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table leçon par la suite du discours et du dessein de saint Paul, afin que personne ne s'y pût tromper ce qui est le fruit d'une solide et véritable critique.

CHAPITRE VII

Vaines et malignes remarques de l'auteur sur cette traduction: Eramus naturâ filii iræ : que saint Augustin y a vu tout ce qui s'y peut voir.

NOTRE auteur insinue encore artificieusement, à sa manière, que saint Augustin s'est trompé dans l'explication de ce passage NATURA FILII IRE: NOUS ÉTIONS, PAR LA NATURE, ENFANS DE COLÈRE (1). Je ne doute point, par exemple, dit ce critique (2), que saint Augustin n'ait très-bien expliqué à la lettre, dans son second livre (des Mérites et de la Rémission des péchés (3)), ces paroles de saint Paul : ERAMUS NATURA FILII IRÆ, qu'il entend du péché originel, parce que NATURA, ou comme il lit NATURALITER, est la même chose qu'ORIGINALITER. Pourquoi tant dissimuler ses sentimens ? Il fait semblant de ne douter pas que saint Augustin n'ait très-bien expliqué à la lettre, ce passage de saint Paul; et moi, sans hésiter, je dis qu'il en doute, et même qu'il n'en croit rien, et que ce sont là des détours de cet esprit tortillant, par lesquels il nous veut conduire au plus loin de ce qu'il semble dire d'abord. La raison que j'ai de le croire, c'est qu'il ajoute

(1) Ephes. 11. 3.- (3) P. a89.— (3) Lib. 11. de mer. et remiss! pecc. e. x. n. 15. p. 48.

φύσει,

aussitôt après ces propres mots : Mais saint Jérôme, qui est plus exact, a observé que le mot grec púga, auquel répond NATURA dans le latin, est ambigu, et qu'il peut être traduit par PRORSUS OU, OMNINO. S'il croit de si bonne foi que saint Augustin ait très-bien expliqué à la lettre l'endroit de saint Paul, pourquoi donc opposer ensuite l'interprétation de saint Jérôme, qui est plus exact? pourquoi encore la confirmer par l'ancienne version syriaque? pourquoi ajouter en confirmation que plusieurs scoliastes grecs ont cru que qúca ne signifioit en ce lieu que ynoíos véritablement, et conclure enfin par ces paroles (1) Ce qui rend encore ce passage plus obscur, c'est que le mot de colère se prend aussi dans l'Ecriture pour peine; et alors le sens seroit, nous méritions véritablement d'être punis.

:

Voilà comment il ne doute point que saint Augustin n'ait très-bien expliqué ce passage à la lettre, pendant qu'il en doute si bien, qu'il n'omet aucune raison pour nous en faire douter. Il faut, une fois, apprendre son malin langage et ses manières trompeuses. Mais il est aussi peu sincère dans le fond dans les manières. Car premièrement il impose à saint Augustin, en faisant accroire qu'il a lu, non point natura, mais naturaliter; ce qui n'est pas vrai. Saint Augustin a lu partout naturd (2); ce qu'il ajoute naturaliter, il ne l'ajoute pas comme le texte de l'apôtre, mais comme l'explication de quelques-uns, qu'il explique encore davantage par

que

(1) Lib. 11. de mer. et remiss. pecc. c. x. n. 15. p. 289. - (2) Cont. Jul. lib. v1. c. x. n. 32. p. 680. Op. imp. l. 11. c. ccxxv. p. 1008. et lib. IV. c. CXXIII. p. 1210.

originaliter. Pour s'en convaincre, il ne faut qu'entendre les propres paroles de ce Père, qui dit en termes formels, que ce qui est dans l'apôtre ERAMUS NATURA, est tourné par quelques-uns naturaliter, non selon le terme, mais selon le sens (1), ce qu'il répète encore en un autre endroit (2). Mais il a beau le répéter, notre critique ne l'entend pas davantage. Car à quelque prix que ce soit, il veut, jusqu'aux moindres choses, faire voir dans saint Augustin une ignorance du texte, ou bien une négligence de le consulter.

Secondement, saint Augustin n'a pas ignoré que le mot pura naturâ ne pût signifier en grec, dans une signification écartée, prorsus ou omnino (3) : car il ne le nie pas à Julien qui le lui objecte; mais il ne daigne pas s'arrêter à une interprétation qui auroit été extraordinaire, bizarre, affectée, n'y ayant rien qui obligeât l'apôtre à se servir, pour dire omnino, d'un autre terme que de las, qu'il emploie ordinairement pour cela; et il convainc Julien par la traduction latine, ne se trouvant presque aucuns livres latins où il ne soit écrit NATURA, par la nature, si ce n'est ceux, poursuit-il, que vous autres pélagiens aurez corrigés, ou plutot

que vous aurez corrompus; d'où il conclut, et très-bien, que c'est là le sens naturel, puisque c'est celui où s'est porté le gros des traducteurs; et que d'ailleurs il ne peut pas être mauvais, puisque s'il étoit mauvais, l'ancienne interprétation s'en seroit donnée de garde, et ne l'auroit pas suivi. On voit

(1) Vid. loc. citat. cont. Jul. loc. jam citat. cont. Jul. l. vi. c. x.

· (2) Oper. imp. loc. cit. (3) Vid.

donc que saint Augustin sait remuer les livres quand il faut, et en tirer tout l'avantage.

Troisièmement, il ne faut point imputer la traduction, naturá, à l'ignorance de la langue grecque, puisqu'il est certain que les plus anciens et les plus doctes commentateurs grecs, comme Origène contre Celse et sur saint Jean (1) et saint Chrysostôme (2) ont entendu la nature même, et non autre chose. Théodoret ne s'en est pas éloigné. Théophylacte interprète (3): Nous avons irrité Dieu, et nous n'étions que colère (tant la colère de Dieu nous avoit pénétrés), et comme le Fils de l'homme est homme par la nature, ainsi en étoit-il de nous (lorsque nous étions appelés enfans de colère); à quoi il ajoute après, qu'être par nature enfant de colère, c'est l'être véritablement zzi yaiws: ou il ne faut pas par ce dernier mot entendre véritablement comme l'interprète M. Simon; car Théophylacte avoit déjà dit véritablement ἀληθῶς, mais il ajoute και γνησίως : mot qui vient de génération, et qui emporte avec soi l'origine, la naissance, la nature même, comme il paroît entre autres choses par les expressions où le Fils de Dieu est appelé Fils, yunoios, ce qui ne veut rien dire de moins, si ce n'est qu'il l'est par sa naissance et par sa nature; d'où il s'ensuit que la naturelle et véritable interprétation est celle qui par pure nature, entend la nature même, et que l'autre interprétation prorsus, omnino est une interprétation étrangère et écartée, à laquelle l'an

(1) Orig. 1. 1. cont. Cels. p. 149, 150, 151. in Jo. Huet. tom. xxIII. fin. p. 315. xxv. p. 325.- (2) Chrys. hic. (3) Theo . phyl. hic.

cien traducteur latin a raison de n'avoir eu aucun égard, non plus que saint Augustin.

Quatrièmement, cette explication NATURA, par la nature, revient en particulier aux expressions de l'Ecriture, où il est parlé des nations à qui la malice est naturelle, et en général à l'analogie de la foi, comme saint Augustin l'a démontré; puisqu'il est clair par la foi qu'il nous faut renaître, ce qui ne seroit pas vrai si nous n'étions pas nés dans la corruption, ainsi que le Sauveur l'enseigne lui-même : Ce qui est né de la chair est chair; c'est-à-dire très-constamment, ce qui est né dans la corruption est corruption.

que

En cinquième et dernier lieu, M. Simon impose à saint Jérôme, lorsque pour montrer son exactitude supérieure à celle de saint Augustin, il lui fait dire simplement et absolument (1) que le mot grec quos, auquel répond NATURA, est ambigu, et qu'il peut être traduit par PRORSUS ou OMNINO; car cette ambiguité ne l'empêche pas de reconnoître le sens simple et naturel, qui est aussi celui qu'il appuie, est d'entendre que par nature, comme il fait lui-même; et quant à l'explication, prorsus, omnino premièrement, il remarque qu'elle n'est que de quelques-uns; secondement, il ne la reçoit qu'en la réduisant à la première, ce qui montre qu'il ne la regarde, non plus que saint Augustin, que comme une explication écartée qui mérite moins d'attention que celle de la Vulgate de ce temps-là, qui est conforme à la nôtre. Ainsi, toute la critique de M. Simon sur ce passage ne sert qu'à (1) P. 289.

:

faire

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