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faisoit, par aucun auteur ecclésiastique. Saint Augustin persiste dans ses sentimens, et non-seulement il persiste dans ses sentimens, mais encore il n'hésite point à soutenir que la prédestination, de la manière dont il l'enseignoit, appartenoit à la foi, à cause de la liaison qu'elle avoit avec les prières de l'Eglise et avec la grâce qui fait les élus. Le cardinal Bellarmin a rapporté les passages où ce Père parle en ces termes (1): Ce que je sais, dit-il, c'est que personne n'a pu disputer, sinon en errant, contre cette prédestination que je défends par les Ecritures; et encore l'Eglise n'a jamais été sans cette foi de prédestination, laquelle nous défendons avec un nouveau soin contre les nouveaux hérétiques. Ce qui fait dire à ce grand cardinal, que si le sentiment de saint Augustin sur la prédestination étoit faux on ne pourroit excuser ce Père d'une insigne témérité, puisque non-seulement il auroit combattu avec tant d'ardeur pour une fausseté, mais encore qu'il auroit osé la meure au rang des vérités catholiques. D'où ce cardinal conclut que la doctrine enseignée par saint Augustin, n'est pas la doctrine de quelques docteurs particuliers, mais la foi de l'Eglise catholique.

M. Simon n'a pu ignorer ces passages ni les sentimens de Bellarmin, puisqu'il l'a expressément nommé sur cette matière en parlant de Catharin. Il n'a pas pu ignorer non plus, que saint Augustin n'ait prétendu enseigner une doctrine de foi dans les livres que ce critique reprend. Je ne dispute point encore quelle est cette doctrine; je demande seulement à (1) Lib. de don. persev. cap. XIX.

M. Simon si, nonobstant cette doctrine qu'il ose faire passer pour nouvelle et excessive, le pape saint Célestin, devant lequel on porta les accusations qu'on faisoit contre, au lieu de la reprendre comme excessive et nouvelle, n'a pas fermé la bouche aux contradicteurs, en les appelant des téméraires, imposito improbis silentio (1): s'il n'a pas mis saint Augustin au rang des maîtres les plus excellens, inter magistros optimos, au rang de ceux que les papes ont toujours aimés et révérés, utpote qui omnibus et amori fuerit et honori; enfin au rang des docteurs les plus irrépréhensibles, nec eum sinistræ suspicionis saltem rumor adspersit; s'il n'a pas permis à saint Prosper, ou à l'auteur des Capitules attachés à sa décrétale, quel qu'il soit, de blâmer ceux qui accusent nos maîtres, c'est-à-dire, saint Augustin et ceux qui l'ont suivi, d'avoir excédé, ce sont les mots dont il se sert: Magistris etiam nostris, tanquam necessarium modum excesserint, obloquuntur; enfin s'il n'est pas vrai que cette doctrine est celle où le pape saint Hormisdas renvoie ceux qui veulent savoir ce que croit l'Eglise romaine sur la grâce et le libre arbitre. Que si tout cela est incontestable, comme il l'est, et que personne ne l'ait jamais pu, ni osé révoquer en doute, on ne peut nier que M. Simon, qui fait profession d'être catholique, ne renouvelle aujourd'hui contre saint Augustin la même accusation que les papes ont réprimée, et il ne peut éviter d'être condamné, puisque nonseulement il regarde saint Augustin comme un novateur, et sa doctrine comme pleine d'excès, mais (1) Cæœlest. epist. ad Episc. Gall. c. 2.

qu'il ose encore la proscrire, comme contraire au sentiment unanime de toute l'Eglise, comme tendante à renouveler et à favoriser l'hérésie des gnostiques, et à détruire le libre arbitre.

CHAPITRE VII.

Vaine réponse de M. Simon, que saint Augustin n'est pas la règle de notre foi: malgré cette cavillation, ce critique ne laisse pas d'étre convaincu d'avoir condamne les papes, et toute l'Eglise qui les a suivis.

Il n'est donc pas ici question de savoir si les sentimens de saint Augustin sont la règle de notre créance, qui est le tour odieux que M. Simon veut donner à la doctrine de ceux qui défendent l'autorité de ce Père. Non, sans doute, saint Augustin n'est pas la règle de notre foi, et aucun docteur particulier ne le peut être : il n'est pas même encore question en quel degré d'autorité les papes ont mis ses ouvrages en les approuvant; car nous réservons cet examen à la suite de ce traité. Il s'agit ici de savoir si, après que saint Augustin est devenu l'oracle de l'Occident, on peut le traiter de novateur, sans accuser les papes et toute l'Eglise d'avoir du moins appuyé et favorisé des nouveautés, d'avoir changé la doctrine qu'une tradition constante avoit apportée, et si cela même n'est pas renverser les fondemens de l'Eglise.

Il ne faut pas que M. Simon s'imagine qu'on lui souffre ces excès, ni que, sous prétexte que quelques-uns auront abusé dans ces derniers siècles du

nom et de la doctrine de saint Augustin, il lui soit permis d'en mépriser l'autorité. C'est déjà une insupportable témérité de s'ériger en censeur d'un si grand homme, que tout le monde regarde comme une lumière de l'Eglise, et d'écrire directement contre lui; c'en est une encore plus grande, et qui tient de l'impiété et du blasphême, de le traiter de novateur et de fauteur des hérétiques; mais le blâmer d'une manière qui retomberoit sur toute l'Eglise, et la convaincroit d'avoir changé de croyance, c'est le comble de l'aveuglement de sorte que dorénavant je n'ai pas besoin d'appeler à mon secours ceux qui respectent, comme ils doivent, un Père si éclairé; ses ennemis, s'il en a, sont obligés de condamner M. Simon, à moins de vouloir condamner l'Eglise même, la faire varier dans la foi, et imiter les hérétiques, qui par toutes sortes de moyens tâchent d'y trouver de la contradiction et de l'erreur.

CHAPITRE VIII.

Autre cavillation de M. Simon dans la déclaration qu'il a faite de ne vouloir pas condamner saint Augustin: que sa doctrine en ce point établit la tolérance et l'indifférence des religions.

Il ne sert de rien à M. Simon de dire qu'il ne prétend point condamner saint Augustin, ni empêcher que ses sentimens n'aient un libre cours, mais seulement d'empêcher que sous prétexte de défendre ce docte Père, on ne condamne les Pères grecs et toute l'antiquité. J'avoue qu'il parle souvent en

ce sens; mais ceux qui se paieront de cette excuse, n'auront guère compris ses adresses. Il veut débiter ses sentimens hardis: mais il se prépare des subterfuges, quand il sera trop pressé. Il a de secrètes complaisances pour une secte subtile, qui veut laisser la liberté de tout dire et de tout penser. Je ne parle pas en vain, et la suite fera mieux paroître cette vérité; mais il voudroit bien nous envelopper ce dessein. Qu'y a-t-il de plus raisonnable que de tolérer saint Augustin? Mais accordez-lui cette tolérance, avec les principes qu'il pose et avec les propositions qu'il avance, il vous forcera de tolérer une doctrine opposée à toute l'Eglise ancienne, proscrite par conséquent selon les règles de Vincent de Lerins, c'està-dire, selon les règles qui sont les marques certaines de la catholicité. Il vous fera voir que la foi peut être changée: que les papes et tout l'Occident peuvent approuver ce qui étoiť inoui auparavant : qu'on peut tolérer une doctrine qui renverse le libre arbitre, qui fait Dieu auteur de l'aveuglement et de l'endurcissement des hommes, qui introduit des questions qui mettent les bonnes ames au désespoir (1); c'est-à-dire, celle de la prédestination, sans laquelle on ne sauroit expliquer à fond, ni les prières de l'Eglise, ni la grâce chrétienne. Passez cette tolérance, et accordez une fois qu'on a varié dans la foi, il n'y a plus de tradition ni d'autorité, et il en faudra venir à la tolérance. Voilà ce qui résulte clairement du livre de notre auteur.

Qu'il étale tant qu'il lui plaira sa vaine science, et qu'il fasse valoir sa critique, il ne s'excusera jamais,

(1) P. 155.

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