Images de page
PDF
ePub

dit-il, à la réserve de saint Augustin, et de ceux qui l'ont suivi, toute l'antiquité lui est contraire. Si l'on n'étoit trop accoutumé aux emportemens de M. Simon, il faudroit se récrier à chacune de ses paroles. On ne pouvoit plus formellement faire de saint Augustin un défenseur de Bucer et des duretés des protestans, un homme par conséquent plus propre à rebuter les pélagiens qu'à les instruire, et qui se laisse emporter aux excès les plus odieux. Tel est l'homme que l'Eglise a tant loué, et à qui elle a confié la défense de sa

cause.

Nous avons déjà remarqué (1), que pour préférer Pélage à saint Augustin, il dit que ce Père a fait Dieu auteur du péché : ici, pour lui égaler les protestans, il lui attribue la même erreur, et il n'y a point d'excès dont il ne l'accuse en faveur des hérétiques.

CHAPITRE V.

Ignorance du critique, qui táche d'affoiblir l'avantage de saint Augustin sur Julien, sous prétexte que ce Père savoit pas le grec: que saint Augustin a tiré contre ce pélagien tout l'avantage qu'on pouvoit tirer du texte grec, et lui a fermé la bouche.

ne

POUR ôter à saint Augustin la gloire d'avoir vaincu les pélagiens, il n'y a chicane où M. Simon ne descende, jusqu'à dire, que ce savant Père n'avoit pas toute l'érudition nécessaire pour cette (1) Ci-dessus. l. v. c. vii.

:

que

lui,

entreprise, parce qu'il ne savoit pas beaucoup de
grec; comme si tout consistoit à savoir les langues.
Il dit donc d'abord que Pélage s'étoit appliqué à
l'étude de l'Ecriture, et, comme on a vu, il relève
tellement son Commentaire sur les épîtres de saint
Paul, qu'il le met presque au-dessus de tous ceux
des Latins Mais Julien, poursuit-il (1), et ses
autres sectateurs étoient encore plus habiles
ayant eu une connoissance assez exacte de la lan-
gue grecque. Ils avoient lu de plus les commen-
tateurs grecs, principalement saint Jean-Chrysos-
tôme. Saint Augustin, qui n'avoit pas tous ces
avantages, n'a pas laissé de les combattre avec
succès et de les accabler en quelque manière,
non-seulement par la force de ses raisonnemens,
mais encore par un grand nombre de passages
du nouveau Testament, bien qu'il n'en apporte pas
toujours le sens propre et naturel, à cause, dit-il
deux pages après (2), qu'ayant eu des sentimens
particuliers sur la grâce et sur la prédestination,
il lui est quelquefois arrivé de rendre le sens de
son texte conforme à ses opinions.

On découvre de plus en plus les détours de notre critique, qui non - seulement fait marcher la louange avec le blâme, mais qui dans le fond ne dit jamais tout ce qu'il veut dire, et se prépare partout des échappatoires. Quoi qu'il en soit, il résulte assez clairement de son discours, que saint Augustin n'avoit pas sur Julien tout l'avantage qu'il falloit, à cause du peu de grec qu'il savoit, et parce qu'il n'avoit pas lu, à ce que

(1) P. 285.- (2) P. 288.

[ocr errors]

prétend ce critique, saint Chrysostôme et les autres commentateurs grecs; et il se déclare plus ouvertement, lorsqu'il ajoute (1): Qu'il ne prévient pas . toujours assez les objections de ses adversaires, dans l'explication des passages qui peuvent être interprétés de différentes manières, à cause de l'ambiguité des mots; c'est-à-dire que, faute de savoir le grec, saint Augustin est demeuré court contre les pélagiens, et, comme ajoute notre auteur, qu'il étoit difficile de remporter une victoire entière sur ces hérétiques, sans toutes ces vues, qui viennent de la connoissance des langues.

On ne peut en vérité admirer assez ces esprits bornés à cette sorte d'étude et à la critique, qui, sous prétexte que par ce secours on éclaicit quelques minuties, ou qu'on fortifie la bonne cause de quelques preuves accidentelles, s'imaginent que la victoire de la foi sur les hérésies ne sera jamais complète, s'ils ne s'en mêlent. Leur présomption fait pitié. Il faut n'avoir jamais ouvert saint Augustin pour ne pas sentir l'avantage qu'il a en toutes manières sur Julien, non-seulement par la bonté de la cause, mais encore par la force du génie. Pour ce qui est des avantages de la langue grecque, ce Père, sans se piquer d'en savoir beaucoup, loin de rien laisser passer à Julien, sait l'abattre par le texte grec d'une manière si vive, qu'il n'y avoit plus qu'à se taire. Quand Julien, ou par malice, ou par ignorance abusoit du mot latin PLURES, qui signifie tout ensemble et plusieurs, sans comparatif, et dans le comparatif un plus grand nombre, (1) P. 288 et 289.

ce qui lui servoit à éluder un passage de saint Paul dont il étoit accablé, saint Augustin ne lui dit qu'un mot, en lui faisant seulement ouvrir le grec des Epîtres de saint Paul : L'apôtre, dit-il (1), n'a pas écrit PLURES, un plus grand nombre; mais MULTOS sans rien comparer, c'est-à-dire simplement, plusicurs: il a parlé Grec,il a dit : molhovs, plusieurs, et non pas rλsigovs, un plus grand nombre; lisez, et taisez-vous. NON PRONUNTIAT, plures SED multos : GRECE LOCUTUS EST : πολλούς DIXIT, NON πλείσους : LEGE ET OBMUTESCE. Il n'y avoit en effet qu'à demeurer la bouche fermée et abandonner son argument.

Julien tâche d'éluder un passage de la Genèse de la version des 70, qù il est dit qu'aussitôt après le péché, nos premiers parens s'étoient fait cette forme d'habillement qui ne couvroit que les reins, et que les Grecs appellent περιζώματα, nom que la Vulgate a retenu en bon latin succinctoria, præcinctoria, et encore plus précisément campestria. On sait à quoi les saints Pères, et saint Au. gustin après eux, ont fait servir ces sortes d'habillemens saint Augustin l'explique en un mot par ces paroles: Qui vult intelligere quid senserint, debet considerare quid texerint (2): ou, comme il le propose ailleurs attende quid texerint et confitere quid senserint (5). Julien, qui ne vouloit pas reconnoître ce malheureux changement que le péché a fait en nous, tâche de persuader à ses lecteurs, que nos premiers parens couvrirent alors également tout leur corps, et il prétendoit que

:

:

(1) Op. imper. Lib. 11. n. 206. col. 1035. Bened.—2) De magt, e conc. l. 11. c. XXX. — (3) Oper. imper. l. iv. n. 37. pag. 113.

ce mot perizomata, se devoit traduire par le terme général, vestimenta (1), ce qui éludoit manifestement l'intention de l'écrivain sacré; mais saint Augustin ramène cet hérétique à la signification du terme grec, qui rendoit très-expressément l'hébreu de Moïse; et parce que Julien alléguoit quelques interprètes qui avoient traduit comme il vouloit, saint Augustin lui fait voir premièrement l'ignorance ou l'affectation manifeste de ces interprètes inconnus, qui n'avoient pas entendu, ou qui n'avoient pas voulu entendre un terme si clair; et secondement, quoi qu'il en fût, il démontroit que son argument subsistoit toujours; ce qu'il fait d'une manière si pressante, qu'on ne lui peut répliquer; si bien qu'il sait tout ensemble, et profiter des avantages qu'on tiroit du grec, et faire voir par la force de son génie, que la preuve de la vérité ne dépendoit pas des subtilités de la grammaire; parce qu'encore que son secours-ait son utilité, Dieu a mis la vérité dans son Ecriture d'une manière si forte par la suite de tout le discours, qu'elle ne laisseroit pas de se faire sentir indépendamment de ces minuties et de toutes les finesses du langage.

Il en use de la même sorte contre le même Julien, qui ne vouloit pas entendre ce qui résultoit contre lui de cette parole, où saint Paul montre qu'il y a en nous quelque chose de déshonnête, INHONESTA NOSTRA (2), sans doute depuis le péché ; puisque la sainteté du créateur ne permettoit pas qu'il fût sorti de

(1) Cont. Jul. l. v. c. 11. n. 5. p. 628, 629. — (1). I. Cor. xII. 23. Cont. Jul. l. IV. cap. xvI. n. 80. p. 624.

« PrécédentContinuer »