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lem, leurs efforts furent inutiles: saint Augustin fut le vengeur de l'Eglise grecque comme de la latine, et il défendit le concile de Palestine avec le même zèle et la même force que les conciles de Carthage et de Milève.

Il ne faut donc pas permettre à M. Simon de diviser l'Orient d'avec l'Occident sur le sujet de ce Père; et au contraire, on doit reconnoître avec saint Prosper (1), que non-seulement l'Eglise romaine avec l'africaine, mais encore partout l'univers, les enfans de la promesse ont été d'accord avec lui dans la doctrine de la grâce, comme dans tous les autres articles de la foi.

Ainsi ses travaux et ses services étant célèbres autant qu'utiles par toute la terre, il ne faut pas s'étonner qu'il ait été appelé en Orient au cile universel, avec la distinction qu'on vient de voir.

La force et la profondeur de ses écrits, les beaux principes qu'il avoit donnés contre toutes les hérésies et pour l'intelligence de l'Ecriture, ses lettres qui voloient partout l'univers et y étoient reçues comme des oracles, ses disputes, où tant de fois il avoit fermé la bouche aux hérétiques, la conférence de Carthage, dont il avoit été l'ame, et où il avoit donné le dernier coup au schisme de Donat, lui acquirent cette autorité dans toutes les Eglises, et jusque dans le synode des prêtres de Jérusalem, jusque dans la cour de Constantinople; et l'on peut juger maintenant si les Orientaux auroient fait cet honneur à un évêque, qu'ils (1) Ad Ruf. n. 3. t. x. app. Aug. p. 165,

auroient cru opposé aux sentimens de leurs Pères, dont ils étoient si jaloux.

CHAPITRE XIII.

Combien la pénétration de saint Augustin étoit nécessaire dans cette cause. Merveilleuse autorité de ce saint. Témoignages de Prosper, d'Hilaire, et du jeune Arnobe.

Ce fut donc pour ces raisons que l'Eglise se reposa, comme d'un commun accord, sur S. Augustin, de l'affaire la plus importante qu'elle ait peut-être jamais eue à démêler avec la sagesse humaine; à quoi il faut ajouter, qu'il étoit le plus pénétrant de tous les hommes à découvrir les secrets et les conséquences d'une erreur (1): ( je me sers encore ici des paroles du savant jésuite dont je viens de rapporter les sentimens); en sorte que l'hérésie pélagienne étant parvenue au dernier degré de subtilité et de malice où pût aller une raison dépravée, on ne trouva rien de meilleur que de la laisser combattre à saint Augustin pendant vingt ans. Mais s'il avoit outré la matière en défendant la grâce, s'il avoit affoibli le libre arbitre, en un mot, si dans une occasion si importante il avoit, par quelque endroit que ce fût, altéré l'ancienne doctrine, et introduit des nouveautés dans l'Eglise, il eût fallu l'interrompre et ne pas permettre qu'il combattît des excès par d'autres excès peut-être aussi dangereux.

On ne le fit pas au contraire son autorité fut (1) Garn. diss. vii. c. 111. n. 3.

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si grande, non-seulement dans les siècles suivans où le temps amortit l'envie, mais dans le sien même, qu'on la crut seule capable d'abattre les adversaires de la grâce. Ce n'est pas assez, lui disoiton (1), de leur alléguer des raisons, si on n'y joint une autorité que les esprits contentieux ne puissent mépriser. Personne n'avoit dans l'Eglise un si haut degré de cette sorte d'autorité que la vie et la doctrine concilie aux évêques. On le prioit donc d'en user. Les gens de bien lui disoient, par la bouche d'Hilaire (2): Tout ce que vous voudrez ou pourrez nous dire par cette grâce que nous admirons en vous, petits et grands, nous le recevrons avec joie comme décidé par une autorité qui nous est également chère et vénérable : TAMQUAM A NOBIS CHA

RISSIMA ET REVERENDISSIMA AUCTORITATE DECRETUM.

Saint Prosper lui disoit en même temps (3): Puisque par la disposition particulière de la grâce de Dieu en nos jours, nous ne respirons en cette occasion que par la vigueur de votre doctrine et de votre charité, usez d'instruction envers les humbles, et d'une sévère répréhension envers les superbes. C'est ce qu'on lui écrivoit de nos Gaules. Quand on écrit à travers les mers de cette sorte à un évêque, c'est qu'on le regarde comme l'apôtre de son temps. C'est pourquoi le même Prosper, lui disoit encore (4): Tous tant que nous sommes, qui suivons l'autorité sainte et apostolique de votre doctrine, sommes restés très-instruits par vos derniers

(1) Epist. Hil. ad August. inter Epist, Aug. Epist. ccxxvii. n. 9. (2) Ibid. n. 10. - (3) Inc. Epist. Aug. Epist. ccxxv. n. 9.

(4) Ibid. n. 2.

livres; ce qui préparoit la voie au jeune Arnobe, auteur du même âge, médiocre dans ses pensées, mais naturel et simple, pour dire à Sérapion dans son dialogue (1): Vous m'oterez tout doute, si vous m'alléguez le témoignage de saint Augustin; parce que je tiendrois pour hérétique celui qui le reprendroit; à quoi il répond: Vous parlez selon mon cœur; car je crois, je reçois et je défends ses paroles comme les écrits des apôtres. Ce qu'on ne peut dire avec cette confiance d'aucun auteur particulier, que lorsqu'on est assuré, par l'approbation de l'Eglise, qu'il s'est nourri du suc des Ecritures, et ne s'est pas écarté de la tradition.

CHAPITRE XIV.

On expose trois contestations formées dans l'Eglise sur la matière de la grâce, et partout la décision de l'Eglise en faveur de la doctrine de saint Augustin. Première contestation devant le pape saint Célestin, où il est jugé que saint Augustin est le défenseur de l'ancienne doctrine.

La doctrine de la grâce qui attère tout orgueil humain, et réduit l'homme à son néant, aura toujours des contradicteurs; et ce qui fait que quelquefois elle en a trouvé même dans de saints personnages, c'est la difficulté de la concilier avec le libre arbitre, dont la créance est si nécessaire. De là donc il est arrivé que la doctrine de saint Augustin a souvent été l'occasion de grands démêlés dans (1) Dial. cum Serap. ap. Iren.

:

l'Eglise les uns l'ayant affoiblie, les autres l'ayant outrée, et tout cela étant l'effet naturel de sa sublimité.

Mais ce qui en fait voir la vérité, c'est que parmi toutes ces disputes, on s'est toujours attaché de plus en plus à ce Père, comme on le verra par la suite de ces contestations.

Premièrement donc, la doctrine de ce Père fut attaquée, même de son temps, par des catholiques; mais il faut ici observer trois circonstances: la première, qu'elle ne le fut qu'en un endroit particulier et dans une petite partie de nos Gaules, à Marseille et dans la Provence; la seconde, qu'encore que saint Augustin, dans le livre de la Prédestination des saints, l'ait soutenue avec une force inimitable, et tout ensemble avec une humilité, qui fait dire au cardinal Baronius qu'il ne mérita jamais mieux l'assistance du Saint-Esprit que dans ces ouvrages, la querelle ne s'assoupit ni par sa doctrine ni par sa douceur; la troisième, que Dieu le permit ainsi, pour un plus grand éclaircissement de la vérité; puisque saint Augustin étant mort sur ces entrefaites, Dieu lui suscita des défenseurs dans saint Prosper et saint Hilaire ses dignes disciples, qui portèrent la question devant le saint Siége que le pape saint Célestin remplissoit alors, et il y fut décidé :

Premièrement, que la doctrine de saint Augustin étoit sans reproche, et pour me servir des propres termes de ce pape (1), qu'il ne s'étoit élevé contre

(1) Epist. Cælest. pap. pro Prosp. et Hil. in append. i. x. Aug. p. 132. c. 11.

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