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ce saint pas même le moindre bruit d'un mauvais soupçon: NEC EUM SINISTRE SUSPICIONIS SALTEM RUMOR ASPERSIT.

Secondement, que c'étoit aussi pour cette raison qu'il avoit toujours été mis au rang des plus excellens maîtres de l'Eglise par ses prédécesseurs, qui, loin de le tenir pour suspect, l'avoient toujours aimé et honoré; ce qu'en effet on a vu par les lettres du pape saint Innocent et du pape saint Boniface, qui le consultoient sur la matière de la grâce. Le pape saint Célestin confirme leur témoignage par le sien, et nous y pouvons ajouter celui de saint Sixte (1), prêtre alors de l'Eglise romaine, et depuis successeur de saint Célestin dans la chaire de saint Pierre.

Et parce qu'on objectoit à saint Augustin que sa doctrine étoit opposée à presque tous les anciens (2), il fut décidé en troisième lieu, loin que saint Augustin fût novateur, que c'étoit au contraire ses adversaires qui attaquoient l'Eglise universelle par leurs nouveautés ; qu'il leur falloit résister (3); que les évêques des Gaules, à qui saint Célestin adressoit sa lettre, devoient lui montrer que ces entreprises (contre la doctrine de saint Augustin) leur déplaisoient; et tout cela étoit appuyé sur cette sentence qu'il avoit posée d'abord pour fondement:

la nou

DESINAT INCESSERE NOVITAS VETUSTATEM, que veauté cesse d'attaquer l'antiquité (4) : c'étoit-à-dire que les ennemis de saint Augustin cessent d'attaquer ce Père, qui par conséquent est proposé comme

(1) Vid. in Epist, Aug. cxcI.—(2) Ep. Prosp. ad August. sup. cit. (3) Epist. Cælest. cap. 11. — (4) Cap. 1.

le défenseur de la tradition, dont M. Simon le fait l'adversaire.

Vincent de Lerins cite ce passage du décret de saint Célestin (1), et il assure qu'il y reprenoit les évéques des Gaules, de ce qu'abandonnant par leur silence l'ancienne doctrine, ils laissoient élever des nouveautés profanes. C'étoit donc saint Augustin qui étoit, principalement dans ses derniers livres dont il s'agissoit alors, le défenseur de l'ancienne doctrine, et c'étoit ses adversaires que ce saint pape réprimoit comme des novateurs.

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Quatre raisons démonstratives qui appuyoient le jugement de saint Célestin.

LE fondement de cette sentence de saint Célestin ne pouvoit pas être plus solide pour ces raisons.

Premièrement, il étoit certain que saint Augustin avoit toujours été attaché à la tradition dont il avoit soutenu les fondemens, qui sont ceux de l'autorité de l'Eglise, dans ses livres contre les donatistes.

Secondement, dans ses livres de la Grâce, il prend soin partout d'appuyer chaque partie de sa doctrine de l'autorité des Pères précédens, grecs et latins, comme on le peut voir dans tous ses ouvrages, et en particulier dans les derniers, où on l'accuse d'innovation.

Troisièmement, il est bien certain que ces murmures qu'on faisoit dans les Gaules contre ces der(1) Commonit. 2.

niers livres, firent le principal sujet de la plainte qui fut portée au saint Siége par saint Prosper et saint Hilaire (1), et par conséquent la véritable matière du jugement du pape.

En quatrième et dernier lieu, il n'est pas moins assuré, comme saint Prosper le démontre, qu'au fond il n'y a rien dans ces derniers livres, dans celui de la Grâce et du Libre arbitre, dans celui de la Correction et de la Grâce, dans ceux de la Prédestination des Saints et du don de la Persévérance, que ses adversaires accusoient, qui ne fût très-clairement établi dans les ouvrages précédens, qu'ils faisoient profession d'approuver. La seule lettre à Sixte en peut faire foi, aussi bien que le livre à Boniface, que le P. Garnier appelle avec raison un des plus excellens de saint Augustin (2), et qui est en même temps un de ceux où il établit le plus clairement la prédestination gratuite et l'efficace de la grâce. On ne peut pas dire que la lettre à Sixte n'ait pas été connue à Rome, où elle étoit adressée. Saint Augustin y faisoit voir à ce docte prêtre (3), qui depuis est devenu un si grand pape, que la doctrine dont il s'agissoit étoit la propre doctrine de l'Eglise romaine, que saint Paul lui avoit adressée avec l'épître aux Romains. Les livres à Boniface 'avoient été envoyés à ce savant pape pour les soumettre expressément à sa correction. C'étoit donc avec connoissance de cause et avec une pleine instruction que les papes, prédécesseurs de saint Célestin, avoient estimé saint. Augustin et ses ouvrages;

(1) Cont. Coll. c. xxi. n. 59. p. 196. (3) Epist. cxciv. al. cvi. c. 1. n. 1.

(2) Diss. VI. c. II.

et il étoit trop tard de blâmer les derniers livres de ce Père, après que les premiers avoient passés avec approbation.

On pourroit ici ajouter la lettre à Vital, dont le P. Garnier (1) a écrit qu'elle ne cédoit à aucune de celles de saint Augustin, et qu'en découvrant le sacré mystère de la grâce prévenante, elle donnoit douze règles, où la doctrine catholique sur cette matière, étoit contenue. C'est pourtant une de celles où ces prétendues innovations de saint Augustin se trouvoient le plus fortement et le plus affirmativement défendues. On ne les trouve pas moins clairement dans le Manuel à Laurent, que ce grand homme avoit composé, pour être, selon son titre, entre les mains de tout le monde; et de tout cela, on peut conclure, comme une chose déjà jugée par le saint Siége avec le consentement de toute l'Eglise, qu'il n'y a aucun endroit dans saint Augustin par où on puisse le soupçonner d'être novateur.

Il faut encore ajouter, pour bien entendre le fond de ce jugement, que les chapitres attachés à la décrétale de saint Célestin, condamnent ceux qui accusent saint Augustin et ses disciples comme s'ils avoient excédé, TAMQUAM NECESSARIUM MODUM Exces¬ SERINT (2), et c'est de quoi M. Simon et ses semblables accusent encore aujourd'hui ce saint docteur; de sorte que notre dispute avec ce critique, dès la première contestation, est vidée à l'avantage de saint Augustin; puisqu'il est jugé qu'il n'a point été novateur, et qu'il n'est point sorti des justes

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CHAPITRE XVI.

Seconde contestation sur la matière de la grâce émue par Fauste de Riès, et seconde décision en faveur de saint Augustin par quatre papes. Réflexions sur le décret de saint Hormisdas.

SOIXANTE ans après, on vit s'élever la seconde contestation contre les écrits de ce Père, et en même temps le second jugement de toute l'Eglise en sa faveur. Fauste, évêque de Riès, en donna l'occasion. Ceux qui ont tâché de l'excuser en nos jours, l'ont fait à l'opprobre du jugement de quatre papes et de quatre conciles.

Le premier pape est saint Gelase, dont nous verrons les décrets en parlant des conciles.

:

Le second pape est saint Hormisdas, qui fit deux choses l'une de condamner Fauste, et l'autre de se déclarer plus ouvertement que jamais pour saint Augustin qu'on attaquoit (1), jusqu'à dire, comme on a vu, que qui voudroit savoir la doctrine de l'Eglise romaine sur la grâce et le libre arbitre, n'avoit qu'à consulter ses ouvrages, surtout les derniers, qu'il désigne expressément par leur titre, comme les livres adressés à Prosper et à Hilaire (2).

Les adversaires de ce Père chicanoient sur l'approbation de saint Célestin, où ils prétendoient que ces derniers livres n'étoient pas compris. Quoique cette chicane fût vaine par deux raisons : l'une, que (1) Epist. ad Possess. in app. t. x. Aug. p. 150. (2) Ibid. P. 151.

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