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leurs personnes, il a pris sur lui tous leurs péchés; c'est ainsi qu'il a pu être puni, quoique juste. C'est là, dit saint Augustin (1), sa prérogative particulière, SINGULAREM MEDIATORIS PRÆROGATIVAM : c'est ce qu'il y a en lui de singulier, qui ne peut convenir à aucun autre c'est ce qui le fait notre rédempteur. Il a expié tous les péchés, à cause qu'il en a subi le châtiment sans en avoir le démérite; et en tout autre que lui, selon les règles invariables de la justice divine, afin que la peine suive, il faut que le péché ait précédé.

CHAPITRE XVII.

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Les pélagiens ont reconnu que la peine ne marche point sans la coulpe: cette vérité qu'ils n'ont pu nier, les a jetés dans des embarras inexplicables: absurdités de Pélage et celles de Julien excellemment réfutées par saint Augustin.

Er ce qui met cette vérité au-dessus de tout doute, c'est que tout le monde en a été tellement frappé, que Pélage et tous ses maîtres, comme Théodore de Mopsueste et Rufin le syrien, avec ses disciples Célestius et les autres, posoient d'abord pour principe que la mort étoit naturelle et non pénale; en sorte qu'Adam fût mort, soit qu'il eût péché, ou non (2); ce qui étoit à des chrétiens la dernière absurdité, après cette sentence de la Ge(2) Comm. in Rom. apud Phot. cod. 77. Symb. Theod. ap. Mercat. c. iv, v, vi. Garn. diss. 1v. lib. Ruf. Syr. apud Mercat.

(1) Lib. iv. ad Bonif. cap. iv. n. 6. p. 471.

nèse : En quelque jour que tu mangeras de ce fruit, tu mourras ; et cette interprétation de saint Paul : La mort est la peine du péché. Encore donc que la chose du monde la plus évidente, par ces passages et cent autres, fût que la mort étoit la peine du péché, les pélagiens furent contraints de nier cette vérité et de donner la torture à tous ces passages, parce qu'ils ne voyoient, sans cela, aucun moyen d'éviter le péché originel (1); personne ne soupçonnant que si la mort eût été un supplice, elle pût être encourue par des enfans qu'on présupposoit innocens.

Et cette vérité les pressoit si fort, que Julien n'en pouvant plus, fut enfin obligé de dire cette absurdité: Que les enfans sont malheureux par la mort et toutes ses suites, non à cause qu'ils sont coupables, mais afin qu'ils soient avertis par cette misère de n'imiter point le péché du premier homme (2). C'étoit une étrange maxime de commencer par affliger des innocens, de peur qu'ils ne devinssent coupables. Ainsi, dit saint Augustin (3), Dieu ne devoit pas attendre qu'Eve eût péché pour la soumettre aux douleurs de l'enfantement, ni qu'Adam eût désobéi pour l'assujettir à tant de misères. « Il devoit com» mencer par punir Eve, en l'affligeant de tant de » maux, afin que ses malheurs l'avertissent de ne >> point écouter le serpent: il devoit aussi com» mencer par punir Adam, en le rendant malheu>> reux, de peur qu'il ne consentît au désir de sa » femme : la peine devoit prévenir et non pas suivre

(1) Loc. citat. Garn, diss. v. — (2) Operis imp. lib. VI. c. xxvII. pag. 1354.— (3) Ibid.

» le péché; afin que, contre tout ordre, l'homme » étant châtié, non point à cause qu'il avoit péché, >> mais de peur qu'il ne péchât, ce ne fût pas le péché, mais l'innocence que l'on punît ».

>>

Julien aimoit mieux tomber dans des absurdités si visibles, que d'avouer que la mort pût être un supplice dans les enfans; et contre toute raison, il la prit plutôt pour un avertissement que pour une peine, tant il étoit frappé de cette vérité : que la peine ne pouvoit pas convenir avec l'innocence. Il ne faut donc pas s'étonner que les anciens, et entre autres saint Chrysostôme, aient si souvent expliqué le péché originel par la mort du corps, qui en étoit le supplice, ni que saint Augustin ait soutenu qu'il n'y en a point qui n'aient cru très-certainement les enfans pécheurs, dès qu'il est certain et avoué qu'il n'y en a point qui ne les ait crus punis de mort.

CHAPITRE XVIII.

Pourquoi on s'attache à la mort plus qu'à toutes les autres peines pour démontrer le péché originel.

Si l'on demande maintenant pourquoi, afin d'expliquer le péché originel, on s'attache tant à la mort et aux autres peines qui ne regardent que le corps, la raison en est bien claire : c'est que ce sont celles-là qui frappent les sens; ce sont celles-là qu'on trouve le plus marquées dans l'Ecriture, et celles d'ailleurs qui sont la figure de toutes les autres; et sans entrer plus avant dans cette considération,

il nous suffit à présent d'avoir démontré que M. Simon a vainement distingué, après Grotius, dans le péché originel, la peine d'avec la coulpe, puisqu'au contraire, selon les règles de la justice divine, il falloit montrer la coulpe dans la peine.

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CHAPITRE XIX.

Témoignages de la tradition de l'Eglise d'Occident, rapportés par saint Augustin, et combien la preuve en est

constante.

POUR maintenant confondre, non-seulement par conséquences infaillibles, mais encore par témoignages exprès les critiques, qui attribuent à saint Augustin des sentimens particuliers sur le péché originel, il ne faut qu'entendre saint Augustin même et lire les passages qu'il produit des anciens docteurs. On verra que rien ne manque à sa preuve. Comme il s'agissoit d'abord de l'Occident, ainsi qu'il a été remarqué, il produit les témoins les plus illustres de toutes les Eglises occidentales (1). On voit paroître, pour l'Eglise gallicane, saint Irénée de Lyon, Réticius d'Autun, saint Hilaire de Poitiers ; pour l'Afrique, saint Cyprien; pour l'Espagne Olympius, homme, dit-il, d'une grande gloire en l'Eglise et en Jésus-Christ; pour l'Italie, saint Ambroise. Ainsi tout l'Occident est représenté par ces docteurs l'Eglise n'avoit rien de plus illustre. On connoît, pour nos Gaules, le mérite de saint Irénée et de saint Hilaire, le compagnon de saint Athanase (1) Cont. Jul. 1. c. III.

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pour la défense de la divinité de Jésus-Christ. Réticius, évêque d'Autun, fut un des trois évêques nommés par l'empereur Constantin, pour terminer, dans son origine, la querelle des donatistes; et pour savoir, dit saint Augustin (1), combien grande étoit son autorité dans l'Eglise, il ne faut que lire les actes publics qui ont été faits, lorsqu'étant à Rome, sous la présidence de Melchiade, évêque du Siége apostolique, il condamna, avec les autres évêques, Donat, auteur du schisme, et renvoya absous Cicilien, évêque de Carthage. On voit par-là que saint Augustin prend soin d'alléguer les évêques du plus grand nom et de la plus grande autorité, parmi lesquels il se trouve deux martyrs, saint Irénée et saint Cyprien, quioutre les autres avantages, avoient encore celui de l'antiquité; saint Irénée, étant si proche du siècle des apôtres, ainsi que saint Augustin le remarque (2), et saint Cyprien ayant souffert le martyre au 3.e siècle. Ainsi ni l'autorité, ni l'antiquité ne manquoient point à saint Augustin. Le passage de saint Cyprien, le plus authentique de tous et le plus précis, étoit tiré, comme le remarque saint Augustin (3), d'une lettre synodique d'un concile de Carthage de soixante-six évêques, dont l'autorité étoit inviolable, puisque jamais elle n'a été révoquée en doute. Pour saint Ambroise, saint Augustin n'oublie pas qu'il avoit été son maître et son père en Jésus-Christ, puisque c'étoit de ses mains qu'il avoit reçu le baptême (4); d'où il résultoit qu'on ne pouvoit pas l'accuser de ne pas suivre la tradi(1) Cont. Jul. 1. c. 111. n. 7. (3) Ad Bonif. lib. w. c. VIII. n. 23.. (4) Cont. Jul. l. 1. c, 111, n. 10.

(2) Ibid.

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