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pouvoit présupposer qu'ils n'eussent point de péché si la forme du baptême étoit fausse en eux; si lorsqu'on les exorcisoit, on pouvoit croire en même temps qu'ils ne naissoient pas sous la puissance du démon : en un mot, si Jésus leur étoit Jésus, et si la force de ce nom, qui n'est imposé au Sauveur que pour nous sauver des péchés, n'étoit pas pour eux. Ce n'étoit point là une question indifférente. C'est au contraire, dit saint Augustin (1), une question sur laquelle roule la religion chrétienne, comme sur un point capital: IN QUA CHRISTIANÆ RELIGIONIS SUMMA CONSISTIT. Il s'agit du fondement de la foi : hoc ad ipsa fideI PERTINET FUNDAMENTA. Quiconque nous veut ôter la doctrine du péché originel, nous veut ôter tout ce qui nous fait croire en Jésus-Christ comme Sauveur : TOTUM QUOD IN CHRISTUM CREDIMUS (2). Voilà un premier principe. Le second n'est pas moins certain. Sur de telles questions, il ne peut y avoir de diversité entre les anciens et les modernes, entre les Grecs et les Latins: autrement il n'y a plus d'unité, de vérité, de consentement dans l'Eglise. Si dans une même maison, dans l'Eglise de JésusChrist, il y en a un qui bátit et un autre qui détruit, que leur reste-t-il, qu'un vain travail? S'il y en a un qui prie et un qui maudit, duquel des deux Dicu écoutera-t-il la voix (3)? C'est donc un fondement inébranlable, que sur la matière du péché originel, il ne peut y avoir de contestation entre les Pères anciens et nouveaux, grecs ou latins.

Cela posé, voyons maintenant dans les livres

- (3) Eccli.

(1) Cont. Jul. l. 1. c. vII. n. 34. — (2) Ibid. c. vi. n. 22. — XXXIV. 28, 29.

contre Julien, et dans quelques autres, où saint Augustin traite la même matière, comment il procède, et quelles règles il donne pour concilier les anciens Pères avec les nouveaux, et les Grecs, et entre autres saint Chrysostôme avec les Latins. Ceux qui savent de quelle importance est cet examen dans toutes les matières de la religion, et en particulier dans la matière de la grâce, ne s'étonneront pas de m'y voir ici entrer un peu à fond, parce qu'il s'agit du dénouement de ce que nous avons à dire, non-seulement sur le péché originel, mais encore sur toutes les autres matières que nous aurons à traiter dans tout le reste de cet ouvrage. Il s'agit aussi de donner des principes généraux contre la fausse critique et contre toutes les nouveautés de M. Simon. L'occasion est trop favorable pour la manquer, et la chose trop importante pour ne la pas faire avec toute l'application et l'étendue nécessaire.

CHAPITRE II.

Quatre principes infaillibles de saint Augustin pour établir sa méthode : premier principe : que la tradition étant établie par des actes authentiques et universels, la discussion des passage particuliers des saints Pères n'est pas absolument nécessaire.

Le premier principe de saint Augustin est, qu'il n'est pas même absolument nécessaire d'entrer en particulier dans la discussion des sentimens de tous les Pères, lorsque la tradition est constamment éta

blie par des actes publics, authentiques et universels, tels qu'étoient dans la matière du péché originel le baptême des petits enfans en la rémission des péchés, et les exorcismes qu'on faisoit sur eux avant que de les présenter à ce sacrement, puisque cela présupposoit qu'ils naissoient sous la puissance du diable, et qu'il y avoit un péché à leur remettre (1). Saint Augustin a démontré dans tous les endroits que nous avons rapportés et en beaucoup d'autres, que cette pratique de l'Eglise étoit suflisante pour établir le péché originel. Il attaque Julien personnellement par cet endroit. Etant fils d'un saint homme, qui depuis fut élevé à l'épiscopat, il est à croire qu'il avoit reçu dès son enfance tous les sacremens ordinaires. Dans cette présupposition saint Augustin lui dit (2) : Vous avez été baptisé étant enfant, vous avez été exorcisé, on a chassé de vous le démon par le souffle. Mauvais enfant! vous voulez ôter à votre mère ce que vous en avez vous-même reçu, et les sacremens par lesquels elle vous a enfanté. Par-là donc la tradition de l'Eglise demeuroit constante, et on ne pouvoit s'y opposer, disoit saint Augustin, non plus qu'à la conséquence qu'on en tiroit pour le péché originel, sans renverser le fondement de l'Eglise. De cette sorte la tradition en étoit fondée sur des actes incontestables, avant même qu'on fût obligé d'entrer dans la discussion des passages particuliers; et ainsi cette discussion n'étoit pas absolument nécessaire.

(1) De præd. SS. c. xiv. n. 27. lib. v1. contr. Jul. c. v. n. 11. et alib. pass.(2) Cont. Jul. lib. 1. c. iv. n. 14.

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CHAPITRE III.

Second principe de saint Augustin: le témoignage de l'Eglise d'Occident suffit pour établir la saine doctrine.

Le second principe de saint Augustin : quand par abondance de droit, on voudra entrer dans cette discussion particulière, il y a de quoi se contenter du témoignage de l'Eglise d'Occident. Car sans encore présupposer dans cette Eglise aucune prérogative qui la rende plus croyable, c'est assez à saint Augustin qu'il fût certain que les Orientaux étoient chrétiens, qu'il n'y eût qu'une foi dans toute la terre, et que cette foi étoit la foi chrétienne (1); d'où ce Père concluoit (2) que cette partie du monde devoit suffire à Julien pour le convaincre non qu'il fallût mépriser les Grecs, mais parce qu'on ne pouvoit présupposer qu'ils eussent une autre foi que les Latins, sans détruire l'Eglise en la divisant.

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Cependant saint Augustin insinuoit le manifeste avantage de l'Eglise latine. Pélage même avoit loué la foi romaine qu'il reconnoissoit et louoit, principalement dans saint Ambroise, in cujus præcipuè libris romana elucet fides (3). Le même Pélage avoit promis, dans sa profession de foi, de se soumettre à saint Innocent qui gardoit la foi, comme il occupoit le siége de saint Pierre : Qui Petri fidem et sedem tenet (4). Célestius et Julien même s'étoient

(1) Cont. Jul. lib. 1. c. 1v. n. 14. — (2) Ibid. n. 13. — (3) Cont. Jul. 1. 1. c. vii. n. 3o. (4) Garn. diss. v. p. 309.

soumis à ce siége. Saint Augustin avoit donc raison de lui en recommander la dignité en cette sorte (1): Je crois que cette partie du monde vous doit suffire, où. Dieu a voulu couronner d'un glorieux martyre le premier de ses apótres. C'étoit l'honneur de l'Occident d'avoir à sa tête et dans son enceinte, ce premier siége du monde. Saint Augustin ne manquoit pas de faire valoir en cette occasion cette primauté, lorsque citant, après tous les Pères, le pape saint Innocent, il remarquoit que s'il étoit le dernier en áge, il étoit le premier par sa place, POSTERIOR TEMPORE, PRIOR LOCO (2). Le premier, par conséquent, en autorité. C'est pourquoi, dans la suite, récapitulant ce qu'il avoit dit (3), il le met à la tête de tous les Pères qu'il avoit cités; à la tête, dis-je, de saint Cyprien, de saint Basile, de saint Grégoire de Nazianze, de saint Hilaire et de saint Ambroise, sans nommer les autres qui étoient compris dans ceux-ci. Il tiroit donc de tout cela une raison particulière pour obliger Julien à se contenter de l'Occident; et pour montrer qu'il n'y avoit plus à consulter l'Orient, il concluoit en cette sorte (4) : Qu'est-ce que ce saint homme (le pape Innocent), eút pu répondre aux conciles d'Afrique, si ce n'est ce que le saint Siége apostolique et l'Eglise romaine tiennent de tout temps avec toutes les autres? C'est donc le second principe de saint Augustin, que l'autorité de l'Occident étoit plus que suffisante pour autoriser un dogme de foi.

(1) Cont. Jul. l. 1. c. Iv. n. 13. — (2) Ibid. - (4) Ibid. c. 1v. n. 13.

(3) Ibid. c. VI. n. 22.

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