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cela il allègue le passage qu'on vient de voir de saint Paul, où il parle de Jacob et d'Esaü comme n'ayant fait ni bien ni mal (1). Il pouvoit aussi rapporter ce que dit le même apôtre : La mort a régné sur tous ceux qui n'ont point péché (2). Il venoit de dire qu'ils ont péché en Adam, et il dit aussitôt après qu'ils n'ont point péché, c'est-à-dire, comme il ajoute, qu'ils n'ont point péché en ressemblance de la prévarication d'Adam, et comme l'explique saint Jérôme (3) aussi bien que saint Augustin (4), par leur propre et particulière volonté. On peut donc dire qu'ils ont péché et n'ont point péché à divers égards; et c'est vouloir embrouiller une chose claire que de chercher ici de l'embarras.

CHAPITRE IV.

Pourquoi saint Chrysostome n'a point parlé expressément en ce lieu du péché originel, au lieu que Nestorius et saint Isidore de Damiette en ont parlé un peu après avec une entière clarté.

Au reste, dans la liberté qu'on avoit, selon ses diverses vues, de mettre les petits enfans au rang des coupables ou des innocens, saint Chrysostôme, en ce lieu avoit ses raisons pour les regarder de cette dernière manière; car il avoit à réfuter ceux qui dégradoient le baptême, et en mutiloient la grâce en la restreignant au seul pardon, à l'exclusion des autres dons beaucoup plus grands. C'est ce qui pa

(1) Rom. IX. 11. — (2) Rom. v. 14. — (3) Adv. Pel. lib. 111. p. 471. • (4) De pecc. mer. l. 1. c. x1.

roît par le texte de son homélie, qu'il faut encore une fois, pour un plus grand débrouillement de cette matière, présenter aux yeux des lecteurs. Il y en a, dit-il, qui veulent croire que la grâce de ce sacrement consiste toute dans la rémission des péchés; mais nous venons d'en raconter dix avantages. C'est aussi pour cette raison que nous baptisons les enfans, quoiqu'ils n'aient point de péchés, pour leur ajouter la sainteté, la justice, l'adoption, l'héritage, la fraternité de Jésus-Christ, l'honneur d'étre ses membres et la demeure du Saint-Esprit.

Dans le dessein que se proposoit ce grand personnage, on voit qu'il avoit besoin, non point des péchés dont le baptême nous délivre, mais des grâces qu'il nous confère. C'est pourquoi il exagère les dons, et passe légèrement sur le péché des enfans. Et si l'on demande : Pourquoi, en disant qu'ils n'avoient point de péchés, ne s'explique-t-il pas davantage? que lui eût-il coûté de dire qu'ils n'avoient point de péchés propres, et de mettre tout à couvert par ce peu de mots? Saint Augustin répond pour lui (1), qu'il ne faut pas s'étonner s'il n'a pas eu cette précaution dans un temps qu'il n'y avoit pas de question qui l'y obligeât, et que les pélagiens ne s'étoient pas encore élevés.

Et pour montrer la solidité de cette réponse, il n'y a qu'à voir comment on parle depuis la naissance de cette hérésie. Avant que Nestorius eût éclaté contre l'Eglise, nous avons vu qu'il s'étoit servi, contre Pélage et Célestius, de cette cédule que saint Chrysostôme avoit prêchée peut-être dans la

(1) Cont. Jul. l. 1. c. IV. n. 22.

même chaire (1). Mais Nestorius s'explique plus clairement que n'avoit fait saint Chrysostôme. Car il dit positivement, que cette cédule, c'est le péché d'Adam. Il ajoute que cette cédule nous exclut du ciel, et nous fait mourir dans la puissance du diable. D'où vient qu'il a parlé plus précisément et avec plus de précaution que saint Chrysostôme, bien plus habile que lui, si ce n'est que Julien le pélagien, réfugié à Constantinople après sa condamnation, et présent peut-être à ce sermon, l'avoit rendu plus attentif à l'hérésie pélagienne, qu'il se faisoit alors un honneur de combattre. C'est pourquoi on peut bien trouver le même fond de doctrine dans saint Chrysostôme, mais non pas toujours pour cela la même précision.

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C'est ce qui paroît encore plus clairement un peu après dans saint Isidore de Damiette. On lui demande pourquoi on baptise les petits enfans, encore qu'ils soient sans péché, αναμάρτητα όντα : « et » il y en a, répond-il (2), qui, s'attachant aux petites choses, en rendent cette raison, qu'on » efface par ce moyen la tache qui passe en nous » par la prévarication d'Adam; pour moi, je crois » aussi que cela se fait, mais non pas cela seule»ment; car ce seroit peu de chose. Il y faut donc » ajouter les dons qui surpassent notre nature : » elle ne reçoit pas seulement ce qui lui est néces»saire pour effacer le péché, mais elle est ornée » des dons divins; elle n'est pas seulement délivrée » du supplice, ni de toute la malice du péché, (1) Apud Mercat. Serm. 11. Nest. n. 7, 8. Garn. p. 84. — (2) Lib. 111. Ep. CXCV.

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» mais elle est régénérée d'en-haut, rachetée, sanc» tifiée, adoptée, justifiée, cohéritière du Fils unique, et unie à ce chef comme un de ses mem»bres». Et un peu après : « Nous n'avons pas seu»lement reçu un remède contre une plaie, mais >> une beauté au-dessus de tous nos mérites. Ainsi il » ne faut pas croire que le baptême ôte seulement » les péchés; mais encore qu'il opère avec l'adop» tion mille autres dons dont j'ai expliqué une » partie ».

Je ne crois pas que personne puisse lire cette lettre d'un homme, que l'on sait d'ailleurs avoir été si affectionné à la lecture de saint Chrysostôme (1), sans sentir qu'il avoit en vue l'homélie de ce Père que Julien objectoit. On voit dans toutes les deux, je veux dire et dans la lettre et dans l'homélie, nonsculement le même dessein de prouver que le baptême ne consiste pas dans la seule rémission des péchés, mais encore les mêmes preuves, les mêmes expressions, le même ordre, et le même esprit de ne s'arrêter presque pas à la rémission du péché, en comparaison des dons immenses qui sont attachés à ce sacremeut. Si saint Isidore s'explique plus clairement, s'il s'exprime en termes formels, qu'un des effets du baptême des petits enfans, est d'effacer la tache du péché originel et d'en guérir la plaie; s'il l'appelle formellement un péché, une malice, en un mot, s'il explique si distinctement ce que saint Chrysostôme n'a dit qu'en gros, ce n'est pas qu'il soit plus savant que ce grand évêque, ni qu'il pense autrement que lui, puisqu'il le nomme si souvent (1) Lib. v. Ep. xxxi.

comme son maître; mais c'est qu'étant réveillé par l'hérésie des pélagiens, qui avoit fait tant de bruit par toute la terre, il a été plus attentif à des choses que saint Chrysostôme n'avoit point d'obligation d'expliquer.

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CHAPITRE V.

Passages de saint Chrysostome dans l'homélie x sur l'épitre aux Romains, proposés en parties par saint Augustin, pour le péché originel.

OUTRE l'homélie sur les nouveaux baptisés, que nous n'avons plus, saint Augustin oppose à Julien les passages de l'homélie x sur l'épître aux Romains que nous avons. C'est reconnoître, dit-il, le péché originel que d'enseigner, comme saint Chrysostôme a fait au commencement de cette homélie, que le péché qui a tout souillé n'est pas celui qui vient de la transgression de la loi de Moïse, mais celui qui vient de la désobéissance d'Adam (1). Il s'agit d'un véritable péché, puisqu'on le compare à la transgression de la loi de Moïse : ce péché est universel, puisqu'il souille tout, et d'une souillure qui est comparée à celle que l'on contracte par la prévarication de la loi de Moïse. Ce n'est donc pas seulement la peine, mais encore le péché qui passe d'Adam à tous les hommes, et qui infecte tout le genre hu

main.

Saint Augustin nous fait voir encore dans la suite

(1) Chrysost. Hom. x. in Epist. ad Rom. apud Aug. l. 1. cont. Jul. C. VI. n. 17.

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