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monde avant saint Augustin, qui auroit peut-être préféré à ses sentimens une tradition si constante, s'il avoit lu avec soin les ouvrages des écrivains ecclésiastiques qui l'ont précédé. S'il avoit lu avec soin; il n'a donc pas lu, ou il a lu sans attention. Il plaît ainsi à M. Simon; mais si lui-même, qui l'accuse d'avoir lu sans soin, avoit lu avec soin seulement quatre ou cinq endroits des derniers ouvrages de ce Père, il y auroit appris qu'il a tout vu, qu'il a senti les difficultés dans toute leur étendue; mais aussi qu'il en a donné le vrai dénouement: s'il l'a fait sans citer les Pères ou sans les entendre, par malheur pour M. Simon, le reste de l'Eglise ne les avoit ni mieux lus, ni mieux entendus, puisqu'on a été content de ce que saint Augustin en a dit. Nous en parlerons ailleurs. Maintenant il nous suffit de remarquer que M. Simon accuse, sans preuve, saint Augustin de négligence. C'est ainsi qu'il agit toujours. En cet endroit et partout, à toutes les pages, saint Augustin, selon lui, a outré la grâce et affoibli le libre arbitre. Qu'il montre donc un seul endroit où il l'affoiblisse? Il n'a osé, car il sait bien qu'il l'a établi partout, je dis même dans ses ouvrages de la grâce, et peut-être encore mieux que dans tous les autres. Il outre la grâce, vous le dites; mais une preuve qu'il ne l'a pas fait, c'est que vous n'avez osé citer les endroits, ni marquer précisément en quoi il excède.

Nous avons déjà remarqué, outre la préface de M. Simon, deux endroits dans le corps du livre, où il rejette les sentimens de saint Augustin sur la grâce, et où il produit contre lui Vincent de Lerins,

comme si ses règles avoient été faites contre ce Père. Il le suppose; mais le prouve-t-il ? Nous avons coté ces endroits (1); qu'on les lise, on y trouvera des décisions de M. Simon, pas un passage de saint Augustin pour le convaincre d'avoir affoibli le libre arbitre, ou, ce qui est la même chose, d'avoir excédé sur la grâce.

Si je voulois ici transcrire tous les endroits où M. Simon accuse saint Augustin d'avoir voulu engager les pélagiens dans des opinions particulières (2), je fatiguerois le lecteur, qui les trouvera de luimême presqu'à chaque page. Je conclurai seulement, encore un coup, que si cela étoit, on auroit eu tort de tant vanter dans l'Eglise un auteur qui, en proposant aux pélagiens des opinions particulières, et non la doctrine commune, les auroit plutôt rebutés qu'il ne les auroit ramenés au grand chemin de la tradition.

CHAPITRE III.

Selon M. Simon c'est un préjugé contre un auteur, et un moyen de le déprimer, qu'il ait été attaché à saint Augustin.

Nous observerons dans la suite que ce qu'il appelle les opinions particulières de saint Augustin, sont des vérités incontestables, et la plupart trèsexpressément décidées dans les conciles. Tout ce que nous avons ici à remarquer, c'est le mépris que

(1) Ci-dessus. -- (2) P. 141, 252, 254, 255, 288, 290, 291, 292, 295, 298.

l'auteur inspire pour la doctrine de saint Augustin. Il est si grand, que tout au contraire des sentimens que nous avons vus dans les orthodoxes, c'est pour notre auteur une raison de censurer un écrivain, que d'avoir suivi ce Père dans la matière de la grâce. Il suit ordinairement, dit-il d'Alcuin (1), saint Augustin et Bède; et voici quel en est le fruit : c'est, poursuit-il, qu'il s'attache, non au sens littéral, mais à la manière des théologiens; et il ne fait pas toujours le choix des meilleures interprétations, étant prévenu de saint Augustin; où l'on peut voir, en passant, ce qu'il appelle la manière des théologiens; c'est de s'écarter du sens littéral, surtout lorsqu'on s'attache à saint Augustin ou à Bède, qui ne fait presque que le transcrire de mot à mot. Comme Claude de Turin, dit-il ailleurs (2), suit pour l'ordinaire saint Augustin sur les matières de la grâce, de la prédestination et du libre arbitre, il a quelquefois des expressions qui paroissent dures; mais on prendra garde que ce n'est pas lui qui parle : la faute en est à saint Augustin à qui il s'est attaché. Saint Thomas fait la même faute, et notre auteur le reprend dès les premiers mots de son Commentaire sur saint Paul, d'être tout rempli de l'explication de saint Augustin (3). Il le note un peu après, pour avoir embrassé le sentiment de saint Augustin (4). Lorsqu'il s'agit de ce Père, c'est une cause de récusation contre saint Thomas que d'y avoir été attaché. Estius, dit notre auteur (5), sur la dispute de saint Pierre et de saint Paul, n'apporte point d'autres preuves pour le sentiment de saint

() P. 348.) P. 35g. (3) P. 474. (4) P. 475. — (5) P. G17.

-

Augustin, que les raisons de ce Père depuis confirmées par saint Thomas; mais on sait, ajoute-t-il aussitôt après, que la théologie de ce dernier, n'est, pour l'ordinaire, qu'une confirmation de la doctrine de saint Augustin; c'est-à-dire, qu'on ne le doit pas écouter sur le sujet de ce Père, pour lequel il est trop prévenu. En parlant d'Adam Sasbouth, un docte interprète de saint Paul: S'il fait, dit-il (1), quelques réflexions, elles ne sont pas longues, parce qu'il est judicieux et qu'il ne dit presque rien qui ne soit à propos, si ce n'est qu'il s'étend quelquefois sur les interprétations des Pères, et qu'il prend parti pour celles de saint Augustin. Voilà tout le tort qu'il a, et le seul sujet de rabattre la louange qu'on lui donne d'être judicieux.

Jansénius de Gand a dit, avec tous les théologiens, que saint Augustin ayant eu à combattre l'hérésie de Pelage, a parlé plus exactement de la grâce. Le grand critique le relève magistralement, et la sentence qu'il prononce, c'est, dit-il (2), qu'il est vrai que saint Augustin a parlé plus en détail de la grâce, puisqu'il a traité exprès cette matière; mais il y a lieu de douter que les principes dont il s'est servi, et les conséquences qu'il en a tirées pour combattre plus fortement Pélage, doivent être préférés à ceux des anciens Pères, qu'il auroit pu suivre, détruisant en même temps les erreurs des pélagiens. Il tâche de faire perdre à ce docte Père l'avantage qui lui est commun avec tous les autres, d'avoir parlé plus correctement sur les vérités lorsqu'elles ont été contestées, (1) P. 639.(2) P. 604.

et

et de les avoir défendues avec plus de force qu'on ne faisoit auparavant. Un peu au-dessus: Il n'étoit pas nécessaire que saint Augustin inventat de nouveaux principes pour répondre aux pélagiens: il eút été, ce me semble, mieux, de suivre ceux qui avoient été établis par les anciens docteurs de l'Eglise. Au lieu de prendre ce bon et nécessaire parti, saint Augustin a pris celui de donner occasion aux pélagiens de dire qu'on s'élevoit contre les anciens docteurs, et qu'on leur opposoit des principes, non-seulement nouveaux, mais encore

outrés.

CHAPITRE IV.

M. Simon continue d'attribuer à saint Augustin l'erreur de faire Dieu auteur du péché avec Bucer et les protestans.

M. Simon pousse si loin cette idée, qu'à l'entendre saint Augustin, en combattant les pélagiens, s'est jeté dans l'autre excès, c'est-à-dire, dans les erreurs les plus odieuses de Luther et de Calvin. C'est ce qu'on aura souvent à remarquer, et je rapporterai seulement ici ce qu'il a dit de Bucer (1), lorsqu'en parlant des manières dures dont il s'exprime, quand il parle de la prédestination et de la réprobation, qui vont jusqu'à faire Dieu auteur du péché, il remarque que cet auteur cite pour lui les anciens écrivains ecclésiastiques; mais la sentence de M. Simon est qu'il se trompe en cela. Car,

(1) P. 744.

BOSSUET. V.

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