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avoué par notre auteur (1), qui reconnoît que si saint Augustin a établi la nécessité de l'eucharistie, égale à celle du baptême, c'étoit en suivant la créance de son temps (2). Afin qu'on n'en doute pas, il répète encore, que toute l'antiquité a inféré de ce passage (de saint Jean, vi.) la nécessité de donner actuellement l'eucharistie, aussi bien que le baptême (3). Mais ce n'est pas le langage d'un homme qui veut défendre la tradition de l'Eglise : c'est au contraire le langage d'un homme qui a entrepris de la détruire; et qui veut faire conclure aux protestans, que si l'Eglise s'est trompée dans la créance qu'elle avoit de la nécessité de l'eucharistie, et est aujourd'hui obligée de se dédire, elle peut aussi bien s'être trompée, non - seulement sur la nécessité du baptême, mais encore sur toutes les autres parties de sa doctrine, n'y ayant aucune raison de la rendre plus infaillible dans une partie de la doctrine révélée de Dieu, que dans l'autre.

CHAPITRE XIII.

M. Simon, en soutenant que l'Eglise ancienne a cru la nécessité absolue de l'eucharistie, favorise des hérétiques manifestes, condamnés par deux conciles œcuméniques, premièrement par celui de Bále, et ensuite par celui de Trente.

VOILA donc l'erreur manifeste de M. Simon, d'admettre, comme certain, un fait qui renverse le fondement et l'infaillibilité de l'Eglise; mais sa

(1) Lib. 111. testim. 25. — (2) P. 287. — (3) P. 610.

faute n'est pas moins grande, en ce que, dans un article particulier, il donne gain de cause à des hérétiques, qui ont été réprouvés par le concile de Bâle.

On sait avec quelle obstination les Bohémiens soutenoient la nécessité de communier les petits enfans. Ils se fondoient sur ce passage de saint Jean VI: et ils soutenoient que saint Augustin et toute l'Eglise ancienne l'avoient entendu comme eux (1). C'est ce que le concile de Bâle ne put souffrir; et, dans l'accord qui fut fait avec eux par les légats de ce concile, on les obligea expressément à se départir de la communion des enfans. Ils y revenoient pourtant toujours, et ce concile, en ce point, approuvé de toute l'Eglise et du pape même, ne cessoit de s'y opposer, parce que l'Eglise n'entendoit point que la communion des enfans fût autorisée comme nécessaire. Mais aujourd'hui M. Simon vient soutenir ces hérétiques et condamner le concile; puisqu'il assure que les hérétiques suivoient l'ancienne doctrine, et que le concile et toute l'Eglise s'y opposoit.

On voit donc déjà un concile œcuménique qui condamne M. Simon : c'est le concile de Bâle dans les actes qu'il a passés avec une pleine autorité, du consentement du pape; car l'accord dont il a été parlé, est de l'an 1432, durant les premières sessions qui ont été, comme on sait, autorisées par Eugène IV; et depuis même les contestations, ce pape a toujours maintenu l'accord, qui n'a jamais souffert aucune atteinte,

(1) Æn. Sylv. Hist. Bohem.

Mais si M. Simon a ignoré la décision du concile de Bâle, il n'a pas dû ignorer celle du concile de Trente, qui, en parlant de la coutume ancienne de donner la communion aux petits enfans, décide en termes formels, que comme les Pères ont eu de bonnes raisons de faire ce qu'ils ont fait, aussi faut-il croire sans aucun doute qu'ils ne l'ont fait par aucune nécessité de salut (1) : ce qui se trouvera faux, si la nécessité de salut, égale dans l'eucharistie et dans le baptême, a été le fondement de leur pratique, ainsi que le soutient M. Simon. Sa critique est donc opposée à celle de deux conciles œcuméniques, et expressément condamnée par celui de Trente, à quoi il n'y a autre réponse à faire pour lui, sinon que ce n'est pas ici le seul endroit où il méprise l'autorité des plus grands conciles.

CHAPITRE XIV.

Mauvaise foi de M. Simon, qui, en accusant saint Augustin et toute l'antiquité d'avoir erré sur la nécessité de l'eucharistie, dissimule le sentiment de saint Fulgence, auteur du méme siècle que saint Augustin, et qui faisoit profession d'étre son lisciple, méme dans cette question, où il fonde sa résolution sur la doctrine de ce

Père.

IL suppose contre ces conciles, comme un fait constant, que saint Augustin et toute l'Eglise enseignoient la nécessité de l'eucharistie égale à celle du baptême; mais il n'y a nulle bonne foi dans son

(1) Sess. 21. c. IV.

procédé, puisqu'il dissimule toutes les raisons dont le sentiment contraire est appuyé.

Il est vrai qu'il rapporte la réponse du cardinal Tolet (1), que les enfans étoient censés recevoir l'eucharistie dans le baptême, parce qu'ils devenoient alors membres du corps mystique de Jésus - Christ; et qu'ainsi ils participoient en quelque manière au sacrement de l'eucharistie; mais il méprise cette réponse qui est la seule qu'on puisse opposer à l'hérésie des Bohémiens, et il croit la détruire par cette seule parole (2) : Il y a bien de la subtilité; c'est-à-dire, dans son style, bien de la chicane et du raffinement, dans cette interprétation, et toute l'antiquité reconnoit la nécessité de donner actuellement l'eucharistie aux enfans.

Il dissimule que cette réponse du cardinal Tolet est celle non-seulement des cardinaux Bellarmin et du Péron, de tous ceux qui ont entrepris de soutenir la tradition contre les protestans, et de toute l'Ecole, mais encore celle de saint Fulgence, qui', consulté sur la question dont il s'agit, a expliqué saint Augustin comme a fait Tolet, et comme fait encore aujourd'hui toute la théologie (3). Cette autorité de saint Fulgence n'est ignorée de personne. On le consultoit sur le salut d'un éthiopien, qui après avoir long-temps demandé le baptême en bonne santé, le reçut enfin fort malade et sans connoissance dans l'église même, et mourut dans l'intervalle qu'il y avoit entre la cérémonie du baptême et le temps de la communion. Ainsi il ne fut pas (1) P. 609. (3) Epist. Ferrandi diac. ad Fulgent. et Fulg. resp. c. 11. t. 1x. Bibl. Pat. p. 172, et seq.

(2) P. 610.

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communié. Le diacre Ferrand, dont le nom est célèbre dans l'Eglise, consulte saint Fulgence, le plus grand théologien et le plus saint évêque de son temps, sur le salut de l'éthiopien, et ce grand docteur n'hésite pas à prononcer en faveur du baptisé. Personne ne l'a repris, et au contraire on acquiesce à sa décision.

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Le cas n'étoit pourtant pas extraordinaire. Il y avoit assez de distance entre le baptême et la communion, puisque ce temps comprenoit la consécration des mystères, avec tout le sacrifice de l'eucharistie; et saint Fulgence parle de la mort qui arrivoit dans cet intervalle à quelques-uns comme d'une chose assez commune, sans que pourtant on fût en peine de leur salut. Ce n'étoit donc pas alors le sentiment de l'Eglise, que la nécessité de l'eucharistie fût égale à celle du baptême; mais si ce ne l'étoit pas alors, ce ne l'étoit pas auparavant, ni du temps de saint Augustin. Saint Fulgence en étoit trop proche, et trop fidèle disciple de ce grand saint. On voit en effet qu'il résout la question par saint Augustin, et sur le même principe dont nous nous servons encore aujourd'hui, que dès qu'on est baptisé, on est par le baptême méme rendu participant du corps et du sang de Jésus-Christ, d'où saint Fulgence conclut, qu'on n'est donc pas privé de la participation de ce corps et de ce sang, lorsqu'on a été baptisé, encore qu'on sorte de cette vie avant de les avoir reçus.

que

Voilà ce principe tant méprisé par M. Simon dans sa critique sur Tolet. C'est pourtant le principe de saint Fulgence; c'est le principe de saint

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