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et le menant pas à pas à la parfaite connoissance d'une vérité, dont il vouloit l'établir le défenseur et le docteur.

C'est donc là le dernier état de saint Augustin, où déjà pleinement instruit sur cet important article, il en devint le défenseur contre l'hérésie de Pélage. Son autorité croissoit tous les jours; et dans ses derniers écrits, il étoit enfin parvenu jusqu'à pouvoir dire avec une force qui se faisoit respecter (1) Lisez et relisez ce livre, et si vous l'entendez, rendez-en grâces à Dieu; si vous ne l'entendez pas, demandez-lui-en l'intelligence, et il vous sera donné de l'entendre. C'est ainsi qu'il falloit parler, quand après trente ans d'épiscopat et vingt ans utilement employés à détruire la plus superbe des hérésies, on sentoit, comme un second Paul, l'autorité que la vérité donnoit à un dispensateur irréprochable de la grâce et de la parole de Jésus-Christ; et c'est ainsi, comme le rapporte saint Prosper dans sa Chronique, que le saint évêque Augustin, excellent en toutes choses, mourut en répondant aux pélagiens au milieu des assauts que les Vandales livroient à sa ville, et persévéra glorieusement jusqu'à la fin dans la défense de la grâce chrétienne. (1) De grat. et lib. arb. c. xxiv.

CHAPITRE XVIII.

Que les changemens de saint Augustin, loin d'affoiblir son autorité, l'augmentent, et qu'elle seroit préférable à celle des autres docteurs en cette matière, quand ce ne seroit que par l'application qu'il y a donnée.

POUR maintenant remettre en deux mots, devant les yeux du lecteur, ce que nous venons de dire sur le progrès des sentimens de saint Augustin, nous avons démontré deux choses : l'une qui regarde ce Père, l'autre qui regarde directement toute l'Eglise. La première est qu'il n'est pas permis, en répétant les vieux argumens des semi-pélagiens, de prendre avec eux, pour une raison de s'opposer aux sentimens de saint Augustin, les changemens qu'il a faits en mieux dans sa doctrine. C'est une erreur qui ne peut tomber que dans des esprits mal faits. Les changemens de ce Père n'ont rien qui ne donne lieu de l'estimer davantage; puisque s'il s'est trompé, c'est avant que d'avoir étudié à fond la question: qu'il s'est redressé de lui-même aussitôt après l'avoir bien examinée; et qu'encore, qu'en écrivant ses premiers livres, il n'eût pas encore trouvé la solution de toutes les difficultés, et développé distinctement la vérité dans toutes ses suites, il en avoit néanmoins posé les principes; de sorte qu'en se corrigeant parfaitement au commencement de son épiscopat, il n'a fait que revenir aux premières impressions qu'il avoit reçues en entrant dans l'Eglise.

Voilà ce qui regardoit saint Augustin, et encore

que l'Eglise y ait l'intérêt que tout le monde peut recueillir des faits qui ont été avancés, voici une seconde chose que nous avons établie, qui regarde directement son autorité que ce n'est pas l'esprit de vérité, mais de contradiction et d'erreur, qui a fait dire à notre critique et à ses semblables, que les sentimens rétractés par saint Augustin étoient les plus naturels comme les plus anciens; car le contraire paroît maintenant par le progrès qu'on vient de voir de sa doctrine. Aussi faut-il remarquer, et c'est la dernière réflexion que nous avons à faire sur cette matière, que dans le temps où ce Père avoue qu'il se trompoit, il ne dit pas qu'il fût tombé dans cette erreur en suivant les anciens docteurs. Il faut laisser un sentiment si pervers et si faux à Grotius et à ses disciples. Pour saint Augustin il dit bien, ce qui est très-vrai, que les anciens n'ont pas eu d'occasion de traiter à fond cette matière, et ne s'en sont expliqués que brièvement et en passant, dans quelques-uns de leurs ouvrages, TRANSEUNTER ET BREVITER, comme il a déjà été remarqué; mais loin de dire par-là qu'ils se fussent trompés ou qu'ils eussent d'autres sentimens que ceux qu'on a suivis depuis, il dit formellement le contraire; et non content de le dire, il le prouve par des passages exprès de saint Cyprien, de saint Grégoire de Nazianze, de saint Ambroise et des autres, ajoutant, qu'il en pourroit alléguer un bien plus grand nombre, si la chose-n'étoit constante d'ailleurs par les prières de l'Eglise. Et il est vrai que cet esprit de prières, qui est dans l'Eglise, emporte une si précise et si haute reconnoissance de la prévention de la grâce qui nous

convertit, que c'est principalement sur ce fondement que l'Eglise en a fait un dogme de foi contre les semi-pélagiens; de sorte que revenir aux sentimens rétractés par saint Augustin, c'est non-seulement envier à ce saint docteur la grâce que Dieu lui a faite de profiter tous les jours de la lecture des saints livres, mais encore s'attaquer directement à l'autorité de l'Eglise catholique.

De tout cela il résulte, que quand la doctrine de saint Augustin n'auroit pas reçu du saint Siége et de toute l'Eglise catholique les approbations qu'on a vues, et qu'il n'en auroit eu d'autres que celle d'avoir été regardé durant vingt ans, comme le tenant de l'Eglise, sans avoir été repris que de ceux qu'on a réprimés par tant de censures réitérées, il n'en faudroit pas davantage pour le préférer aux autres docteurs en cette matière; et c'est aussi ce qu'ont fait tous les orthodoxes anciens et modernes, et entre autres les scolastiques, à l'exemple de saint Thomas qui en est le chef.

CHAPITRE XIX.

Quelques auteurs catholiques commencent à se relâcher sur l'autorité de saint Augustin à l'occasion de l'abus que Luther et les luthériens font de la doctrine de ce saint: Baronius les reprend, et montre qu'en s'écartant de saint Augustin, on se met en péril d'erreur.

Il est vrai qu'à l'occasion de Luther et de Calvin, qui abusoient du nom de saint Augustin comme de celui de saint Paul, quelques catholiques se sont re

lâchés sur ce Père; mais outre que le concile de Trente a tenu une conduite opposée, ceux qui foiblement et ignoramment ont abandonné saint Augustin, en ont été, pour ainsi dire, punis sur le champ, par les périls où ils se sont trouvés engagés, comme on le peut voir dans ce grave avertissement du cardinal Baronius (1) : Puisque toute l'Eglise catholique s'est opposée à la doctrine de Fauste, évêque de Riez (il en avoit dit autant de tous les autres semipélagiens), que les modernes, qui, en écrivant contre les hérétiques de notre temps, croient les mieux réfuter en s'éloignant du sentiment de saint Augustin sur la prédestination, considèrent dans quel péril ils se mettent; puisque les armes ne nous manquent, pas d'ailleurs pour abattre ces novateurs.

Ces périls sont ceux de tomber dans l'hérésie semipélagienne, comme il est arrivé presque à tous ceux qui se sont volontairement écartés des sentimens de saint Augustin. Nous en trouverons dans la suite de grands exemples; et je ne crois pas m'être trompé en regardant leur erreur comme une juste punition de leur témérité, qui leur a fait présumer qu'ils défendroient mieux l'Eglise qu'un si grand docteur.

Et tant s'en faut que l'erreur où saint Augustin avoue qu'il a été durant quelque temps, ait affoibli, dans l'esprit de ce docte cardinal, la révérence pour sa doctrine, qu'au contraire elle a servi, selon lui, à donner plus d'autorité à ce saint; puisque c'est de l'humble aveu qu'il en a fait dans les livres de la Prédestination et de la Persévérance, que le même Baronius prend occasion de les regarder (2), quand il

(1) Tom. vi. ann. 490. p. 449. — (2) Ton:. v. ann. 426. p. 497.

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