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un homme, que des auteurs de nos jours qu'il estime tant, veulent, à quelque prix que ce soit, sauver de l'anathême.

CHAPITRE IV.

Raisons particulières qui démontrent dans M. Simon un dessein formé de charger saint Chrysostome : quelle erreur c'est à ce critique de ne trouver aucune absurdité de faire parler à ce Père le langage des hérétiques: passages qui montrent combien il en étoit éloigné.

VENONS maintenant aux raisons particulières par lesquelles nous démontrons que M. Simon a entrepris de charger saint Chrysostôme par une affectation aussi manifeste que déraisonnable.

Premièrement, il ne trouve aucune absurdité à faire parler à ce Père le langage de Diodore de Tarse, de Théodore de Mopsueste et de Nestorius. S'il avoit parlé le langage de Diodore, on auroit bien su lui reprocher, comme Photius fait à cet auteur (1), qu'avant que Nestorius fût né, il s'étoit montré infecté de son hérésie. Or est-il que jamais personne n'a pensé que saint Chrysostôme l'ait favorisée; au contraire, on a toujours cru, comme nous verrons, qu'il l'avoit confondue avant sa naissance par conséquent on ne doit pas croire qu'il ait parlé le langage de Diodore de Tarse.

Pour celui de Théodore de Mopsueste, nous en parlerons plus précisément, parce qu'il nous est plus connu par les extraits innombrables que nous

(1) Cod. cI.

que

en avons. Par ces extraits que l'on trouve encore dans le concile cinquième (1), nous avons vu que cet auteur appeloit Jésus-Christ Dieu, improprement, abusivement, au même sens que Moïse est appelé le Dieu de Pharaon. Nous voyons par un autre extrait du même écrivain dans Facundus (2), Jésus-Christ étoit Fils de Dieu par grâce et par adoption, et non par nature, mais ce n'est pas là le langage de saint Chrysostôme. Son langage est au contraire, que l'union de Dieu et de l'homme en Jésus-Christ étoit substantielle : qu'ils ne sont qu'un, une même chose, non par confusion, ou changement de nature, mais d'une unité qui ne peut être exprimée par nos paroles (3). Ce n'est donc pas de cette union d'affection ou de volonté qu'on trouve aisément, puisqu'elle se trouve dans tous les saints; mais de cette union unique et singulière, qui fait que sans confusion ni division, Jésus-Christ n'est qu'un seul Dieu et un seul Christ, qui est Fils de Dieu (4); mais Fils de Dieu, dit ce Père (5), non par adoption et par grâce, ce qui étoit, comme on a vu, le propre langage de Théodore de Mopsueste; parce que ceux, dit saint Chrysostôme, qui donnent l'adoption à Jésus-Christ s'égalent euxmêmes à lui dans la qualité d'enfans de Dieu.

Il n'y a donc rien de plus opposé que le langage de saint Chrysostôme et celui de Théodore. On en doit dire autant de Nestorius, qui suit Théodore en tout, et c'est une manifeste calomnie que d'attribuer à saint Chrysostôme le langage de ces hérétiques.

(1) Coll. 1v et v. - (2) Lib. ix. 5. (3) Hom. x. in Joan. (4) Hom. v1. in Philip.— (5) Hom. 11. in Joan.

Il ne sert de rien à M. Simon de répondre (1) qu'il n'attribue à un si grand homme, que le langage et non la doctrine de Nestorius, et encore avant la condamnation de cet hérésiarque; car outre qu'on croit aisément, quand le langage est commun, que les sentimens le sont aussi, c'est toujours une flétrissure à un docteur si célèbre de lui faire attendre une expresse condamnation de l'Eglise, pour parler correctement d'un mystère aussi essentiel et aussi connu des chrétiens que celui de l'incarnation, et une fausseté manifeste de le faire parler comme des gens dont on vient de voir qu'il a si formellement réprouvé, et les expressions et la doctrine.

CHAPITRE V.

Que le critique en faisant dire à saint Chrysostome dans l'homélie 111 aux Hébreux, qu'il y a deux personnes en Jésus-Christ, lui fait tenir un langage que ce Père n'a jamais tenu en aucun endroit, mais un langage tout contraire: passage de saint Chrysostome, homélie vi sur les Philippiens.

Si le critique réplique que ce n'est pas dans les points qu'on vient de marquer qu'il attribue à saint Chrysostôme le langage de Nestorius et de Théodore, mais en ce que prenant le mot de personne pour nature, il met, comme ces hérétiques, deux personnes en Jésus-Christ; c'est ici que je remarque deux ignorances grossières, l'une d'attribuer ce langage à saint Chrysostôme, et l'autre de l'attribuer à Nestorius.

(1) P. 191.

Pour ce qui est de saint Chrysostôme, sans entrer dans les diverses significations que d'autres Pères plus anciens que lui ont pu donner au terme prosopon, personne; chez lui, en trente endroits où il s'en sert, on n'en trouvera jamais une autre que celle qui le restreint à une personne proprement dite. 'Or est-il qu'il faut entendre chaque Père, et en général chaque auteur, selon son propre idiomé. Il ne faut pas croire qu'un homme s'aille aviser tout d'un coup sans nécessité, et dans un seul moment, de tenir un autre langage que celui qu'il a tenu constamment. Ainsi quand M. Simon veut s'imaginer que saint Chrysostome, dans un seul passage et dans la seule homélie troisième sur l'épître aux Hébreux, ait mis deux personnes en JésusChrist, ou qu'il prenne personne pour nature, c'est une grossière ignorance ou une affectation encore plus grossière de calomnier un si grand homme.

Qu'ainsi ne soit, écoutons le passage de saint Chrysostôme dans l'homélie dont il s'agit, et voyons comment le traduit notre critique. Il dit que ces mots, δυο προσωπά διηρημένα κατὰ τὴν ὑποφασὶν, deux personnes séparées l'une de l'autre selon leur subsistance ou hypostase, doivent être entendues de Jésus-Christ. Qu'il me montre donc un seul endroit de ce Père, où deux personnés séparées et distinguées selon l'hypostase, signifient autre chose que deux véritables personnes absolument distinguées, et qui subsistent chacune entièrement en ellesmêmes. Si l'on me montre un seul exemple du contraire, je céderai; mais pour moi, je m'en vais montrer dans saint Chrysostôme une expression de

même nature que celle dont il s'agit, qui ne souffre point d'autre signification que celle que je propose. Il dit, en expliquant cet endroit de l'épître aux Philippiens: Jésus-Christ ne crUT PAS COMMETTRE UN ATTENTAT DE SE PORTER POUR ÉGAL A DIEu (1), qu'égal ne se peut pas dire d'une seule personne, επi εvòs проowπov: égal est égal à quelqu'un. Vous voyez donc, poursuit-il, dans ces paroles de saint Paul, la subsistance de deux personnes, c'est-àdire, du Père et du Fils, δυὸ προσωπὼν ὑποφασιν : ce qui, dit-il, confond Sabellius, qui nioit en Dieu la distinction des personnes. L'affinité de ce passage avec celui dont il s'agit, est manifeste : la subsistance de deux personnes, dans l'homélie sur l'épître aux Philippiens, est visiblement la même chose que les deux personnes distinguées par leur subsistance dans l'homélie sur l'épître aux Hébreux. Or est-il la subsistance de ces deux personnes, dans que l'homélie sur l'épître aux Philippiens, emporte la distinction de deux véritables personnes pour confondre Sabellius, comme il paroît par le texte qu'on vient de produire; par conséquent les deux personnes distinguées par leur subsistance, dans l'homélie sur l'épître aux Hébreux, emporte aussi la même distinction pour confondre pareillement le même Sabellius, et ces deux expressions sont équivalentes.

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Que le dessein de ce Père, sur l'épître aux Hébreux comme sur celle aux Philippiens, soit de confondre Sabellius, il le déclare par ces mots (2): Saint Paul attaque ici les Juifs, Paul de Samosate, (1) Hom. vi. in Philip.—(2) Hom. 111. in Ep. ad Hebr.

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