bitre, et fauteur des hérétiques qui le nioient. C'est en général le plan de l'auteur; et, pour le rendre plus vraisemblable, il ajoute que cet évéque, c'est saint Augustin, s'étant opposé aux nouveautés de Pélage, qui au contraire des gnostiques donnoit tout au libre arbitre de l'homme, et rien à la grâce, a été l'auteur d'un nouveau systéme. C'est un systême en matière de religion et de doctrine: c'est un systême pour l'opposer aux nouveautés de Pélage. Si ce systême est nouveau, saint Augustin a opposé nouveauté à nouveauté; par conséquent excès à excès, et d'autres excès et d'autres nouveautés aux excès et aux nouveautés de Pélage. Saint Augustin a le même tort que cet hérésiarque: il falloit faire un tiers parti entre eux deux, et non pas prendre le parti de saint Augustin, comme a fait saint Célestin et toute l'Eglise. Si la doctrine de saint Augustin est nouvelle sur la matière où il a reçu tant d'approbation, c'est une suite que ses preuves le soient. Aussi M. Simon pousse-t-il les choses jusque-là. Saint Augustin, dit-il, s'est éloigné des anciens commentateurs ayant inventé des explications dont on n'avoit point entendu parler auparavant. Voilà donc un novateur parfait, et dans le fond de son systême et dans les preuves dont il le soutient, sans que l'Eglise s'en soit aperçue, sans que d'autres que ses ennemis, que toute l'Eglise a condamnés, l'en aient repris. Après douze cents ans entiers, M. Simon le vient dénoncer, on ne sait à qui il vient réveiller l'Eglise, qui s'est laissée endormir aux belles paroles de ce Père, et qui a déclaré en termes formels qu'elle n'a rien trouvé à reprendre dans sa doctrine; par conséquent rien de nouveau, rien à quoi elle ne fût accoutumée : autrement elle se seroit soulevée, au lieu de réprimer ceux qui se soulevoient. L'auteur n'a pu s'empêcher de sentir ici le mauvais pas où il s'engageoit; mais son erreur est de croire qu'il peut imposer au monde par des termes vagues. Je déclare néanmoins, dit-il (1), que ce n'a point été pour opposer toute l'antiquité à saint Augustin, que j'ai recueilli dans cet ouvrage les explications des Pères grecs. Mais pourquoi donc? Est-ce pour montrer qu'ils sont d'accord? Ce seroit le dessein d'un vrai catholique, qui chercheroit à concilier les Pères, et non pas à les commettre. Mais visiblement ce n'est pas celui de M. Simon, chez qui l'on ne trouve à toutes les pages que les anciens d'un côté, et saint Augustin de l'autre; mais voici toute sa finesse. Comme il y a toujours eu des disputes là-dessus, et qu'il y en a encore présentement, j'ai cru que je ne pouvois mieux faire que de rapporter fidèlement ce que j'ai lu sur les passages du nouveau Testament dans les anciens commentateurs. Il voudroit donc faire accroire que c'est seulement sur des matières légères et indifférentes qu'il oppose les anciens à saint Augustin. Nous verrons bientôt le contraire; mais en attendant, sans aller plus loin, il se déclare en continuant de cette sorte: Vincent de Lerins (à ce seul nom on s'attend d'abord à voir condamner quelque erreur : écoutons donc à qui l'on oppose ce savant auteur et les règles de la tradition): Vincent de Lerins dit que lorsqu'il (1) Præf. s'agit d'établir la vérité d'un dogme, l'Ecriture seule ne suffit pas, qu'il y faut joindre la tradition de T'Eglise catholique ; c'est-à-dire, comme il lexplique lui-même, l'autorité des écrivains ecclésiastiques. Le principe est bien posé; mais voyons enfin contre qui on dresse cette machine. C'est, premièrement contre l'hérésie en général : considérant, poursuit notre auteur, les anciennes hérésies, il rejette ceux qui forgent de nouveaux sens, et qui ne suivent point pour leur règle les interprétations reçues dans l'Eglise depuis les apôtres. Mais ce qui se dit contre l'hérésie en général, s'applique dans le moment à saint Augustin sur ce pied-là, conclut l'auteur aussitôt après, on préférera le commun des anciens docteurs aux opinions particulières de saint Augustin; enfin donc, après de vaines défaites M. Simon se déclare sa partie : c'est à lui que tout aboutit : c'est contre lui que l'on procède régulièrement: c'est lui qui n'a pas suivi les interprétations reçues dans l'Eglise depuis les apôtres. Il ne reste plus qu'à l'appeler hérétique : on n'ose lâcher le mot; mais la chose n'est point laissée en doute, et l'application du principe est inévitable. M. Simon croyant esquiver, s'embarrasse davantage. Les quatre premiers siècles, poursuit-il (1), n'ont parlé qu'un même langage sur le libre arbitre, sur la prédestination et sur la grace; c'est pour dire que saint Augustin ne l'a pas parlé : Il n'y a pas d'apparence que les premiers Pères se soient tous trompés: c'est donc saint Augustin qui se trompe et qui renverse l'ancienne doctrine, dont (1) Præf. l'Eglise l'avoit établi le défenseur. C'est où tendoit naturellement tout le discours. L'auteur n'ose aller jusque-là, et tournant tout court: Je n'ai pas pour cela prétendu condamner les nouvelles interprétations de saint Augustin, quoique contraires à celles qui ont été reçues depuis les apôtres; c'est-à-dire, je n'ose pas condamner ce que les règles condamnent, ce que j'ai montré condamnable : j'ai bien posé le principe, mais je n'ose tirer la conséquence: je souhaite seulement que ceux qui font gloire d'étre ses disciples, ne fassent pas passer tous les sentimens de leur maître pour des articles de foi. Je vous l'ai déjà dit, M. Simon, vous voulez nous donner le change : il ne s'agit pas de savoir si tous les sentimens de saint Augustin sont des articles de foi : il s'agit de savoir si pour combattre ceux à qui vous le faites dire, à tort ou à droit, il n'importe, vous n'avez pas pris un tour qui porte trop loin, qui range saint Augustin au nombre des adversaires de la doctrine reçue depuis les apôtres, qui le note par conséquent et qui oblige à le rejeter comme un novateur : vous avez beau dire, je ne prétends pas, je n'ai pas dessein : c'est de même que tirer sa flèche contre quelqu'un et le percer de sa lance, et puis dire: Je ne l'ai pas fait tout de bon (1), je n'avois pas dessein de le blesser. On voit, dans cette préface de M. Simon, toute la suite de son ouvrage. A vrai dire, c'est à la doctrine de saint Augustin qu'il en veut partout : il y revient à toutes les pages avec un acharnement qui fait peur : il en est lui-même honteux, et il vou (1) Prov. XXVI. 19. droit bien pouvoir excuser un déchaînement si étrange. Au regard des Latins, dit-il (1), j'ai examiné plus au long les ouvrages de saint Augustin que ceux d'aucun autre, parce qu'il a eu des lumières particulières sur plusieurs passages du nouveau Testament, et qu'il a tiré beaucoup de choses de son fond. Sans doute son dessein étoit de faire admirer la fécondité de son génie, mais non : son dessein étoit de le reprendre partout, partout de le noter comme un novateur. CHAPITRE II. Diverses sortes d'accusations contre saint Augustin sur la matière de la grâce, et toutes sans preuves. JUSQUES ici il parle sans preuve, et je ne m'en étonne pas dans une préface où il s'agit seulement de proposer son dessein; mais partout il continue sur le même ton: il décide, il détermine, il suppose tout ce qu'il lui plaît; mais en produisant les endroits des Pères qui ont précédé, il n'en produit aucun de saint Augustin pour montrer qu'il leur soit contraire. Par exemple au chapitre v où il commence à vouloir entrer en matière (2), il apporte bien un passage de la Philocalie d'Origène, que nous avons déjà rapporté pour une autre fin, et nonseulement il loue cet auteur d'avoir soutenu le libre arbitre contre les gnostiques, mais il ajoute que son sentiment étoit alors celui de toute l'Eglise grecque, ou plutôt, continue-t-il, de toutes les Eglises du |