu'ils n'ont fait, renverse les fondemens de la foi, et favorise l'arianisme.

Les endroits où M. Simon fait le plus semblant de louer la théologie, et sous le nom de théologie la doctrine même de la foi, sont ceux où par de sourdes attaques il travaille le plus à sa ruine. En parlant encore de saint Augustin et de ses traités sur saint Jean: Il y établit, dit-il (1), plusieurs beaux principes de théologie, et c'est ce qu'on y doit plutôt chercher que l'interprétation de son Evangile. Ainsi, les principes de la théologie sont quelque chose de séparé de l'interprétation de l'Evangile : c'est une production de l'esprit humain, plutôt que le fruit naturel de l'intelligence du texte sacré. Remarquez qu'il s'agit ici de ces beaux principes de théologie, par lesquels saint Augustin concilie avec l'origine et la mission du Fils de Dieu sa divinité éternelle. Au lieu que ces grands principes de saint Augustin font la principale partie du sens littéral de l'évangile de saint Jean, et en font le plus pur esprit, M. Simon les fait voir comme distingués du sens de cet évangile. Encore s'il nous avoit dit quelque part, que par le sens de l'Evangile, ou par le sens de la lettre, il entend celui qu'on appelle le gram(1) P. 210, 250.

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