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veau Testament, qui n'est pas moins digne de lui que le premier; c'est un ample Commentaire sur toutes les épîtres de saint Paul. Arrêtons-nous un moment. On attribue. M. Simon sauroit-il quelqu'un qui ôtât ce livre à saint Thomas? Cela jusqu'ici n'est pas venu à la connoissance des hommes; mais les critiques découvrent par leur art des choses que les autres ne soupçonnent pas. Passons sur ces vanités, venons au fond. On attribue donc à saint Thomas un Commentaire sur saint Paul, où il fait paroître beaucoup d'érudition. Le fond de ce livre est pris des Pères et des autres commentateurs qui l'ont précédé; mais il en rapporte plutôt le sens que les paroles. Jusqu'ici il paroît le vouloir louer; mais c'est par-là qu'un fin détracteur introduit sa maligne critique, et il tourne tout court en disant : Sa méthode étant de raisonner sur les matières de

la religion (remarquez ce style), il a mélé plusieurs leçons de son art dans ses explications, qui deviendront par conséquent fort théologiques; c'està-dire, peu véritables, aussi bien que peu littérales, selon le langage de M. Simon; et c'est pourquoi il conclut ainsi : En un mot son Commentaire sur saint Paul est l'ouvrage d'un habile théologien, mais scolastique. Remarquez encore: ce n'est pas absolument un habile théologien, c'est un habile théologien scolastique, qui, poursuit-il, traite un grand nombre de questions qui ne sont guère d'usage que dans les écoles, et qui éloignent même quelquefois du vẻritable sens de saint Paul. Voilà où notre auteur en vouloit venir; c'étoit à insinuer qu'un théologien scolastique est né pour éloigner du vrai sens

de

de l'Ecriture, et que c'est en quoi consiste son habileté. C'est pourquoi il donne d'abord cette idée vague de saint Thomas, et sous le nom de saint Thomas des théologiens scolastiques : que leur méthode est de raisonner sur les matières de religion; comme si cela leur étoit particulier. Quoi qu'il en soit, saint Thomas est un raisonneur sur la religion, et encore sans distinguer qu'il y a là du bien et du mal, du bien à raisonner pour l'éclaircir, du mal à raisonner, ou pour en douter, ou pour en venir à des discussions trop curieuses. Mais il n'en demeure pas là. Il vouloit mener son lecteur au mépris de la scolastique, pour le pousser plus avant encore; c'est-à-dire, jusqu'au mépris de la théologie plus ancienne de saint Augustin et des Pères; et pour cela il ajoute C'est sur ce pied-là (sur le pied d'un habile théologien scolastique qui éloigne du vrai sens de l'Ecriture et de saint Paul). C'est donc, dit-il (1), sur ce pied-là que saint Thomas s'étend d'abord assez au long sur ces mots de l'épitre aux Romains, QUI PRÆDESTINATUS EST FILIUS DEI. Il paroít tout rempli de l'explication de saint Augustin et des autres commentateurs, qui veulent que JésusChrist soit prédestiné. Car il en revient souvent là; et la prédestination de Jésus-Christ, qui doit faire la consolation des fidèles, est l'objet de son aversion. Mais sans entrer maintenant dans cette dispute, on voit par cet exemple, que M. Simon n'attaque pas seulement la théologie scolastique, mais sous le nom de la scolastique, la théologie de saint

(1) P. 473, 474

BOSSUET. V.

II

Augustin, quoiqu'elle soit celle des autres commen

tateurs.

Au reste, c'est à cet auteur téméraire un argument contre saint Thomas d'avoir suivi saint Augustin: c'est de quoi lui faire blâmer la théologie de ce chef de l'Ecole. Pour être bon théologien au gré de M. Simon, il eût fallu comme lui mépriser saint Augustin, l'abandonner principalement sur l'épître aux Romains et sur cette haute doctrine de la grâce et de la prédestination, qui est née pour attérer l'orgueil humain; c'est ce que M. Simon inculque : il falloit enfin commencer par assurer que JésusChrist, qui est le chef et le modèle des prédestinés, n'a point été prédestiné lui-même; c'est-à-dire, que le mystère de l'incarnation n'a été ni prévu, ni défini, ni préordonné, ni prédestiné de Dieu; ce qui n'est pas seulement une impiété, mais encore une absurdité manifeste, comme il a déjà été dit.

CHAPITRE XVIII.

Historiette du docteur d'Espense, relevée malicieusement par l'auteur, pour blámer Rome et mépriser de nouveau la théologie, comme induisante à l'erreur.

Voici encore sous le nom du docteur d'Espense un trait de malignité contre la théologie ou plutôt contre la religion. Il nous apprend, dit-il (1), qu'un gentilhomme romain, qui n'étoit pas ignorant, lui disoit souvent, que ceux de son pays avoient un

(1) P. 593.

grand éloignement de l'étude de la théologie, de peur de devenir hérétiques; qu'ils s'appliquoient seulement au droit civil et au droit canon, qui leur ouvroit le chemin dans la rote, pour parvenir aux évéchés, au cardinalat, et aux plus grandes nonciatures. On m'avouera que ni le discours de ce gentilhomme, ni le récit de d'Espense ne servoit de rien à la critique, si ce n'est à celle qui fait les moqueurs, qui se livrent à l'esprit de dérision tant réprouvé dans l'Ecriture, sans même épargner la religion et l'Eglise. Cette remarque de M. Simon n'est bonne qu'à faire penser aux libertins, qu'en étudiant la théologie, c'est-à-dire, en approfondissant la doctrine chrétienne, on s'en dégoûte et on devient hérétique que c'est là le sentiment de l'Italie et de Rome même, et que toute l'étude de ce pays-là n'est que politique et intérêt. Peut-on faire une plus sanglante et plus insolente satyre, je ne dirai pas seulement de Rome, mais encore de la religion et de la foi? Mais de peur qu'on ne s'imagine que cette satyre de notre critique ne regarde Rome que pour le temps de d'Espense, ce moqueur continue en cette sorte: Je me trompe fort si cet esprit ne règne encore présentement à Rome, et même dans toute l'Italie. Tout le monde y est dans l'esprit de ce prétendu gentilhomme de d'Espense. Que les sociniens, que les protestans seront contens de M. Simon: qu'il sait flatter agréablement leur goût et cet esprit de satyre qui les a poussés dans le schisme. Cependant ce satyrique malin fait cette morsure en jouant. Ce n'est pas lui, c'est d'Espense, c'est un gentilhomme qui n'étoit pas ignorant; car il en fal

loit encore marquer ce petit éloge, afin que ses sentimens fussent mieux reçus; et pour conclusion, une satyre si mordante se tourne en forme d'avertissement par ces dernières paroles : Peut-être, continue M. Simon, seroit-il à désirer qu'en France les personnes de qualité, qui sont élevées aux plus grandes dignités de l'Eglise, étudiassent un peu moins de théologie scolastique, et qu'ils s'appliquassent davantage à l'étude du droit et de la pratique des affaires ecclésiastiques. C'est ainsi qu'après avoir satisfait à sa malignité, il fait encore semblant de vouloir servir ceux qu'il déchire, et entrer dans leur sentiment.

Au reste, s'il agissoit avec un peu de sincérité et de bonne foi, après avoir attaqué obliquement à sa manière la théologie scolastique, il n'auroit pas tourné tout court à la pratique et au droit; il auroit marqué du moins en un mot à ces gens de qualité, qu'il veut instruire pour la prélature, qu'il y a une théologie encore plus nécessaire aux prélats que tous les canons, qui est celle de l'Ecriture et des Pères, à moins qu'on ne mette, avec notre auteur, l'étude de l'Ecriture aussi bien que celle des Pères uniquement dans la critique.

CHAPITRE XIX.

L'auteur, en parlant d'Erasme, continue de mépriser la théologie, comme ayant contraint l'esprit de la religion.

On voit encore une belle idée de la scolastique, et de toute la théologie en général dans la remarque

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