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CHAPITRE XXIX.

Tertullien exprime de mot à mot toute la théologie de saint Augustin.

OUTRE le passage de Tertullien qu'on a déjà remarqué (1) en parlant de saint Irénée, nous trouvons encore dans ce grave auteur (2), que la raison nous venant de Dieu, ce qu'il y a en nous contre la raison nous est venu par l'instinct du diable, et que ce n'est autre chose que cette première faute de la prévarication d'Adam, PRIMUM ILLUD PRÆVARICATIONIS ADMISSUM, qui depuis est demeurée inhérente en nous, et nous a passée en nature, ADOLEVIT et COADOLEVIT AD INSTAR NATURALITATIS, à cause qu'elle est arrivée au commencement de la nature même, IN PRIMORDIO NATURE. Il faut entendre par ce terme PRIMORDIUM, non-seulement le commencement par l'ordre des temps, mais encore le commencement par principe et par origine; et cela n'est autre chose que de reconnoître ce grand changement arrivé, et dans notre corps et dans notre ame, au commencement et dans la source du genre humain, que saint Augustin a eu à défendre contre les pélagiens. On ne pouvoit pas reconnoître mieux cet in quo de l'épître aux Romains, ni dire plus fortement que nous avons tous péché en Adam, qu'en disant que son péché nous étoit passé en nature (3); et la conséquence naturelle de ce grand principe, est celle (1) Ci-dessus, ch. xxv. (2) De animá, c. XVI. —

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(3) Ibid. c. XL

3

que

Tertullien reconnoît aussi dans la suite, que les enfans, même des fidèles, naissoient impurs : cela Jésus-Christ a dit, que si on ne reque pour naissoit de l'eau et du Saint-Esprit, on n'auroit point de part à son royaume; et qu'ainsi toute ame étoit réputée étre en Adam jusqu'à ce qu'elle soit renouvelée en Jésus-Christ. Etre en Adam, n'est pas seulement être dans la peine, mais encore être dans la malédiction, dans la damnation, dans la perte, dans le péché; et c'est pourquoi il ajoute : Que toute ame est pécheresse, à cause de son impureté, et le demeure toujours, jusqu'à ce qu'elle soit régénérée

par

le baptême. Ce sacrement n'ôte point la mort, il n'ôte point le fond de la concupiscence. Si donc le baptême ôte à l'ame quelque tache, on n'en voit point d'autre que celle du péché, qu'elle contracte, dit Tertullien, par son union avec la chair, à cause, continue-t-il, de la convoitise par laquelle elle convoite contre l'esprit, ce qui la rend pécheresse autant la chair le peut être. que

Voilà toute la théologie du péché originel aussi clairement expliquée, qu'auroit pu faire saint Augustin, depuis la dispute des pélagiens: voilà le premier péché qui passe en nature à tous les hommes: en voilà la propagation par la concupiscence de la chair: en voilà la rémission dans le baptême, et je ne sais plus rien à y ajouter.

CHAPITRE XXX.

Erreur des nouveaux critiques, qu'on parloit obscurément du péché originel avant saint Cyprien: suite des passages de Tertullien, que ce saint appeloit son maitre: beau passage du livre De pudicitiâ.

On ne voit donc pas pourquoi nos critiques ont voulu insinuer qu'on ne parloit qu'obscurément de cette doctrine avant saint Cyprien. Il est vrai qu'il n'y a rien de plus net que ces paroles de ce saint martyr, citées par saint Augustin (1), que nous devons baptiser les enfans, parce qu'autant qu'il est nous, nous ne devons perdre aucune ame : par où il montre que l'ame est perdue sans le baptême; ce qu'il appuie en disant Que les enfans nouvellement nés, qui n'avoient péché qu'à cause qu'étant engendrés d'Adam selon la chair, ils avoient par contagion contracté la mort ancienne par leur première naissance, devoient être d'autant plus tôt reçus à la rémission des péchés, qu'on leur remettoit, non pas leurs propres péchés, mais des péchés étrangers, c'est-à-dire, tous les péchés d'orgueil, de révolte, d'intempérance et d'erreur qui se trouvent dans le seul péché du premier père.

Tout est compris dans ce peu de mots de saint Cyprien, c'est-à-dire, tant le péché même, que la naissance charnelle, et en elle la concupiscence, par où il étoit transmis : mais tout ce qu'on trouve de si précis dans ces paroles de saint Cyprien,

(1) L. 11. de pecc. mer. c. 111. cont. Jul. l. 1. c. 11. Epist. ad fid.

avoit précédé, et peut-être plus formellement dans celles de Tertulien, que ce saint martyr ne dédaignoit pas d'appeler son maître.

Par la force du même principe, le même Tertullien explique cette ressemblance de la chair du péché (1), que saint Paul a reconnue dans notre Seigneur, et saint Augustin n'en parle pas autrement que lui.

On pourroit faire un volume des autres passages du même Tertullien. Je remarquerai seulement qu'il nous fait sentir, comme ont fait aussi tous les anciens, que nous avions commis le même péché que notre premier père, que nous avions avec lui étendu le bras au bois défendu, que nous y avions goûté une pernicieuse douceur (2), ce qui est toujours cet in quo de saint Paul; enfin, qu'avant le baptême notre chair étoit en Adam dans son vice, dans le poison, dans la corruption de la convoitise, dans les taches et dans les ordures du premier péché, que l'eau du baptême n'avoit point encore lavées; et que cette corruption passoit en nous par l'impureté contagieuse du sang d'où nous sommes conçus, et par la noirceur de la concupiscence: le baptême n'en ôtoit pas le fond, il n'en ôtoit que la tache, la coulpe, le reatus, comme parle saint Augustin. Il y a donc une tache, un reatus, une coulpe héréditaire? Qu'y a-t-il à ajouter à cette doctrine?

Il ne faut donc pas s'étonner si saint Cyprien avec son concile de soixante-six évêques, consulté sur le baptême des petits enfans, que quelques-uns vouloient différer au huitième jour, à l'exemple de (1) De Carn. Christ. c. XVI. - (2) De pudic.

la circoncision, résout cette question, ainsi que l'a remarqué saint Augustin (1), par la doctrine du péché originel, comme par un principe constamment reçu, et sur lequel il n'y avoit jamais eu de contestation ni aucune consultation à faire, puisqu'il étoit regardé de tous comme certain et indubitable. On voit en effet que ce saint martyr ne fait que dire et appliquer au sujet ce qui avoit été enseigné par les Pères précédens; et l'avantage qu'on tire de sa lettre synodique n'est pas d'y apprendre quelchose de nouveau sur ce dogme, mais de le voir établi comme certain et incontestable (2) par l'autorité de tout le concile d'Afrique, qui avoit à sa tête un si grand docteur.

que

CHAPITRE XXXI.

Réflexions sur ces passages qui sont des trois premiers siècles: passages de saint Athanase dans le quatrième.

Nous ne sommes qu'au troisième siècle de l'Eglise, et on y voit déjà sans le moindre doute, et autant en Orient qu'en Occident, la tradition du péché originel; je dis du péché originel dans le sens et dans l'esprit de saint Augustin, et des conciles d'Afrique, d'Orange et de Trente: on voit déjà des conciles en faveur de ce dogme. On a vu, sur la fin du troisième siècle, et au commencement du quatrième, Réticius, évêque d'Autun, cité par saint Augustin on a vu, dans le même Père, Olympius,

(1) De pecc. mer. l. 1. c. v. n. 10. p. 75. — (3) Aug. ibid.

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