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Grecs, il n'est pas seulement contraire à tous les autres auteurs, mais encore à lui-même.

CHAPITRE IV.

Paralogisme perpétuel de M. Simon, qui tronque les règles de Vincent de Lerins sur l'antiquité et l'universalité.

On voit, par ces réflexions, le procédé captieux de ce pitoyable théologien, lorsque pour affoiblir l'autorité de saint Augustin il nous ramène sans cesse ou aux anciens, ou aux Grecs. Mais il est aisé de voir que ce n'est pas tant à ce Père, qu'à la vérité même qu'il en veut; il mutile les saintes maximes de Vincent de Lerins, qu'il fait semblant de vouloir défendre. Toute la doctrine de ce Père roule principalement sur ces deux pivots : l'antiquité et l'universalité : Quod ubique, quod semper. Il faut suivre, dit-il, l'antiquité. Cela est vrai; mais il y falloit ajouter que la postérité s'explique mieux, après que les questions ont été agitées, ce que le critique dissimule. Il supprime donc une partie de la règle, et il tombe dans l'absurdité de nous faire chercher la saine doctrine dans les auteurs où elle est moins claire, plutôt que dans ceux où elle a reçu son dernier éclaircissement; ce qui est faire à la vérité un outrage trop manifeste.

Il commet la même faute, lorsque sous prétexte de recommander l'universalité, il oppose les Grecs aux Latins, sans songer que les premiers ayant été, de son propre aven, moins attentifs que les autres

aux questions de Pélage, et n'ayant traité qu'en passant ce que les autres ont traité à fond, les préférer malgré cela, c'est préférer l'obscurité à l'évidence, et la négligence, pour ainsi dire, à l'exactitude: c'est après les résolutions et les jugemens renouveler le procès, et de la pleine instruction nous rappeler en quelque manière aux élémens; qui est le perpétuel paralogisme de M. Simon, et la manière artificieuse dont il attaque la vérité même.

CHAPITRE V.

Illusion de M. Simon et des critiques modernes, qui veulent que l'on trouve la vérité plus pure dans les écrits qui ont précédé les disputes : exemple de saint Augustin, qui, selon eux, a mieux parlé de la grâce avant qu'il en disputat contre Pélage.

Je trouve encore dans nos critiques un dernier trait de malignité contre saint Augustin, qu'il ne faut pas réfuter avec moins de soin que les autres, puisqu'il n'est pas moins injurieux à la vérité et à l'Eglise.

Pour montrer qu'on a eu raison d'appeler de saint Augustin aux anciens docteurs, qui ont précédé ce Père aussi bien que l'hérésie de Pélage, on relève les avantages qu'on trouve dans le témoignage des auteurs qui ont parlé avant les querelles, et on soutient qu'ils parlent alors plus simplement et plus naturellement que dans la dispute même,

où les hommes sont emportés à dire plus qu'ils ne veulent.

On veut que saint Augustin en soit lui-même un exemple, puisqu'il a changé les sentimens conformes à ceux des anciens, où il s'étoit porté naturellement, et qu'il en est même venu à les rétracter; ce qui ne peut être attribué, selon nos critiques, qu'à l'ardeur de la dispute: en sorte que bien éloignés de profiter avec lui, comme lui-même les y exhorte, des lumières qu'il acquéroit en méditant nuit et jour l'Ecriture sainte, ils s'en servent pour diminuer son autorité; comme si c'étoit une raison de moins estimer ce Père, parce qu'il s'est corrigé lui-même humblement et de bonne foi, ou comme s'il valoit mieux croire ce qu'il a écrit de la grâce et du libre arbitre, avant que la dispute contre les pélagiens eût commencé, que ce qu'il en a écrit depuis que cette hérésie l'a rendu plus attentif à la matière.

CHAPITRE VI.

Aveuglement de M. Simon, qui, par la raison qu'on vient de voir, préfère les sentimens que saint Augustin a rétractés à ceux qu'il a établis en y pensant mieux : le critique ouvertement semi-pélagien.

C'EST le but de ces paroles de M. Simon (1): C'est en vain qu'on accuse ceux à qui l'on a donné le nom de semi-pélagiens d'avoir suivi le sentiment

(1) P. 255.

d'Origène, puis qu'ils n'ont rien avancé qui ne se trouve dans ces paroles de saint Augustin (qu'il venoit de rapporter de l'exposition de ce Père sur l'épître aux Romains), lequel convenoit alors avec les autres docteurs de l'Eglise. Il est vrai qu'il s'est rétracté ; mais l'autorité d'un seul Père, qui abandonnoit son ancienne créance, n'étoit pas capable de les faire changer de sentiment (1).

Je n'ai pas besoin de relever le manifeste semipelagianisme de ces paroles: il saute aux yeux. Le sentiment que ce saint docteur soutint dans ses derniers livres, a tous les caractères d'erreur : c'est le sentiment d'un seul Père: c'est un sentiment nouveau: en le suivant, saint Augustin abandonnoit sa propre créance, celle que les anciens lui avoient laissée, et dans laquelle il avoit été nourri: on voit donc, dans ses derniers sentimens, les deux marques qui caractérisent l'erreur, la singularité et la nouveauté.

Si ceux que l'on a nommés semi-pélagiens n'ont rien avancé que ce qu'a dit saint Augustin, lorsqu'il convenoit avec les anciens docteurs de l'Eglise, ils ont donc raison; et ce à quoi il faut s'en tenir dans les sentimens de ce Père, c'est ce qu'il a rétracté ; puisque c'est cela où l'on tomboit naturellement par la tradition de l'Eglise. M. Simon ne trouve rien de plus judicieux dans les écrits de ce Père, que ce qu'il en a révoqué : Il est, dit-il (2), plus judicieux et plus exact dans l'interprétation qu'il nous a laissée de quelques en

(1) Voyez Dissertat. sur Grotius, où ceci est copié mot à mot, tom. IV. p. 491.— (2) P. 252.

droits de l'épitre aux Romains. M. Simon ne le loue ainsi que pour ensuite relever ses fautes, j'entends celles dont il l'accuse; et c'est pourquoi il ajoute Il ne fut pas néanmoins tout-à-fait content de cet ouvrage (si judicieux et si exact) puisqu'il rétracta quelques propositions qu'il crut avoir avancées trop librement. Il crut; mais il le crut mal, selon notre auteur, et ce Père, au lieu de se corriger, ne fait que passer du bien au mal : Lors, dit-il, qu'il composa cet ouvrage, il étoit dans les sentimens communs où l'on entroit naturellement avant les disputes; c'est pour dire que saint Augustin étoit enclin à des opinions particulières, puisque celles qu'il rétracte sont celles qu'on lui fait communes avec le reste des docteurs; et un peu après: On ne peut nier que l'explication, qui est ici condamnée par saint Augustin, ne soit de Pélage dans son Commentaire sur l'épître aux Romains, mais elle est en même temps de tous les anciens commentateurs. Saint Augustin condamnoit donc ce qu'il avoit dit de meilleur; Pélage qu'il reprenoit, disoit mieux que lui, et ce n'étoit pas cet hérésiarque, mais saint Augustin qui étoit le novateur; et encore: Il est conforme en ce lieulà (qui est un de ceux qu'il a rétractés) au diacre Hilaire, à Pélage et aux autres anciens commentateurs de saint Paul (1). L'antiquité va toujours avec Pélage, et saint Augustin dégénère des anciens, quand il le quitte. Il n'avoit point encore de sentimens particuliers, lorsqu'il composa cette exposition sur l'épitre aux Romains, où il paroit (1) P. 254.

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