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paroles, mais qu'ils méritent d'être pesés pour ce qui regarde le sens. Et il ajoute, que cela seul devoit faire juger qu'ils n'étoient pas de saint Ambroise, dont le style est bien différent de celui-là; où visiblement il fait tomber la différence autant sur la gravité du sens qui mérite d'être pesé, que sur la brièveté du discours; en quoi il donne un double plaisir à sa maligne critique : l'un, d'insinuer que saint Ambroise n'a pas cette gravité et ce sens qui mérite d'être pesé; l'autre, de donner à un schismatique, favorable selon lui-même aux pélagiens, un éloge fort au-dessus de tous ceux qu'il a donnés aux orthodoxes, ajoutant même qu'il y a peu d'anciens commentaires sur les épitres de saint Paul, et même sur tout le nouveau Testament; qu'on puisse comparer à celui-là.

Quand il dit qu'il y en a peu qu'on lui puisse égaler, il déclare déjà qu'il y en a peu qui le surpassent, pas même ceux de saint Jérôme, dont il semble faire tant d'état. Et en effet, après avoir donné à ce Père en apparence les plus grands éloges du monde, en disant (1) que la connoissance des langues, celle des anciens commentateurs grecs et latins qu'il avoit tous lus, et enfin (2) celles des coutumes et des usages des peuples d'Orient, lui fournissoient les moyens de s'élever au-dessus de tous les autres commentateurs, dans la suite il ne songe plus qu'à le déprimer; ce qu'il fait même selon sa coutume avec dérision en le louant: Cette observation est à la vérité docte, mais le raisonnement de ce savant critique (saint Jérôme) n'est pas concluant (3). Il continue (1) P. 209. —(2) P. 212. (3) P. 224.

ce langage moqueur dans ces paroles: La grande érudition de ce Père paroît encore sur ce passage du Deuteronome; mais son raisonnement n'est guère plus concluant que le précédent. Il affecte presque partout de ne rapporter de ce Père que ce qu'il y blâme. Il relève surtout ses contradictions, dont il rend des raisons peu avantageuses à ce saint; et il semble qu'il ait voulu effacer, par un seul trait, toutes les louanges dont il a paru vouloir l'honorer, en disant qu'après tout peut-être eût-il été mieux que ce docte Père eút fait paroître moins d'érudition dans ses commentaires, et qu'il y eût eu un peu plus de raisonnement (1).

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Jusqu'ici on juge aisément que la palme des commentateurs demeure à Hilaire. Loin de lui savoir mauvais gré de favoriser les sentimens de Pélage, M. Simon, au contraire (2), comme on le dira bientôt, en prend occasion de lui donner des louanges. Pélage même est après Hilaire, celui des commentateurs qu'il recommande le plus. Il est vrai qu'il semble excepter ses erreurs ; mais on verra qu'il les réduit à si peu de chose, qu'à peine un juge équitable le comptera-t-il parmi les hérésiarques. Voilà donc les deux auteurs de M. Simon, et je ne sais lequel des anciens, selon lui, on leur pourroit comparer dans l'explication des livres saints. Celui qu'on prise le plus parmi les Grecs est saint Chrysostôme; mais qu'en peut-on espérer, puisque son commentaire sur saint Matthieu, qui est le plus beau et le plus accompli de ses ouvrages, n'apprend pas la lettre? Saint Jérôme ne raisonne pas : saint Am(1) P. 231. — (2) P. 237, 238.

broise, comme on vient de voir, est mis beaucoup au-dessous du diacre Hilaire (1), et d'ailleurs il est méprisé de saint Jérôme; car c'est ce qu'on trouvera soigneusement étalé dans la critique de ce Père. Que reste-t-il donc à l'Eglise, sinon Hilaire et Pélage, qui, joints avec Socin et Grotius, lui apprendront le sens littéral? Et tout cela sur ce fondement, qu'il faut faire justice à tout le monde (2). Car c'est parlà qu'on s'autorise à louer Pélage comme l'un des plus excellens commentateurs. Voilà cette belle équité des critiques de nos jours: elle tend à donner tout l'avantage aux ennemis de l'Eglise pour l'intelligence du sens littéral, et à faire que tous les Pères, jusqu'à saint Jérôme, soient obligés de leur céder; encore qu'à faire justice à ce docte Père, les commentaires tant vantés par notre critique d'Hilaire et de Pélage, ne paroissent que des ouvrages de novices en comparaison de ceux de ce grand maître.

CHAPITRE XV.

Mépris du critique pour saint Augustin, et affectation de lui préférer Maldonat dans l'application aux Ecritures: amour de saint Augustin pour les saints livres.

IL restoit saint Augustin, qui a donné plus de principes pour entendre la sainte Ecriture, et pour y trouver la saine doctrine, dont elle est le trésor. Mais notre critique l'estime si peu, que ce lui est même un sujet de blâmer les autres que de l'avoir suivi, et pour donner quelque couverture au bas

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rang où il le met, il a fait semblant d'abord, comme on a vu, que c'est en lui préférant saint Chrysostôme; et dans la suite, que c'est en suivant le jugement de Maldonat, qu'il loue d'avoir préféré son sentiment propre à celui de saint Augustin; en sorte qu'il est au-dessous, non-seulement des anciens, mais encore des modernes. Voici les paroles de notre critique.

Au reste, Maldonat n'est pas si opposé à saint Augustin qu'il n'approuve quelquefois ses interprétations (1). Voilà déjà un premier coup on donne pour caractère à un interprète qu'on loue, d'être opposé à saint Augustin, et il semble que ce soit faire honneur à ce Père de l'approuver quelquefois. Mais voici un trait plus violent: Il le suit en plusieurs autres endroits; mais ayant plus médité que lui sur l'Ecriture, il n'est pas surprenant qu'il l'abandonne souvent (2). Ce qui revient dans un autre endroit, où en parlant de ce passage de saint Paul : Ce n'est pas de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde, après avoir rapporté l'explication de saint Grégoire de Nazianze, il dit (3): Que saint Augustin n'approuve pas ce sens là; mais, poursuit-il, il n'avoit peut-être pas assez médité ces sortes d'expressions. En vérité, je ne croyois pas qu'on en pût venir à ces insolens discours. Qu'est-ce donc que saint Augustin aura médité dans l'Ecriture, s'il n'a pas assez médité les passages sur lesquels il a fondé principalement toute la doctrine de la grâce et toute sa dispute avec les pélagiens? Cependant on dit hardiment qu'il ne (') P. 628. — (1) P. 629. — (3) P. 122.

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méditoit pas assez l'Ecriture, et que Maldonat l'emporte sur lui dans cette étude. Pour parler ainsi, il faut avoir oublié le goût que Dieu lui donna pour les saints livres, après qu'il lui eut ôté celui des orateurs profanes, et même celui des platoniciens, pour lesquels il avoit tant d'amour. Tout le monde se souviendra de cette prière fervente de ses confessions (1) : « O Seigneur! que vos Ecritures soient >> toujours mes chastes délices : que je ne me trompe » pas, que je ne trompe personne en les expliquant. » Vous, Seigneur, à qui appartiennent le jour et » la nuit, faites-moi trouver dans les temps qui >> coulent par votre ordre, un espace pour méditer » les secrets de votre loi. Ce n'est pas en vain que » vous cachez tant d'admirables secrets dans les >> pages sacrées. Seigneur, découvrez-les mai; car » votre joie est ma joie et surpasse toutes les délices: » donnez-moi ce que j'aime, car j'aime votre Ecri»ture, et vous-même vous m'avez donné cet » amour : ne laissez pas vos dons imparfaits : ne » méprisez pas cette herbe naissante qui a soif de » votre rosée que je boive de vos eaux salutaires

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depuis le commencement de votre Ecriture, où » l'on voit la création du ciel et de la terre, jusqu'à » la fin, où l'on voit la consommation du règne perpétuel de votre cité sainte. Je vous confesse » mon ignorance; car à qui pourrai-je mieux la » confesser qu'à celui à qui mon ardeur enflammée » pour l'Ecriture ne déplaît pas? Encore un coup, » donnez-moi ce que j'aime, puisque c'est vous qui >> m'avez donné cet amour. Je vous le demande par (1) Conf. l. XI. II.

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