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l'Eglise, ont dans l'esprit un certain travers qui les suit partout, et qui rend leurs sentimens suspects, même hors le cas de leur erreur particulière.

CHAPITRE II.

Le critique fait saint Chrysostome nestorien: passage fameux de ce Père dans l'homélie 111 sur l'épure aux Hébreux, où M. Simon suit une traduction qui a été rétractée comme infidèle par le traducteur de saint Chrysostome, et condamnée par M. l'archevéque de

Paris.

LE malheureux attachement de notre critique à décrier la doctrine et la tradition de l'Eglise, le porte non-seulement à rapporter (1) sans nécessité ce fameux passage de saint Chrysostôme dans la troisième homélie sur l'épître aux Hébreux, où l'on tâche de nous faire accroire qu'il favorisoit l'hérésie de Nestorius, mais encore à lui donner le plus mauvais tour qui soit possible, en le faisant parler de Jésus-Christ comme s'il avoit reconnu en lui deux personnes. C'étoit une expression bien formellement hérétique; mais de peur qu'on ne la remarquât pas assez dans ce passage, l'auteur qui le traduit infidèlement, après l'avoir rapporté, continue en cette sorte: Nestorius n'auroit pu parler plus clairement des deux personnes de Jésus-Christ qu'il faisoit répondre à ses deux natures. Voilà donc saint Chrysostôme, pour ainsi parler, aussi nestorien que Nes

(4) P. 189.

torius lui-même; et pour insinuer la raison pour laquelle ce Père, aussi bien que Nestorius, avoit mis deux personnes en Jésus-Christ, l'auteur ajoute incontinent, que lorsque les sectateurs de Nestorius s'opposèrent aux orthodoxes, ils n'établirent la nécessité qu'il y avoit de mettre deux personnes en Jésus-Christ, que parce qu'il paroissoit qu'on ne le pouvoit nier, qu'on ne niát ses deux natures.

lui

S'il disoit qu'il leur paroissoit, ce seroit en quelque sorte marquer leur erreur; mais dire qu'il paroissoit en général, c'est vouloir attribuer de la vraisemblance à leur sentiment. Tout ce que l'auteur en dit ici sans nécessité, n'est qu'une adresse pour donner le tour le plus apparent qu'il lui est possible, et tout ensemble insinuer qu'il ne faut point s'étonner si saint Chrysostôme est entré dans une pensée qui paroît si naturelle. C'est pourquoi le critique conclut en cette manière : Il n'y a aucune absurdité de faire parler à saint Chrysostome le langage de Diodore de Tarse, de Théodore de Mopsueste et de Nestorius, avant que ce dernier eût été condamné (1). On voit quelle idée il donne de saint Chrysostôme, qu'il fait entrer dans le langage réprouvé d'un hérésiarque, après avoir insinué qu'il étoit entré aussi dans ses raisons. Ce n'est pas seulement à saint Chrysostôme qu'il en veut, c'est encore à la tradition et à la foi de l'Eglise, puisqu'il affecte de montrer que Nestorius n'avoit fait que suivre le langage des anciens docteurs, c'est-à-dire, de Diodore et de Théodore; et parce qu'ils sont suspects en cette

(1) P. 191.

matière, pour lever toute suspicion, il leur donne pour compagnon saint Chrysostôme dont tout le monde révéroit la doctrine.

Au reste, si j'ai avancé que la traduction du critique est visiblement infidèle, je n'ai pas besoin de le prouver; c'est une affaire réglée à la face de tout Paris. Un traducteur de saint Chrysostôme qui y avoit débité la même traduction du passage de ce Père, que notre auteur a suivie, s'en est rétracté avec une humilité qui a édifié toute l'Eglise. Car non content d'avoir déclaré par un écrit public que sa traduction, qui est encore une fois celle que M. Simon suit, étoit infidèle, il a demandé pardon à son illustre archevêque et au public, d'avoir fait de saint Chrysostôme un nestorien, et de lui avoir donné des paroles qui l'impliquoient dans une erreur dont jamais il n'a été soupçonné. Dans ce même écrit, en profitant des lumières de son prélat, il a réfuté sa traduction par des raisons invincibles, auxquelles on en pourroit encore ajouter d'autres; en même temps il a proposé la véritable et littérale traduction de son texte, qu'un savant prélat et tout le public ont autorisée. La question est jugée avec connoissance de cause, et il n'y a plus que M. Simon qui persiste dans son erreur sans vouloir profiter de cet exemple.

CHAPITRE III.

Raisons générales qui montrent que M. Simon affecte de donner en la personne de saint Chrysostome un défenseur à Nestorius et à Théodore.

IL montre ici trop d'affectation et un manifeste attachement à donner un défenseur à Nestorius et à son maître Théodore, et je n'ai que trop de raisons de m'attacher à cette pensée. Ces raisons sont générales ou particulières. Pour les générales, nous sommes accoutumés à lui entendre louer les hérétiques. Il a loué plus que tous les Pères latins, Hilaire le luciférien (1). Il a loué jusqu'à un excès qu'on ne peut souffrir Pélage, l'hérésiarque (2): il a loué, et trop souvent, les sociniens et Grotius qui les a suivis (3) : il a loué Théodore de Mopsueste, dont il a préféré les sentimens à ceux de l'Eglise ; et il affecté encore ici de lui donner pour protecteur saint Chrysostôme (4).

Dans son livre, où il a traité des religions de l'Orient, il a affecté de faire passer la dispute contre Nestorius et Eutiches pour une dispute de chicane et de subtilité, qui consistoit dans des minutiés et dans le langage plutôt que dans les choses. Il vise ici au même but. Nestorius, selon lui, ne parle pas plus clairement que saint Chrysostôme, pour la distinction des personnes en Jésus-Christ. Ce Père a parlé le langage de cet hérésiarque et celui de Théo

(1) P. 133, et suiv. — (2) P. 236, et suiv. -(4) P. 443, 444

(3) Ci-dessus, liv. 11r.

dore son maître : avant qu'il fût condamné c'étoit une chose comme indifférente, et l'on a condamné les hérétiques pour des expressions, où saint Chrysostôme étoit tombé naturellement, sans qu'on ait songé à l'en reprendre.

Il dit bien (1) que saint Chrysostôme n'a dit deux personnes que pour marquer deux essences ou natures véritables en Jésus-Christ; mais c'est après avoir insinué que deux natures emportent deux personnes, et que c'étoit la raison du langage de saint Chrysostôme aussi bien que de celui de Nestorius; outre que nous devons être accoutumés à voir sortir le froid et le chaud de la bouche de notre critique, l'un pour insinuer ses sentimens, et l'autre pour se préparer des échappatoires. On sait, au reste, que Nestorius devient à la mode parmi les critiques protestans, dont plusieurs se sont fait honneur de le défendre, du moins très-certainement parmi les sociniens. Les doctes en savent la raison; c'est qu'ils font comme lui Jésus-Christ Dieu par habitude ou relation, par affection, par représentation. Voilà le vrai langage de Nestorius et de Théodore de Mopsueste; et les extraits que nous avons de l'un et de l'autre dans le concile d'Ephèse et dans le second de Constantinople (2), qui est le cinquième des généraux, en font foi. Le langage de Théodore de Mopsueste étoit de faire un Dieu de Jésus-Christ, mais improprement, abusivement, au même sens Moïse étoit le Dieu de Pharaon; et c'est encore que l'idée des sociniens. Qui doute donc que M. Simon ne soit entré aisément dans le dessein de défendre

(1) P. 191. —(2) Conc. Ephes. Act. 1. Conc. v. coll. iv, v.

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