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faire voir, qu'à quelque prix que ce soit, il a voulu fournir des défenses à Julien le pélagien contre saint Augustin. Au surplus il ne s'agit pas des conséquences que saint Augustin a tirées de ce passage de saint Paul : il ne s'agit pas non plus de savoir si` le sens de M. Simon peut être souffert, ou même si quelques Pères l'ont suivi; il s'agit de soutenir la traduction de la Vulgate, comme la plus sûre, et l'explication de saint Augustin, qui se trouve la plus commune, comme étant en même temps la plus solide; il s'agit en général, dans tout cet endroit, de faire voir à M. Simon que ce Père, sans vanter son grec, sans faire le critique à outrance, ni le savant de profession, a su tirer et du grec et de la critique tous les avantages que la bonne cause en pouvoit attendre, et que rien ne lui manquoit pour attérer Pélage et tous ses disciples, qui s'enfloient beaucoup de leur inutile et présomptueuse science.

CHAPITRE VIII.

Que saint Augustin a lu quand il falloit les Pères grecs, et qu'il a su profiter, autant qu'il étoit possible, de l'original pour convaincre les pélagiens.

VOILA Ce qui regarde l'ignorance qu'on veut attribuer à saint Augustin de l'original du nouveau Testament. Pour ce qui est de saint Chrysostôme et des autres commentateurs grecs, j'avouerai, sans beaucoup de peine, que ce n'étoit pas la coutume alors que des évêques aussi occupés que saint Augustin dans la prédication de la parole de Dieu, BOSSUET. V.

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dans la méditation de l'Ecriture, et dans le gouvernement ecclésiastiqne, employassent beaucoup de temps à les lire. Car au fond, je ne vois pas que les Latins fussent plus obligés à lire les grecs, que les Grecs à lire les Latins. En Jésus-Christ, il n'y a ni Romains, ni grecs, et Dieu est riche envers tous ceux qui l'invoquent. L'Evangile, pour avoir été écrit en grec, n'en est pas plus aux Grecs qu'aux Latins. C'est une extravagance de s'imaginer que le petit secours qu'on tire du grec, donne plus d'autorité aux uns qu'aux autres. Autrement, il faudroit encore aller aux Hébreux pour l'ancien Testament, et leur donner plus d'autorité qu'aux chrétiens. Ce qui est bien assuré, c'est que saint Augustin lisoit les Grecs et les lisoit avec une entière pénétration, lorsqu'il étoit nécessaire, pour défendre la tradition. Ainsi, quand Julien lui objecta un passage de saint Chrysostôme contre le pé ché originel, il sut bien remarquer qu'il ne l'avoit pas traduit selon le grec (1), et que le traducteur, quel qu'il fût, avoit tourné sa traduction d'une manière désavantageuse à la propagation du péché d'Adam. Mais il ôte cet avantage aux pélagiens en recourant à l'original, et il épuise tellement toute la matière, qu'encore aujourd'hui les théologiens n'ont point d'autre solution pour ce passage de saint Chrysostôme, que celle de saint Augustin. Le fait est constant, et sans prévenir ce qu'on en verra dans les chapitres suivans, il suffit de voir ici que Julien n'a pu imposer à saint Augustin par une infidèle version. Au reste, ce saint docteur rapporte, (1) Lib. 1. contr. Jul. c. vi. n. 22. pag. 510.

quand il le faut, le texte grec (1), tant celui de saint Chrysostôme, que celui de saint Basile et de saint Grégoire de Nazianze : il le traduit mot à mot; il en pèse tous les mots avec autant d'exactitude que pourroient faire les plus grands Grecs; et il montre à nos faux savans comment on peut suppléer au défaut des langues.

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Mais pour prouver les sentimens de l'Eglise grecque, ce Père a des argumens bien au-dessus des minuties auxquelles M. Simon et ses semblables voudroient assujettir la théologie. Nous les verrons dans la suite, et bientôt nous verrons, dis-je, que saint Augustin, bien éloigné de M. Simon et des critiques ses imitateurs, qui imaginent des oppositions entre les anciens et les modernes, entre les Grecs et les Latins, les concilioit au contraire par des principes certains, qui ne dépendent ni des langues, ni de la critique ; ce qui néanmoins n'empêcha pas que pour confondre les pélagiens par toutes sortes d'autorités, et par toutes sortes de méthodes, il n'ait aussi, comme on vient de voir, tourné contre eux le grec dont ils abusoient.

CHAPITRE IX.

Causes de l'acharnement de M. Simon et de quelques critiques modernes contre saint Augustin.

On voit avec quel excès, et en même temps avec quel aveuglement et quelle injustice on s'opiniâtre

(1) Lib. 1. cont. Jul. e. vi. n. 22. pag. 513 et alib.

à décrier saint Augustin, et à le chicaner sur toutes choses. Cette aversion des nouveaux critiques contre ce Père ne peut avoir qu'un mauvais principe, Tous ceux qui, par quelque endroit que ce fût, ont voulu favoriser les pélagiens, sont devenus naturellement les ennemis de saint Augustin. Ainsi les semi-pélagiens, quoiqu'en apparence plus modérés que les autres, néanmoins se sont attachés, dit saint Prosper (1), à le déchirer avec fureur, et ils ont cru pouvoir renverser tous les remparts de l'Eglise, et toutes les autorités dont elle s'appuie, s'ils battoient de toute leur force cette tour si élevée et si ferme. Un même esprit anime ceux qui attaquent encore aujourd'hui un si grand homme. Qu'on en pénètre le fond, on les trouvera attachés à la doctrine de Pélage et des demi-pélagiens, ainsi que nous l'allons voir de M. Simon. Mais ils n'en veulent pas seulement à la doctrine de la grâce. Saint Augustin est celui de tous les docteurs, qui par une pleine compréhension de toute la matière théologique, a su nous donner un corps de théologie, et pour me servir des termes de M. Simon, un systéme plus suivi de la religion, que tous les autres qui en ont écrit. On ne peut mieux attaquer l'Eglise, qu'en attaquant la doctrine et l'autorité de ce sublime docteur. C'est pourquoi on voit à présent les protestans concourir à le décrier. Déjà, pour les sociniens, on voit bien dans les erreurs qu'ils ont embrassées, que c'est leur plus grand ennemi : les autres protestans commencent à se repentir d'avoir tant loué un Père qui les accable; et on trouve

(1) Cont. Coll. cap. xxI. n. 57. in app. T. x. Aug. p. 195.

des catholiques qui, par une fausse critique, se laissent imprimer de cet esprit.

CHAPITRE X.

Deux erreurs de M. Simon sur le péché originel : première erreur, que par ce péché il faut entendre la mort et les autres peines : Grotius auteur, et M. Simon défenseur de cette hérésie : ce dernier excuse Théodore de Mopsueste, et insinue que saint Augustin expliquoit le péché originel d'une manière particulière.

POUR procéder maintenant à la découverte des erreurs particulières de M. Simon, j'en trouve deux sur le péché originel, l'une qu'il en change l'idée, l'autre qu'il en ruine la preuve.

Sur le premier point, il faut savoir qu'il se répand une opinion parmi les critiques modernes, que le péché originel n'est pas ce qu'on pense : que saint Augustin, et après lui les occidentaux, l'ont poussé trop loin que les Grecs et saint Chrysostôme l'ont mieux entendu, en expliquant ( ce sont les paroles de M. Simon (1)) plutôt de la peine due au péché, c'est-à-dire, de la mort, que du péché même, ces paroles de saint Paul : LE PÉCHÉ EST ENTRÉ DANS LE MONDE PAR UN SEUL HOMME, reste.

et le

La proposition ainsi énoncée, est formellement condamnée par ces paroles du concile de Trente (2): Si quelqu'un dit qu'Adam, par sa désobéissance, ait transmis dans le genre humain la mort seule(1) P. 171.—(2) Sess. v. can. 11.

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