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du péché originel; cette concupiscence étant le mal même dont saint Paul a dit : Le mal réside en moi, ou le mal y est attaché, y est inhérent, MALUM MIHI ADJACET (1). Le cardinal Bellarmin prouve par ce passage et par beaucoup d'autres, que la concupiscence est mauvaise (2). Comme elle est inséparable de notre naissance, et qu'elle vient, avec la vie, d'Adam devenu pécheur, elle nous fait un avec lui en cette qualité, et contient tout son péché en elle-même. C'est pourquoi saint Clément d'Alexandrie l'appeloit une impiété. C'est aussi ce qui faisoit dire à saint Grégoire de Nazianze, qu'elle désiroit toujours le fruit défendu (3). Le concile de Trente, en expliquant en quel sens elle peut être appelée péché, décide à la vérité, qu'elle ne l'est pas véritablement et proprement, NON VERÈ ET PROPRIÈ; mais c'est, dit-il (4), dans les baptisés, IN RENATIS; ce qui semble indiquer que dans les autres et avant ce sacrement, c'est un péché véritable et proprement dit, tant à cause qu'elle domine dans les ames où la grâce n'est pas encore, et qu'elle y met un désordre radical, qu'à cause qu'elle est le sujet où s'attache la faute d'Adam et le péché d'origine. C'est la doctrine constante de saint Augustin, dans laquelle on a déjà vu, et on verra de plus en plus, qu'il n'ajoute rien à la tradition des saints qui l'ont précédé.

(1) Rom. VII. 21. (2) De amiss. gr. et stat. pecc. l. vi. cap. XIV. (3) Tom. 1. p. 93. Carm. ·(4) Sess. v. can. 5.

CHAPITRE XXVIII.

Passages d'Origène : vaines critiques sur ces passages, décidées par son livre contre Celse: que cet auteur ne rapporte pas à une vie précédente, mais au seul Adam le péché que nous apportons en naissant : pourquoi saint Augustin n'a cité ni Origène ni Tertullien.

Nous pouvons ranger Origène après son maître Clément Alexandrin. Les témoignages de cet auteur pour le péché originel sont si exprès, que ceux mêmes de saint Augustin ne le sont pas plus, et en si grand nombre, qu'il ne faut pas entreprendre de les copier tous. Tout le monde sait ceux des homélies viii et xii sur le Lévitique (1), du traité 1x sur saint Matthieu (2), du traité xiv sur saint Luc (3), où il est parlé du baptême des petits enfans en rémission des péchés et des souillures de leur naissance, dont ils ne peuvent être purifiés que par le baptême, conformément à cette parole de notre Seigneur : Si on ne renaît d'eau et du Saint-Esprit, on n'entre pas dans le royaume de Dieu. On voit aussi par le livre v, sur l'épître aux Romains (4), que par s'il a entendu in quo avec la Vulgate, et non pas QUATENUS OU EO QUOD, à cause que, comme le vouloient les pélagiens; par où il établit que tous les hommes ont été dans le paradis en Adam. Il enseigne dans le même endroit, que la mort qui a passé à tous les hommes par Adam, est celle de

(1) T. 1. p. 89, 90, 102. — (1) T. 11. p. 49. — (3) Ibid. 142. (4) Ibid. 341, 342, 343, 348.

l'ame,

l'ame, par conséquent le péché, d'où suit en tous la mort du corps.

On fait diverses critiques sur quelques-uns de ces passages d'Origène, et il y en a qui veulent qu'une partie ne soit pas de lui (1), comme ceux sur le Lévitique. On dit aussi, après saint Jérôme, que les péchés qui sont remis par le baptême, sont attribués par Origène à une vie précédente; mais cela ne se trouvera pas, et Origène les attribue constamment au péché d'Adam. Pour la critique qui ôte à Origène les homélies sur le Lévitique, elle n'est pas suivie; car tout y ressent Origène; et quoi qu'il en soit, la difficulté est levée, puisqu'il dit la même chose dans les autres homélies, comme sur saint Matthieu et saint Luc. Les livres sur l'épître aux Romains, traduits par saint Jérôme, ne sont ni douteux ni suspects, et ne souffrent point de réplique. Origène y réfute même ceux qui vouloient trouver dans une autre vie, qui précédoit celle-ci, le péché que nous apportons en naissant (2).

Mais ce qui finit toutes les critiques sur le sujet d'Origène, c'est sa doctrine constante dans son livre contre Celse, où nous avons le grec de ce grand auteur, sans qu'il faille nous en rapporter à ses interprètes. Il enseigne premièrement, que nul homme n'est sans péché, et que nous sommes tous pécheurs par nature (3) : secondement, que nous le sommes par naissance, et ce qui est décisif, que c'est pour cela que la loi ordonne qu'on offre pour les enfans nouvellement nés le sacrifice pour le péché, à cause (2) Pag. 344, 352, 353.

(1) Card. Norris, lib. 1. c. 1. p. 5, 6. (3) Lib. 1. p. 149, 150, 151.

BOSSUET. V.

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qu'ils ne sont point purs de péché, et que ces paroles de David: J'AI été conçu en iNIQUITÉ, leur conviennent en cet état (1). Nous avons remarqué ailleurs (2) deux autres passages, où cet auteur entend du péché originel ce célèbre verset de David; mais celuici qui est le plus décisif, à cause du livre où il se trouve, nous avoit échappé. Troisièmement, il regarde la nature raisonnable comme corrompue et pécheresse (3), ce qui emporte un véritable péché commun à toute notre nature. Quatrièmement, Origène rapporte toujours cette tache originelle au péché d'Adam (4), ce qui ne laisse aucun doute du sentiment de ce grand homme.

Il est vrai que sur l'épître aux Romains, en racontant toutes les manières dont Adam a pu nuire à sa postérité, il remarque entre les autres, celle que les pélagiens ont suivie depuis, c'est-à-dire, celle de l'exemple qu'il nous a laissé de désobéir; mais c'est en présupposant, et là, et partout ailleurs, une autre manière de nous nuire, en faisant passer à nous par la naissance, un véritable péché, qu'il falloit laver par le baptême, même dans les petits enfans.

Il est vrai encore qu'Origène a reconnu dans les ames une vie, qui a précédé celle où elles se trouvent unies à un corps mortel; car il la croyoit nécessaire pour justifier la diversité infinie des peines et des états dans la vie humaine, lesquels il ne croyoit pas pouvoir rapporter au seul péché originel, qui étoit commun à tous. Il disoit donc que la

(1) Lib. vii. p. 365, 366.— (2) Suppl. in Psal. tom. 1. p. 610. (3) Lib. iv. p. 229. — (4) Ib. p. 291. Lib. vii. p. 350, 351, 366.

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cause de cette inégalité étoit les divers mérites dans une vie précédente; mais il ne se trouvera pas qu'il ait une seule fois allégué cette raison, quand il a parlé de ce péché que nous apportions en naissant, et qu'il falloit expier par le baptême; au contraire, nous avons vu qu'il l'a toujours rapporté au premier Père; et lorsque saint Jérôme lui attribue autre chose (1), c'est plutôt une conséquence qu'il remarque qu'on eût pu tirer de ses principes, qu'une doctrine qu'il ait jamais enseignée.

Au reste, d'autres que nous, et entre autres le P. Garnier après le P. Petau, si je ne me trompe, ont fait voir que les pélagiens, loin d'avoir prétendu suivre Origène, se glorifioient de combattre ses erreurs ; et quoi qu'il en soit, il est bien certain qu'ils ne peuvent avoir pris de lui leur doctrine contre le péché originel; puisque ce grand homme avoit établi la sienne dans les mêmes termes dont saint Augustin s'est servi, et avec toute l'évidence qu'on

a vue.

Que si ce Père n'a pas employé l'autorité d'Origène, non plus que celle de Tertullien, c'est qu'ils étoient des auteurs flétris; le premier, par le jugement de Théophile d'Alexandrie, confirmé par celui du pape saint Anastase, et le second, par son schisme; mais comme ce n'est point sur cet article que ces grands auteurs ont été notés, et qu'au contraire ils l'ont expliqué selon toutes les règles de la tradition, on peut très-bien les employer pour en expliquer la suite.

(1) Dial. u,

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