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qu'en sortant de ce monde, le diable se mettoit en possession de son ame (1). Voilà les idées du concile de Carthage, des papes, de saint Augustin. C'étoit aussi celle de saint Chrysostôme, et nous verrons que cette cédule d'Adam, dont parle Nestorius, venoit de ce saint, comme une phrase héréditaire dans la chaire de ce Père, où Nestorius la prêchoit; et on voit toujours dans l'Eglise de Constantinople la tradition du péché originel venue de Sisinnius, d'Atticus, et enfin, très-expressément de saint Chrysostôme c'est pourquoi saint Célestin reproche à Nestorius, non pas de ne pas tenir le péché originel, mais de protéger ceux qui le nioient contre le sentiment de ses prédécesseurs, et entre autres d'Atticus, qui en cela, dit saint Célestin (2), est vraiment successeur du bienheureux Jean, qui est saint Jean-Chrysostôme; par conséquent ce Père étoit proposé comme une des sources de la tradition du péché originel, loin qu'on le soupçonnât d'y être contraire ou de l'avoir obscurcie. Je trouve encore dans la lettre du pape saint Zozime à tous les évêques, contre les pélagiens, une expresse et honorable mention du même Père (3). On ne l'eût pas été chercher pour le nommer dans cette occasion, si son témoignage contre l'erreur n'eût été célèbre. Son autorité étoit si grande en Orient, qu'elle y eût partagé les esprits. On voit cependant que rien ne résiste; et c'est ainsi que tout l'Orient, à l'exemple de l'Eglise de Constantinople, poursuivoit les péla

p. 81..

(1) Serm. 11.'adv. Pelag. apud Mer. inter. Nest. Tract. n. 7, 10. (2) Cælest Epist. ad Nest. (3) Apud. Garn. in lib. Jul. p. 4. n. 7. t. 1. diss. 1. pag. 383.

BOSSUET. V.

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giens, sans leur laisser le loisir de poser le pied nulle part, UT nec standi quidem ILLIC COPIA PRÆSTARETUR, comme dit très-bien saint Célestin (1).

On peut rapporter à ce même, temps les Avertissemens ou les Remontrances et les Mémoires de Mercator, présentés à Constantinople à l'empereur Théodose le jeune, et les autres instructions du même auteur, contre Célestius et Julien, toutes formées selon les idées des papes et des conciles d'Afrique, et encore très-expressément selon celles de saint Augustin qu'il cite à toutes les pages; en sorte qu'il faut avoir perdu l'esprit pour dire que l'Orient, ou qui que ce soit, soupçonnât ce Père d'être novateur, ou d'avoir expliqué le péché originel autrement que tout l'univers et la Grèce en particulier ne faisoit alors.

Je n'ai pas besoin de rapporter le décret du concile œcuménique d'Ephèse, où deux cents évêques de tous les côtés de l'Orient condamnèrent les pélagiens, et il ne reste qu'à remarquer que ce fut bien constamment selon les idées de tout l'Occident; puisque ce fut après avoir lu les actes envoyés par saint Célestin, sur la déposition des impies pélagiens et célestiens, de Pélage, de Célestius, de Julien et des autres (2).

Je pourrois ici alléguer saint Jean de Damas, qui le premier a donné à l'Eglise grecque tout un corps de théologie dans un seul volume, et qui peut-être a ouvert ce pas aux Latins.

Il présuppose partout que le démon envieux de notre bonheur dans la jouissance des choses d'en

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haut, a rendu l'homme, par où il entend le genre. humain, superbe comme lui, et l'a précipité dans l'abíme où il étoit (1), c'est-à-dire, dans la damnation; que la rémission des péchés nous est donnée de Dieu par le baptême, que nous en avions besoin pour avoir, quand il nous a faits, transgressé son commandement (2); et que c'est pour nous délivrer de cette transgression que Jésus-Christ a ouvert, dans son sacré côté, une source de rémission dans l'eau qui en est sortie (3); que l'homme ayant transgressé le commandement, le Fils de Dieu, en prenant notre nature, nous a rendu l'image de Dieu que nous n'avions pas gardée, afin de nous purifier:. que de même que par notre première naissance nous avons été faits semblables à Adam, de qui nous avons hérité la malédiction et la mort; ainsi par la seconde nous sommes faits semblables à JésusChrist; ce qui présuppose d'un côté le péché, comme la justice de l'autre : qu'en recevant la suggestion du démon, et transgressant le commandement, nous nous sommes nous-mêmes livrés au péché (4); d'où aussi nous est venue la concupiscence et la loi contraire à l'esprit : que le baptême est une nouvelle circoncision qui retranche en nous le péché (5). On trouvera tout cela, et d'autres choses semblables dans ce docte Père, qui présupposent dans le genre humain, non-seulement les effets de la transgression, mais encore la transgression même d'Adam, et font en lui de tout le genre humain un seul pécheur.

(1) Lib. 11. c. XXX. —
. (2) Lib. 111. c. IV.
(5) Ib. c. xxvI.

IV. C. XXIII. —

(3) Ib. c. XIV.

(4) Lib.

Enfin, il faut dire encore que tout l'Orient per siste dans cette foi; puisque ni dans le concile de Lyon, ni dans celui de Florence, il ne paroît aucune ombre de contestation entre les Grecs et les Latins, sur le fond ou sur la notion du péché originel; au contraire, on y définit, du commun accord des deux Eglises, que les enfans qui mouroient avec le seul péché originel, aussi bien que les adultes qui mouroient en péché mortel, alloient en enfer. Ceux des Grecs qui ont depuis rompu l'union, n'ont pas seulement songé à contester cet article. La même idée se trouve toujours dans les actes de cette Eglise, et en dernier lieu dans les déclarations du patriarche Jérémie, adressées aux luthériens et dans sa première réponse, confirmée par toutes les autres; ce qui sert encore à faire voir le sentiment de saint Chrysostôme, puisque M. Simon demeure d'accord que tout l'Orient en suit les idées, et qu'il est le saint Augustin de l'Eglise grecque,

CHAPITRE XI.

Conclusion: qu'il est impossible que les Grecs et les Latins ne soient pas d'accord: application à saint Chrysostóme que le sentiment que Grotius et M. Simon lui attribuent sur la mort, induit dans les enfans méme un véritable péché, qui ne peut être que l'originel.

PAR cette excellente méthode, qui est fondée sur les principes de saint Augustin, on voit que la dispute que M. Simon veut introduire entre les anciens et les modernes, entre les Grecs et les La

tins, non-seulement est imaginaire, mais encore entièrement impossible; et ce qui montre que le moyen dont nous nous servons après ce Père pour concilier toutes choses, est sûr et infaillible, c'est qu'en effet on trouvera, en entrant dans le détail des passages, à l'exemple de saint Augustin, que ce Père et tous les Latins ne tiennent pas dans le fond un autre langage que les Grecs; et il ne faut point s'imaginer que cette discussion soit difficile. Car pour abréger la preuve, il faut d'abord supposer un fait constant: c'est que tous les Pères unanimement, sans en excepter saint Chrysostôme, ont attribué la mort et les autres misères corporelles du genre humain, à la punition du péché d'Adam. Grotius et M. Simon en sont d'accord, comme on l'a vu. Toute leur finesse consiste à distinguer le péché originel de l'assujettissement à la mort et à la misère, et il ne nous reste plus qu'à faire voir que cette distinction est entièrement chimérique.

CHAPITRE XII.

Que saint Augustin a raison de supposer comme incontestable, que la mort est la peine du péché : principe de ce saint, que la peine ne peut passer à ceux à qui le péché ne passe pas que le concile d'Orange a présupposé ce principe comme indubitable.

La preuve en est toute faite par saint Augustin, qui a démontré en cent endroits que la peine du péché d'Adam n'a pu passer dans ses descendans

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