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gustin étoit le prédicateur de la grdce, il auroit pu remarquer que ce n'est pas seulement ce fameux chef des iconoclastes d'Occident, qui a donné ce titre à saint Augustin, mais encore tous les docteurs qui ont écrit depuis l'hérésie de Pélage. En un mot, dit M. Simon (1), saint Augustin étoit le grand auteur de la plupart des moines de ce temps-là. Il pouvoit dire de tous, à la réserve de ceux qui, en s'éloignant de saint Augustin sur cette matière, s'éloignoient en même-temps des vrais sentimens de la foi, comme nous verrons. Au reste, qui dit les moines, ne dit pas des gens méprisables, comme notre auteur l'insinue en beaucoup d'endroits, mais les plus savans et les plus saints de leur temps, et comme il les appelle lui-même, les maîtres de la science en Occident (2).

Les auteurs qu'on vient de nommer, étoient du septième et du huitième siècle. Au neuvième s'éleva la contestation sur le sujet de Gotescalc, et encore que le crime dont on accusoit ce moine, fut d'avoir outré la doctrine de la prédestination et de la grâce, les deux partis convenoient, non seulement de l'autorité, mais encore de tous les principes de saint Augustin; et sa doctrine ne parut jamais plus inviolable, puisqu'elle étoit la règle commune des deux partis.

Pour venir au siècle onzième (puisque dans le dixième on ne nomme point de commentateurs), M. Simon fait mention d'un commentaire publié sous le nom de saint Anselme, quoiqu'il ne soit point de ce grand auteur, et dit-il (3): Tout ce (1) P. 360. · (2) P. 353. — (3) P. 387.

commentaire est rempli des principes de la théologie de saint Augustin, qui a été le maître des moines d'Occident, comme saint Chrysostome l'a été des commentateurs de l'Eglise orientale. On peut donc tenir pour certain que les autres auteurs célèbres étoient attachés à ce Père, et il seroit inutile d'en marquer les noms; mais on ne peut taire saint Anselme et saint Bernard, deux docteurs si célèbres, encore que M. Simon n'en ait point parlé. Or il est constant qu'ils étoient tous deux grands disciples de saint Augustin, et que saint Bernard a transmis le plus pur suc de sa doctrine sur la grâce et le libre arbitre dans le livre qu'il a composé sur cette matière.

Quand M. Simon vient à saint Thomas, il avoue que saint Augustin a été le maître de ce maître des scolastiques, ce qui aussi est incontestable et avoué de tout le monde. Nicolas de Lyra, dit-il (1), suit ordinairement saint Augustin et saint Thomas, qui étoient les deux grands maîtres des théologiens de son temps. Il y a long-temps que cela dure, puisqu'après avoir vu ce respect profond pour la doctrine de saint Augustin commencer depuis le temps de ce Père, nous en sommes au siècle où vivoit Nicolas de Lyra, ce docte religieux franciscain; c'est-à-dire, comme le remarque notre auteur (2), au commencement du quatorzième siècle. Encore du temps d'Erasme, on ne pouvoit lui pardonner le mépris qu'il avoit pour saint Augustin (3). Il n'y avoit presque que saint Augustin qui fút entre les mains des théologiens, et il est même (1) P. 477. — (2) Ibid. (3) P. 530.

encore

encore à présent leur oracle (1), sans que les censures de M. Simon lui puissent faire perdre ce titre.

CHAPITRE IV.

Autorité de l'Eglise d'Occident. S'il est permis à M. Simon d'en appeler à l'Eglise orientale. Julien le pélagien convaincu par saint Augustin dans un semblable procédé.

CONTRE une si grande autorité de tout l'Occident, M. Simon nous appelle à l'Eglise orientale, comme plus éclairée et plus savante. C'est de quoi je ne conviens pas. Mais sans commettre ici les deux Eglises, et sans vouloir contredire nos critiques, qui s'imaginent qu'ils paroissent plus savans en louant les Grecs, je répondrai à M. Simon ce que saint Augustin répondit à Julien qui, comme lui, rabaissoit l'autorité de l'Eglise occidentale (2): Je crois

que cette partie du monde vous doit suffire, où Dieu a voulu couronner d'un très-glorieux martyre le premier de ses apôtres, par où il a établi dans l'Occident la principauté de la chaire apostolique, comme lui-même il l'explique ailleurs en tant d'endroits. Que répondra M. Simon à une aussi grande autorité que celle de l'Eglise occidentale, qui a l'Eglise romaine à sa tête, la mère et la maîtresse de toutes les Eglises? Peut-on nier que cette partie du monde doive suffire à M. Simon aussi bien qu'à Julien, et

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d'autant plus à M. Simon qu'à Julien, que toute l'Eglise catholique s'est enfin depuis renfermée dans l'Occident? Ainsi l'autorité de l'Occident, selon lui si favorable à saint Augustin et à sa doctrine, suffiroit pour réprimer ses censures; et lorsqu'il nous menace de l'Orient, à l'exemple des pélagiens', après que tout l'Occident se fut déclaré contr'eux, nous continuerons à lui dire ce que le même saint Augustin dit encore à Julien dans le même endroit : C'est en vain que vous en appelez aux évêques d'Orient, puisqu'ils sont sans doute chrétiens, et que leur foi est la nôtre, parce qu'il n'y a dans l'Eglise qu'une méme foi. C'est donc en vain que vous alléguez la doctrine des anciens Pères d'Orient, comme si elle étoit contraire à celle de saint Augustin, que l'Occident approuvoit; vous commettez les deux Eglises; vous faites voir de la partialité dans le corps de JésusChrist contre la doctrine de l'apôtre, qui au contraire y fait voir un parfait consentement de tous les membres; et sans encore entrer dans la discussion des sentimens des Pères grecs, il vous doit suffire que vous êtes né en Occident; que c'est en Occident que vous avez été régénéré par le baptême : ne méprisez donc pas l'Eglise où vous avez été baptisé. C'est ce que saint Augustin disoit à Julien, et nous en disons autant à M. Simon.

CHAPITRE V.

Idée de M. Simon sur saint Augustin, à qui il fait le procès comme à un novateur dans la foi, par les règles de Vincent de Lerins : tout l'Occident est intéressé dans cette censure.

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Il ne nous écoute pas, et il importe de bien remarquer l'idée qu'il donne partout de saint Augustin, et qu'il donne par conséquent de tout l'Occident, qui l'a suivi. Pour trouver cette belle idée de M. Simon, il n'y a qu'à ouvrir son livre en quelqu'endroit qu'on voudra, et dès le commencement on trouvera qu'en rapportant un passage de la Philocalie d'Origène, il déclare que ceux qui ont d'autres sentimens de la prédestination, favorisent l'hérésie des gnostiques et détruisent avec eux le libre arbitre (1); et pour ne point laisser en doute qui sont ceux à qui il en veut, il ajoute ces paroles: Cette doctrine étoit nonseulement d'Origène, de saint Grégoire de Nazianze et de saint Basile, qui ont publié la Philocalie, mais généralement de toute l'Eglise grecque, ou plutôt DE TOUTES LES EGLISES DU MONDE avant saint Augustin, qui auroit peut-être préféré à ses sentimens UNE TRADITION SI CONSTANTE, s'il avoit lu avec soin les ouvrages des écrivains ecclésiastiques qui l'ont précédé.

Voilà saint Augustin un insigne novateur, qui a changé la doctrine de toutes les Eglises du monde, qui s'est opposé à une tradition constante, et qui, pour n'avoir pas lu avec assez d'attention les ou

(1) P. 77.

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