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coupable. Pour ce qui est donc de l'acte du péché d'Adam, il n'a garde de passer à ses enfans ou d'y demeurer, puisqu'il ne demeure pas en Adam même, et c'est tout ce que veut dire saint Chrysostôme; mais quant à ce qu'il y a d'habituel et de permanent dans le péché, ce saint docteur l'exclut si peu, qu'au contraire il le présuppose comme le fondement nécessaire des peines.

CHAPITRE VIII.

Preuve par saint Chrysostome que les peines du péché ne passoient à nous qu'après que le péché y avoit passé: passage sur le psaume L.

C'EST ce qui paroît clairement dans ce verset du psaume cinquantième : Je suis conçu en péché, où ce docte Père parle ainsi : De toute antiquité, dit-il, et dès le commencement de la nature humaine, le péché a prévalu, puisque la transgression du commandement divin a précédé l'enfantement d'Eve: voici donc ce que veut dire David, le péché qui a surmonté nos premiers pères, s'est fait une entrée et une ouverture dans ses enfans. C'est donc le péché qui entre : les peines entrent aussi, il est vrai; et c'est pourquoi saint Chrysostôme les rapporte après, et premièrement la mort, ou si l'on veut la mortalité, d'où il fait naître les passions, les craintes, l'amour du plaisir, et en un mot, la concupiscence; mais il a fallu que le péché même entrât le premier, sans quoi le reste n'auroit pas suivi.

CHAPITRE IX.

Que saint Chrysostome n'a rien de commun avec les anciens pélagiens, et que saint Augustin l'a bien démontré.

C'EST là aussi, pour en revenir à l'homélie x sur l'épître aux Romains, le pur esprit de saint Paul dans cette épître. Le péché, dit-il, est entré dans le monde par un seul homme. Remarquez la particule par. Il n'est pas entré seulement en Adam, mais par lui. Il est entré dans tout le monde; et, poursuit-il, sur ce fondement, la mort est aussi entrée par le péché, comme le supplice entre par

le crime.

A cela il n'y avoit de solution que celle dont les Pélagiens se servoient d'abord : que ce n'étoit pas par la génération, mais par l'exemple qu'Adam avoit introduit le péché dans le monde; mais comme cette solution étoit absurde et insoutenable, pour toutes les raisons qu'on a vues ailleurs, saint Augustin, qui n'oublie rien, sait bien remarquer que saint Chrysostôme ne s'en est jamais servi. Ce Père, dit-il (1), en traitant la question comment le péché a passé d'Adam à tous les hommes, n'a pas seulement songé à dire que ce fút par imitation : trouve-t-on, dit saint Augustin, un seul mot dans tout son discours qui ressente cette explication? Pélage et Célestius en sont les auteurs: saint Chry

(1) Lib. 1. cont. Jul. cap. vi.

sostôme rapporte tout à l'origine et non pas à l'exemple, et dès-là les anciens pélagiens ne peuvent s'autoriser de son témoignage.

CHAPITRE X.

Que saint Chrysostome ne dit pas qu'on puisse être puni sans étre coupable, et que les nouveaux pélagiens lui attribuent sans preuve cette absurdité.

MAIS les nouveaux pélagiens, qui le font auteur du nouveau systême encore plus prodigieux, où la peine passe sans la faute, ne sont pas mieux fondés. Ĉar après tout, que dit ce Père ? Dit-il que la peine puisse passer sans la coulpe, ou, ce qui est la même chose, qu'on puisse être puni sans être coupable. On ne trouvera jamais dans ses écrits une telle absurdité. Il dit seulement que dans ce pasde saint Paul: PLUSIEURS ONT ÉTÉ FAITS PÉsage CHEURS PAR LA DÉSOBÉISSANCE D'UN SEUL; pécheurs, c'est-à-dire, sujets au supplice et condamnés à la mort (1). En toute opinion, cela est vrai : être pécheur n'est pas en ce lieu avoir actuellement commis le péché, actuellement mangé le fruit défendu, ce que n'ont pas fait les enfans d'Adam; mais être pécheur, c'est avoir en soi ce qui demeure après l'acte du péché, ce qui est resté en Adam, après que cet acte a été passé; c'est-à-dire être coupable, ce que saint Chrysostôme explique très-bien par étre assujetti au supplice xohiau et condamné à la

mort.

(1) Hom. x. in Rom.

En effet, à dire le vrai, et en bonne théologie, être coupable ne peut être autre chose que d'être obligé au supplice, ὑπεύθυμοι κολάσει, comme parle saint Chrysostôme (1), ou, comme dit le même Père au même endroit, redevable de la peine dizna opsis. C'est ce que saint Chrysostôme explique par ces termes généraux xodacis, dizn: punition, peine. Que s'il ajoute qu'être coupable n'est pas seulement étre assujetti à la peine, mais encore être condamné à mort; et s'il s'attache principalement à la mort du corps dans toute la suite de son discours, ce n'a été pour réduire à la seule mort corporelle tout le supplice d'Adam, mais pour l'exprimer tout enla partie la plus sensible.

pas

tier

par

CHAPITRE XI.

Que saint Chrysostome a parfaitement connu la concupisence, et que cela méme c'est connoître le fond du péché originel.

Au reste, saint Chrysostôme ajoute aux maux que nous avons hérités d'Adam, ce qu'il appelle xaxía (2), qu'on peut traduire la malice ou lignité, le vice, la dépravation de notre nature; en un mot, la concupiscence, qui consiste dans cette pente violente au mal que nous apportons en nais

sant.

Saint Chrysostôme y ajoute encore cette révolte des sens, ce foible pour le bien sensible, cette ardeur qui nous y entraîne comme malgré nous, d'où

(1) Hom x. in Rom. — (2) Ibid.

naît

naît même dans nos corps ce désordre honteux, que ce Père appelle l'image du péché, et qu'il explique avec autant de force que d'honnêteté dans un passage qui est rapporté par saint Augustin (1). Nous avons déjà remarqué que ce désordre n'est pas seulement un des effets de notre péché, mais qu'il en fait une partie, puisqu'il en est le fond et le sujet. Nous naissons dans ce désordre, parce que c'est par ce désordre que nous naissons, et qu'il est inséparable du principe de notre naissance. C'est donc là ce qui fait en nous la propagation du péché, et la rend aussi naturelle que celle de la vie.

Ainsi, il n'y a rien de plus véritable que ce qu'on a déjà remarqué, que quiconque connoît parfaitement la concupiscence, dans le fond connoît aussi ce péché de notre nature. C'est pourquoi saint Augustin joint ces deux choses dans tous ses écrits, et en particulier dans les livres contre Julien (2), où il montre que tous les anciens ont reconnu le péché originel, parce qu'ils ont reconnu la concupiscence; parce qu'en effet la reconnoître c'est reconnoître dans tous les hommes, dès le principe de leur conception, ce déréglement radical, qui devient si sensible dans le progrès de l'âge, qu'il a même été reconnu par les philosophes païens. Il est donc vrai que tous les hommes portent dans la révolte de leurs sens une secrète et naturelle impression de l'ancien péché dont toute la naturę est infectée.

(1) Cont. Jul. lib. 11. c. VI. — (2) Lib. 11.

BOSSUET. V.

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