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minicale, où il explique toutes les parties de cette prière les unes après les autres. Il semble qu'il n'y a là qu'à louer ce Père, et sa manière exacte de tout expliquer l'un après l'autre ; il viendra pourtant un mais, et le voici : mais cet ouvrage, dit-on, est plutôt d'un prédicateur éloquent que d'un interprète de l'Ecriture; comme si pour interpréter l'Ecriture il ne falloit que de la critique, et que les instructions morales, tirées comme elles le sont dans ces homélies, du texte de l'Evangile, n'en étoient pas la véritable interprétation. Que l'auteur se déclare au moins comme un homme qui ne prétend que peser les mots, et qu'en humble grammairien il évite la théologie, qu'il ne traite aussi bien que pour la gâter?

Nous avons vu avec quel mépris sont traitées les oraisons contre Eunome, c'est-à-dire, un des plus solides ouvrages de saint Grégoire de Nysse, et l'on peut juger par cet essai de l'estime qu'il fait des autres. Cependant il semble, à la fin, qu'il ait voulu approuver quelqu'un des écrits de ce Père: Le livre, dit notre auteur (1), où il fait paroître plus d'application à sa matière, est son second discours sur la résurrection de notre Seigneur. A la bonne heure: on verra du moins quelque livre de ce Père qui sera du goût de notre critique; mais, ajoute-t-il aussitôt, il y a sujet de douter qu'il soit véritablement de lui. Notre auteur le croit plutôt, et avec raison, d'Hesychius, prêtre de Jérusalem, et l'ouvrage qu'il loue le plus de saint Grégoire de Nysse, et où il le trouve le plus appliqué à sa matière, n'est pas de lui.

(1) P. 111, 112.

Tout est plein, dans son ouvrage, de ces tours malins, où les louanges tournent tout à coup en dérision, et il semble qu'il n'ait écrit que pour inspirer du mépris des Pères, en faisant semblant de les louer.

CHAPITRE XII.

Pour justifier les saints Pères, on fait voir l'ignorance et le mauvais goût de leur censeur dans sa critique sur Origène et sur saint Athanase.

MAIS afin qu'en découvrant le venin qui est répandu dans tout son livre, je donne aussi l'antidote pour s'en préserver, deux choses me persuadent que M. Simon, l'aristarque de notre siècle, qui porte son jugement sur tous les auteurs, est sans goût comme sans savoir dans la langue grecque. L'une est ce qu'il dit d'Origène, l'autre ce qu'il prononce sur saint Athanase.

Sur Origène : Il n'est pas vrai, dit-il (1), comme l'assure Erasme, que la diction d'Origène soit claire; elle est au contraire embarrassée et obscure. Je crois qu'il est le premier qui ait donné ces qualités au style d'Origène, et qui ajoute qu'on ne peut point en donner une plus fausse idée, que d'assurer, comme fait Erasme, qu'il ne les a pas. C'est être sans réflexion et sans sentiment que de n'être pas touché de la netteté du style d'Origène dans ses livres contre Celse. La Philocalie, qui est un extrait des ouvrages de ce docte auteur, est de même goût

(1) P. 130.

et de même caractère. Saint Jérôme, qui a traduit quatorze de ses homélies sur Ezéchiel, dit qu'il tâchera de conserver dans sa version la simplicité du discours de cet auteur, qui est son propre caractère (1). Son discours sur l'oraison, son exhortation au martyre, et ce qu'a donné au public le savant évêque d'Avranches, ne dégénère point de cet esprit. Mais, dit notre auteur, si Erasme avoit lu en grec les commentaires d'Origène sur saint Jean, il n'en auroit pas parlé comme il a fait. C'est, en vérité, à M. Simon une pitoyable critique que d'excepter contre un jugement qu'Erasme porte en général, un livre particulier, qui n'étoit pas encore public de son temps, et qui pourroit après tout n'avoir pas été si travaillé ni de même perfection que les autres. Mais ici M. Simon se trompe encore. On n'a qu'à lire quelques tomes du Commentaire de saint Jean, par exemple, le treizième et les suioù l'évangile de la Samaritaine est traité, pour voir si Origène y est embarrassé dans son style, ou obscur dans sa diction. Il peut y avoir du plus ou du moins; mais enfin, un si bel esprit ne se dément jamais tout-à-fait; et on ne sait où M. Simon a pris cette différence du Commentaire sur saint Jean d'avec les autres. Il y eût eu plus de sens et une meilleure critique à distinguer avec saint Jérôme parmi les ouvrages d'Origène, ses homélies, ses tomes et ses traités dogmatiques, dont le style est différent comme le dessein. Quoi qu'il en soit, il doit suffire à Erasme d'avoir bien jugé des ouvrages qu'il a vus. Si sur cela il a prononcé que la diction d'Origène (1) Prolog. in Ezech.

vans,

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est nette dans les matières obscures, que son discours est coulant, ou pour me servir de ses propres termes, qu'il avance, qu'il marche bien et ne charge pas les oreilles de paroles qui les fatiguent, les deux premiers caractères, qui sont la netteté et la fluidité du discours, conviennent partout à Origène; la brièveté n'est pas égale. En général, elle est assez rare dans les pères grecs. Origène l'a bien su trouver en certains endroits, et assez pour donner lieu à Erasme de dire, qu'il étoit court quand il le falloit; car il ne le faut pas toujours, et dans des matières aussi importantes que celles de la religion, souvent il n'est pas permis de serrer le style. C'est autre chose de raffiner trop dans les pensées, qui est le vice d'Origène, autre chose d'être embarrassé dans son expression.

Si donc M. Simon avoit dit qu'Origène peut bien penser trop subtilement, être trop fécond dans ses conceptions, trop étendu dans ses vues, et par-là, en plusieurs endroits, dissemblable de lui-même : s'il avoit su distinguer l'obscurité des matières, qui n'étoient pas encore assez démêlées, d'avec l'obscurité du style, il auroit parlé plus juste sur ce grand auteur. On ne peut douter qu'Erasme n'en ait mieux connu que lui le caractère; et pendant que nous en sommes sur ces deux censeurs, faisons-leur justice et disons, qu'ils entrent tous deux dans la théologie plus avant qu'il ne convient à des critiques; et pour ce qui est de leur art, si Erasme a raison en cet endroit, constamment il décide mal en beaucoup d'autres. Mais M. Simon, qui s'imagine être quelque chose, parce qu'il s'élève au-dessus d'Erasme en le

reprenant, se montre trop vain; et sur le sujet d'Origène aussi injuste qu'ignorant.

Mais voici une autre ignorance, dont il se défendra encore moins, c'est d'avoir dit de saint Athanase, qué s'il n'avoit rien de grand et d'élevé dans ses expressions, il est fort et pressant dans ses raisonnemens. La dernière partie, qui regarde le raisonnement, est incontestable; mais pour ce qui est de l'expression, M. Simon visiblement ne sait ce qu'il dit: rien de grand ni d'élevé dans l'expression. Ce n'est donc pas ici un orateur, à qui il arrive de tomber quelquefois son style rampe partout, et il n'a garde de tomber, puisqu'il ne s'élève jamais. C'est précisément tout le contraire. Car le caractère de saint Athanase, c'est d'être grand partout; mais avec la proportion que demande son sujet. Sans. doute que M. Simon n'aura pas lu, si ce n'est peutêtre en courant, ses admirables apologies, dont le sujet ne vise pas à la critique; mais il faut n'avoir rien lu de ce Père, ou avoir lu les deux grands discours qui sont à la tête de ses ouvrages, dans l'un desquels il détruit le paganisme, et dans l'autre il établit la vérité de la religion chrétienne. C'est là qu'il traite à fond l'unité de Dieu, l'immortalité de l'ame, la conversion des gentils, la réprobation des Juifs, les miracles, les prophéties, la prédication de JésusChrist, avec la beauté de sa morale; en un mot, tout ce qu'il y a de plus grand dans la religion; mais l'expression suit toujours la grandeur des choses. Il est vrai qu'il ne paroît point s'élever, parce que sans se guinder ni faire d'effort, partout il se trouve égal à son sujet. Il en est de même de ses

autres

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