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faire l'essai, principalement dans ses sermons sur les paroles de notre Seigneur et sur celles de l'apôtre, dont notre critique n'a pas daigné parler, où l'on trouve le même fond que dans ses autres traités, mais d'une manière si différente, qu'on sent d'abord une main habile et un homme consommé, qui, maître de sa matière comme de son style, la manie convenablement suivant le genre de dire ou plus serré, ou plus libre où il se trouve engagé. J'en dirai autant, malgré le critique, des traités sur saint Jean, qui ne diffèrent des livres dogmatiques et polémiques de saint Augustin que par la différence naturelle de cette sorte de livre d'avec les sermons. C'est donc d'un maître si intelligent, et pour ainsi dire si maître, qu'il faut apprendre à manier dignement la parole de vérité, pour la faire servir dans tous les sujets à l'édification des fidèles, à la conviction des hérétiques, et à la résolution de tous les doutes, tant sur la foi que sur la morale.

Et pour aller jusqu'à la source des grâces de Dieu dans ce Père, il lui avoit imprimé dès son premier âge, un amour de la vérité, qui ne le laissoit en repos ni nuit ni jour, et qui l'ayant toujours suivi parmi les égaremens et les erreurs de sa jeunesse, est enfin venu se rassasier dans les saintes Ecritures, comme dans un océan immense, où se trouve la plénitude de la vérité, qu'il avoit si ardemment et si inutilement recherchée, avant que l'autorité de l'Eglise catholique l'eût enfin amené à cette étude. Dire après cela d'un si grand homme, qu'il n'a pas assez médité l'Ecriture sainte, avec laquelle il a passé les nuits et les jours, et dont il a toujours fait

ses

ses chastes délices, et que, pour avoir peut-être plus particulièrement éclairci quelques minuties, si on peut ainsi parler de ce divin livre, un moderne pour habile qu'il soit, ait pu être élevé au-dessus d'un Père si autorisé, comme s'étant plus appliqué que lui à méditer sur l'Ecriture; c'est, sans vouloir diminuer la gloire de cet interprète, qui mérite beaucoup de louanges, et qui seroit le premier à rejeter celle que veut ici lui donner M. Simon; c'est, dis-je, vouloir égaler le disciple au maître, et s'engager dans des sentimens aussi pleins d'absurdité que d'irrévérence.

Il ne s'agit pas d'examiner si Maldonat a bien ou mal fait de suivre ou de ne suivre pas saint Augustin dans des choses peu essentielles à la piété : mais il s'agit de savoir s'il est permis à un critique, sous prétexte qu'il débitera avec plus de témérité que de science un peu de grec et un peu d'hébreu, de prendre contre les saints Pères et contre saint Augustin cet air méprisant, ou, ce qui est encore plus insensé, de les traiter de novateurs. Voilà où je réduis la difficulté, et c'est sur quoi M. Simon doit satisfaire le public.

CHAPITRE XVII.

Après avoir loué Maldonat pour déprimer saint Augustin, M. Simon frappe Maldonat lui-même d'un de ses traits les plus malins.

Er pour dire un mot en passant de Maldonat, qu'il semble vouloir élever au-dessus des Pères, ce criBOSSUET. V.

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tique malfaisant lui donne d'ailleurs le plus maúvais caractère qu'il soit possible, lorsqu'en le louant de ne s'être guère attaché à l'autorité des saints docteurs, il ajoute, ce qui seroit à cet interprète le comble de l'absurdité, que souvent il les citoit sans les avoir lus. D'abord donc il le loue comme un homme libre, qui expose franchement sa pensée, sans considérer le nombre des auteurs qui lui sont contraires (1); et en parlant d'une certaine interprétation, il prononce sans hésiter, que le docte Maldonat a eu raison de la préférer, sans avoir égard à l'autorité des Pères (2), ce qui est d'une manifeste irrévérence. Mais ce qu'il y a de plus malin, c'est qu'il se trouve à la fin que cet interprète, qu'il appelle docte avec raison, si on en juge par M. Simon, ne l'étoit pas tant qu'il le vouloit paroître; puisque selon ce critique (3), il n'avoit pas lu dans la source tout ce grand nombre d'écrivains ecclésiastiques qu'il cite; mais qu'il avoit profité, comme il arrive ordinairement, du travail de ceux qui l'ont précédé. Aussi n'est-il pas si exact que s'il avoit mis lui-même la dernière main à son Commentaire. En quoi il veut noter en passant, non-seulement Maldonat, qu'il accuse de n'avoir pas consulté les originaux, mais encore ceux qui se sont chargés de coter à la marge les endroits des Pères qu'il avoit nommés en général; et sans ici approfondir ce fait inutile, je le rapporte seulement, afin qu'on remarque les manières de M. Simon, qui, en faisant mépriser les Pères à un interprète, lui donne en même temps le mauvais air de les citer avec plus (1) P. 624, et suiv. — (2) P. 247. — (3) P. 618.

d'ostentation que de vérité, puisque c'étoit sans les lire; ce qui montre que les auteurs, du moins catholiques, qu'il semble le plus louer, sont loués malignement, dans le dessein de faire servir leur sentiment à son dessein, qui étoit ici d'affoiblir l'autorité des saints Pères, et notamment celle de saint Augustin.

CHAPITRE XVIII.

Suite du mépris de l'auteur pour saint Augustin: caractère de ce Père peu connu des critiques modernes : exhortation à la lecture des Pères.

On ne peut donc avoir que du mépris pour la critique passionnée et malicieuse de M. Simon, que sa présomption aveugle partout; et surtout il fait pitié à l'endroit où, après avoir parlé de ces beaux principes de théologie de saint Augustin (1), à qui pourtant, comme on a vu, il ne manque rien selon notre auteur, que d'être bien appuyés sur l'Ecriture, il continue en cette sorte: il y a néanmoins, dit-il, quelques endroits qu'il explique très-bien à la lettre, mais il faut beaucoup lire pour cela. Mais au contraire, s'il est vrai, comme il est certain, que ces. principes de théologie sont le pur esprit de la lettre de saint Jean, saint Augustin qui ne les quitte jamais, sera ordinairement très-littéral. L'auteur poursuit (2) : il est même quelquefois critique, descendant jusqu'aux plus petites minuties de grammaire,

(1) P. 250.- (2) Ibid. et 251.

d'où il prend occasion de faire des réflexions judicieuses. Il semble que las de censurer toujours un si grand homme, il se laisse enfin arracher quelque petite louange. Il n'y en a point de plus mince que celle de faire quelques réflexions judicieuses sur la grammaire; mais il se trouve pourtant que celle que marque l'auteur ne paroît que pour être aussitôt après réfutée comme trop subtile, et venant de l'ignorance d'un hébraïsme. En un mot, il ne loue jamais que pour introduire un blâme, et il conclut enfin sa critique par ces paroles: Au reste, il y a un je ne sais quoi qui plaît d'abord dans les manières de saint Augustin, et qui fait goûter ses fréquentes digressions: ses pointes et ses antithèses ne sont point désagréables, parce qu'il les accompagne de temps en temps de belles leçons sur la théologie; néanmoins ses lieux communs sont quelquefois ennuyeux.

On voit qu'il n'y a louange, pour petite qu'elle soit, qui n'ait coûté à notre censeur, et qu'il ne se soit arrachée lui-même par une espèce de violence, pour satisfaire à la coutume de louer les Pères. Il n'y a pas jusqu'à ces belles leçons de théologie, toutes foibles qu'elles sont selon notre auteur, puisqu'elles sont si éloignées du sens littéral, qui ne soient contrebalancées par ce petit mot, qu'elles reviennent de temps en temps et de loin en loin, et encore pour empêcher que les pointes et les antithèses de saint Augustin ne soient désagréables. Vous diriez qu'il est tout hérissé de pointes, d'antithèses, de subtilités qui ne vont à rien, tout rempli de digressions et d'allégories. C'est l'idée que prendront de

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