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plus exact que dans ses autres Commentaires. Ainsi, il a corrigé ce qu'il a fait de meilleur et de plus exact: quand il étoit semi-pélagien, il n'avoit point de sentimens particuliers, et il n'a commencé de les prendre que lorsqu'il a réfuté cette hérésie ; c'est-à-dire, lorsqu'il a poussé la victoire de la vérité jusqu'à éteindre les dernières étincelles de l'erreur. Que l'hérésie triomphe donc, non-seulement de saint Augustin qui l'a combattue, mais encore de l'Eglise qui l'a condamnée. C'est la doctrine de M. Simon, et le fruit que nous tirerons de ses travaux.

La même raison lui fait dire (1), qu'à juger des sentimens de saint Augustin par ceux des écrivains ecclésiastiques qui l'ont précédé, et même par les siens, avant qu'il entrát en dispute avec les pélagiens, on ne peut douter qu'il n'ait poussé trop loin ses principes.

On voit ici deux choses importantes : l'une, que M. Simon fait changer de sentiment à saint Augustin à l'occasion des disputes contre les pélagiens : l'autre, que tout au contraire des théologiens, qui corrigent les premiers sentimens de ce Père par les derniers, comme il a fait lui-même, M. Simon argumente par ses premiers sentimens contre les derniers. Voilà deux choses que dit M. Simon, où nous verrons autant d'ignorances et autant de témérités que de paroles.

(1) P. 290.

CHAPITRE VII.

M. Simon a puisé ses sentimens manifestement hérétiques d'Arminius et de Grotius.

Il doit cette réflexion sur le changement de saint Augustin, d'abord à Arminius le restaurateur du semi-pelagianisme parmi les protestans. M. Simon en rapporte les sentimens en ces termes (1): A l'égard de saint Augustin, il dit qu'il se pouvoit faire que les premiers sentimens de ce Pere eussent été plus droits dans le commencement, parce qu'il examinoit alors la chose en elle-même et sans préjugé, au lieu que dans la suite il n'eut pas la même liberté, s'en étant plutôt rapporté au jugement des autres qu'au sien propre (2).

Quoique ce passage d'Arminius ne regarde pas tout le corps de la doctrine de saint Augustin sur la grâce, l'esprit en est de préférer les premiers sentimens de saint Augustin, comme étant les plus naturels, à ceux qu'il a pris depuis par des impressions étrangères et c'est cela que M. Simon veut insinuer.

Mais Grotius, le grand défenseur des arminiens, qui, de l'aveu de M. Simon, a pris dans le sein de cette secte une si forte teinture des erreurs sociniennes, est le véritable auteur où il a puisé ses sentimens; et on le verra par un seul endroit de son Histoire Belgique, où expliquant le commen(1) P. 799. (2) Voyez la Dissert. sur Grotius, où l'auteur a employé tout cet endroit, n. 14, 15, 16, etc. tom. iv, p. 487, et suiv.

cement des disputes entre Arminius et Gomar en l'an 1608, il en expose la source selon ses préventions, en cette sorte.

« Ceux, dit-il (1), qui ont lu les livres des an» ciens, tiennent pour constant que les premiers >> chrétiens attribuoient une puissance libre à la vo>> lonté de l'homme, tant pour conserver la vertu, » que pour la perdre : d'où venoit aussi la justice des » récompenses et des peines. Ils ne laissoient pour>>tant pas de tout rapporter à la bonté divine, dont » la libéralité avoit jeté dans nos cœurs la semence » salutaire, et dont le secours particulier nous étoit » nécessaire parmi nos périls. Saint Augustin fut le » premier, qui depuis qu'il fut engagé dans le com» bat des pélagiens (car auparavant il avoit été d'un » autre avis), poussa les choses si loin par l'ardeur » qu'il avoit dans la dispute, qu'il ne laissa que le » nom de la liberté, en la faisant prévenir par des » décrets divins qui sembloient en ôter toute LA » FORCE ». On voit en passant la calomnie qu'il fait à saint Augustin d'ôter la force de la liberté, et de n'en laisser que le nom. On a vu que M. Simon impute la même erreur à ce docte Père; nous en parlerons encore ailleurs. Ce qu'il faut ici observer, c'est que, selon Grotius, saint Augustin est le novateur; ens'éloignant du sentiment des anciens Pères, il s'éloigna des siens propres, et n'entra dans ces nouvelles pensées, que lorsqu'il fut engagé à combattre les pélagiens. Ainsi, les sentimens naturels, qui étoient aussi les plus anciens, sont ceux que saint Augustin şuivit d'abord. C'est ce que dit Grotius, Hist. Belg. L. xvii. p. 551.

et c'est l'idée qu'il donne de ce Père. Que si vous lui demandez ce qu'est devenue l'ancienne doctrine qu'il prétend que saint Augustin a abandonnée, et où s'en est conservé le sacré dépôt, il le va chercher chez les Grecs et dans les semi-pélagiens. C'est aussi ce qu'on vient de voir suivi de point en point par M. Simon; mais que devinrent ces anciens sentimens que les Pères avoient suivis avant que saint Augustin eût introduit ses nouveautés ? Grotius qui vient d'apprendre à M. Simon que ce qu'il faut suivre dans saint Augustin, que ce qui est conforme à l'ancienne tradition, c'est le premier sentiment que ce Père a rétracté, lui apprendra encore où est demeuré le dépôt de la tradition: il est demeuré dans les Grecs et dans les semi-pélagiens. C'est là que M. Simon le va chercher; mais c'est Grotius qui lui en a montré le chemin. Pour les Grecs, voici les paroles qui suivent immédiatement celles qu'on a lues: l'ancienne et la plus simple opinion se conserva, dit-il, dans la Grèce et dans l'Asie. Pour les semi-pélagiens, le grand nom, poursuit-il, de saint Augustin lui attira plusieurs sectateurs dans l'Occident, où néanmoins il se trouva des contradicteurs du côté de la Gaule. On connoît ces contradicteurs : ce furent les prêtres de Marseille et quelques autres vers la Provence ; c'est-à-dire, comme on en convient, ceux qu'on appelle semi-pélagiens ou les restes de l'hérésie de Pélage ce fut Cassien, ce fut Fauste de Riez. Tels sont les contradicteurs de saint Augustin dans les Gaules pendant que tout le reste de l'Eglise suivoit sa doctrine c'est en ceux-là que s'est conservée l'ancienne et saine doctrine : elle s'est, dis-je, con

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servée dans les adversaires de saint Augustin que l'Eglise a condamnés par tant de sentences: Grotius un protestant, un arminien, un socinien en beaucoup de chefs l'a dit : M. Simon et d'autres critiques osent le suivre. Il en a pris ce beau système de doctrine qui commet les Grecs avec les Latins, les premiers chrétiens avec leurs successeurs, saint Augustin avec lui-même, où l'on préfère les sentimens que le même saint Augustin a corrigés dans le progrès de ses études à ceux qu'il a défendus jusqu'à la mort, et les restes des pélagiens à toute l'Eglise catholique. Les sociniens triomphent par le moyen de Grotius si plein de leur esprit et de leurs maximes, ils font la loi aux faux critiques jusque dans le sein de l'Eglise la ville sainte est foulée aux pieds, le parvis du temple est livré aux étrangers, et des prêtres leur en ouvrent l'entrée.

CHAPITRE VIII.

Les témoignages qu'on tire des Pères qui ont écrit devant les disputes ont leur avantage. Saint Augustin recommandable par deux endroits. L'avantage qu'a tiré l'Eglise de ce qu'il a écrit après la dispute contre Pélage.

MAIS peut-être qu'ils sont forcés par de puissantes raisons, à entrer dans ces sentimens. On n'en peut avoir de plus foibles. On veut premièrement imaginer qu'il y a quelque chose de plus naturel dans les Pères qui ont précédé les disputes, que dans ceux qui ont suivi, et on ne veut pas écouter ceux qui s'en

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